L’action de Call of Cthulhu se situe
sur cette terre, dans les années 1920. Les personnages, qui peuvent
être de n’importe quelle nationalité (bien que les références fournies
dans les règles s’appliquent surtout aux Américains) ne sont ni des
guerriers ni des magiciens. Ce sont des gens comme tout le monde,
vivant dans un monde qui, il y a soixante ans, n’était pas
fondamentalement différent de celui d’aujourd’hui. Les principaux
antécédents proposés pour les personnages sont écrivain, professeur,
historien, antiquaire, parapsychologue, journaliste. Ce ne sont
généralement pas des hommes d’action, mais plutôt des intellectuels.
Le basic Role-playing, vous connaissez ?
Le jeu, édité par Chaosium, se joue selon le principe du Jeu de
Rôle de Base (Basic Role-Playing). Les joueurs qui jouent déjà à
Runequest se sentiront aussitôt familiarisés avec la mécanique du jeu
(avec la mécanique seulement !). Ils retrouveront pour définir leur
personnage, les mêmes attributs à tirer sur 3 dés à 6 faces Force,
Constitution, Taille, Dextérité, Charisme, Intelligence et Pouvoir. Il
s’en ajoute cependant une huitième L’Education.
Selon le principe du jeu de rôle de base, les personnages ont
à leur disposition un certain nombre de talents ou aptitudes (skills)
qu’ils développeront plus ou moins selon leur profession de départ,
leur goût, et ce qu’ils en feront au cours des aventures.
Toutes ces aptitudes, y compris celles de combat, sont
définies par un pourcentage. Au cours du jeu, pour réussir une action,
il suffit de jouer ce pourcentage — ou moins — sur 1d100. Si le jet est
réussi, il suffira, plus tard, de rejouer ce pourcentage — ou plus —
pour l’augmenter. Telle est la façon dont s’acquiert l’expérience.
L’Éducation sert entre autres choses à déterminer l’expérience
préliminaire. Plus votre score d’Éducation est élevé, plus vous pourrez
partir avec de hauts pourcentages dans les aptitudes définies par votre
profession. Quant au Pouvoir, s’il est indispensable pour l’utilisation
de la magie (magie très rare et très périlleuse), il sert à déterminer
la caractéristique la plus originale du jeu, sa véritable clé de voûte
la Santé Mentale.
Équilibre mental en baisse et bonjour folie !
La Santé Mentale (en abrégé SAN) est déterminée par le Pouvoir
multiplié par 5. Un personnage moyen, doué d’un Pouvoir de 10, possède
donc au départ une cinquantaine de points de SAN. Lorsqu’au cours d’une
nuit venteuse, où les nuages échevelés occultent spasmodiquement la
blême rondeur de la pleine lune en trouées répétées d’ombres et de
lumière blafarde, sur fond d’orage qui gronde au loin, notre personnage
entend gratter à sa fenêtre et se retourne pour voir, écrasé contre la
vitre, un visage qui n’a rien d’humain, va-t-il avec un sang-froid
imperturbable dégainer son révolver +1 ? Non. La réponse est brutale.
Non. Moi aussi, j’ai cru qu’il le ferait ; moi aussi j’ai espéré qu’il
le fasse. Eh bien non.
D’abord parce qu’en 1920 de tels gadgets sont toujours
inconnus, et puis parce que notre personnage n’est qu’un paisible
professeur d’histoire de l’université de Miskatonic, Arkham,
Massachusetts. Alors, que va-t-il faire ? Eh bien, il se contente de
devenir blanc comme un linge, de sentir ses cheveux se dresser sur sa
tête il pousse un vague cri étranglé et laisse tomber le livre qu’il
lisait. (Un curieux bouquin écrit en latin, d’ailleurs, découvert le
matin même chez un bouquiniste ironique et barbu, et qui porte un titre
non moins curieux Le Nécronomicon...) Jusqu’au matin, il restera à
trembler, attendant avec angoisse la venue libératrice du jour. Notre
personnage a craqué. Il est maintenant atteint de Nyctophobie (peur de
la nuit). Sa folie ne sera sans doute que passagère n’empêche que tous
les soirs, à la tombée de la nuit, il ne pourra s’empêcher de se sentir
nerveux, surtout les nuits de pleine lune un tant soit peu venteuses.
Un peu... beaucoup... à la folie... pas du tout
Les règles concernant la folie, dans Call of Cthulhu, sont
aussi simples qu’efficaces. La folie se présente sous trois aspects :
passagère, permanente, incurable. Chaque fois qu’un personnage est
confronté à une créature du Mythe de Cthulhu, ou à un spectacle tout
aussi éprouvant pour les nerfs, le personnage doit réussir à jouer sur
1d100 un nombre équivalent ou inférieur à son nombre actuel de points
de SAN. S’il réussit, selon la gravité du cas, il ne perd que peu ou
pas de points de SAN. S’il manque son jet, il peut perdre jusqu’à un
très grand nombre de points de SAN.
Une perte de 5 points ou plus en une seule expérience conduit
à une folie passagère, qui peut durer de quelques minutes à quelques
jours. Une perte de 20% ou plus du nombre actuellement disponible de
points de SAN conduit à une folie permanente. Quand un personnage voit
ses points de SAN réduits à zéro ou moins, il est fou de façon
incurable. Il doit rendre sa fiche de personnage au Gardien des Arcanes
(le maître de jeu) et devient un NPC.
La folie permanente peut être guérie de deux façons :
- Par la psychanalyse, une science encore relativement nouvelle
(et qui fait d’ailleurs partie des talents que les personnages peuvent
posséder). Cela demande du temps et cela peut échouer avec, en
conséquence, aggravation de l’état du patient.
- Dernier ressort, les asiles où l’on pourra appliquer un
traitement alors fort à la mode : l’électrochoc. Outre que le risque
d’échec n’est pas négligeable, le patient peut se retrouver défiguré,
paralysé, idiot, etc.
En ce qui concerne les points de SAN perdus, ils peuvent
parfois être regagnés. Quand les Investigateurs (nom donné aux
aventuriers dans Call of Cthulhu) réussissent à mener à bien leur
entreprise, ils gagnent une nouvelle confiance en eux-mêmes et,
pratiquement, remontent en SAN.
Au rendez-vous de la mort ignominieuse
La folie, c’est bien mais on peut aussi mourir. Comme dans tous
les jeux de rôle, les personnages ont également des points de vie (hit
points). Ceux-ci sont déterminés par la moyenne entre les scores de
Constitution et de Taille. Un personnage moyen avec 10 en Constitution
et 8 en Taille, par exemple, aura donc 9 points de vie. Ceux-ci ne
peuvent jamais être augmentés. Quand on tombe à zéro points de vie, on
est mort.
Il y a peu de combats dans Call of Cthulhu ça n’est pas un
wargame, c’est un jeu de rôle ! Vouloir affronter les situations de
face, arme à la main, conduit à peu près toujours à l’échec. Un
révolver de petit calibre inflige un minimum de 1d6 de dommage, un gros
fusil à double canon peut aller jusqu’à 4d6, un révolver 45 fait 1d10
+2 — et il n’y a pas d’armures. Quant aux créatures du Mythe de
Cthulhu, 2 ou 3 d6 par attaque sont choses fréquemment vues et elles
ont droit à autant d’attaque par round qu’elles ont de griffes, de
cornes, de tentacules, etc. Sans compter que, pour la plupart, les
balles leur font autant d’effet que des pépins de raisin.
Mais alors ??!! (Je sens que vous commencez à craquer à votre
tour) si on ne peut pas les tuer, si le seul fait de les voir vous rend
fou, qu’est-ce qu’on peut faire?
Rien. Fuir. Essayer d’oublier. Espérer que EUX vous
oublieront. Jouer à autre chose. Je vous en conjure que mon sacrifice
ne soit pas inutile Je vous aurais prévenu... (Mais où est donc passée
cette fichue boîte de dés à 20 faces ?)
Lectures à ne pas mettre entre toutes les mains
Les livres de Savoir Secret (et interdit) sont la seule arme
véritable de CaIl of Cthulhu. Outre le Necronomicon, cité plus haut,
écrit par l’Arabe dément Abd Al-azred, les règles du jeu proposent une
bonne vingtaine de titres d’ouvrages mystérieux mentionnés dans les
histoire de Lovecraft et se rapportant plus au moins directement au
Mythe de Cthulhu.
Ces livres, quand on réussit à les dénicher, peuvent avoir
différents impacts sur le lecteur. D’abord, perte automatique d’un plus
ou moins grand nombre de points de SAN (et ça continu !). Ensuite,
point positif, augmentation d’un talent que les personnages ont
toujours à 0% au début de leur carrière : Connaissance du Mythe de
Cthulhu. Ce talent, quand il est monté à au moins 1%, fonctionne de la
façon suivante : chaque fois que les personnages croient avoir affaire
à une manifestation des Grands Anciens (Great Old Ones), des Autres
Dieux (Other Gods) tels que Azathoth, Nyarlathotep et les autres, ou à
toute créature extra-terrestre reliée au Mythe de Cthulhu, ils peuvent
tenter de jouer ce pourcentage pour savoir de quoi il retourne
véritablement. Et s’ils réussissent leur jet, ils gagnent au moins le
bénéfice d’être avertis et de savoir contre quoi ou qui ils se battent.
Renseignement d’une valeur inestimable.
La magie, un art à vos risques et périls
Enfin, la magie existe aussi dans Call of Cthulhu. Elle est
seulement rare et dangereuse à utiliser. Le second bénéfice que l’on
peut tirer de la lecture des livres interdits est d’y trouver la
formule d’un ou plusieurs sorts. Ces sorts se présentent à peu près
tous sous le même format : ils servent à contacter les créatures du
Mythe de Cthulhu, à les sommer, à tenter de les soumettre ; certains
sorts permettent d’appeler les Autres Dieux eux-mêmes, voire d’entrer
en contact avec Cthulhu en personne.
Essayer de faire se retourner ces créatures les unes contre
les autres peut parfois être une tactique payante. Il y a des risques.
Le sort peut échouer. La créature que vous venez de sommer d’apparaître
peut être de mauvaise humeur. Et puis, de toute façon, la moindre
incantation, le moindre gestuel entrant dans l’accomplissement de ces
sorts sont tellement hideux et blasphématoires que vous perdez
automatiquement des points de SAN. (Sans compter ceux que vous risquez
également de perdre au moment où la créature arrive.
Dernier détail, même si vous menez à bien vos missions et vos
aventures, votre Santé Mentale ne peut jamais dépasser 100 —
Connaissance du Mythe de Cthulhu. C’est-à-dire que si vous possédez 10
% de Connaissance du Mythe de Cthulhu, votre SAN ne pourra plus jamais
être supérieure à 90. Si vous avez 50 % de Connaissance du Mythe de
Cthulhu, votre SAN au mieux d’elle-même ne sera jamais supérieure à 50.
Et au cas où vous réussiriez à acquérir une connaissance du Mythe de
Cthulhu de 100 %, vous seriez automatiquement fou incurable avec une
SAN de zéro. L’équilibre mental, comme son nom l’indique, est une
question d’équilibre.
Alors, vous ne me croyez toujours pas ? Eh bien courez donc à votre
perte, j’aurai tout tenté pour vous sauver
Troublez-moi, ce soir
Call of Cthulhu est un Jeu de Rôle, peut-être à ma connaissance
l’un des seuls qui soit réellement un jeu de rôle, c’est-à-dire où l’on
incarne complètement un personnage, physiquement et mentalement.
Un jeu de rôle et non pas un wargame déguisé. L’une des
multiples définitions du jeu de rôle est un jeu où il n’y a ni perdant
ni gagnant. Call of Cthulhu répond parfaitement à cette définition. Le
but du jeu est avant tout de vivre une histoire, une bonne histoire
d’épouvante, pleine de coups mystérieux frappés à la fenêtre, de
greniers au bric-à-brac inquiétant, de cimetières abandonnés au clair
de lune. Jeu d’ambiance et (pour employer un mot étranger — le jeu ne
l’est-il pas ?) de feeling. Certes, pour apprécier pleinement le jeu,
il est bon d’avoir quelque connaissance des romans de Lovecraft de même
qu’il est utile d’avoir lu Tolkien pour se sentir dans l’ambiance de
Donjons & Dragons. Mais même si l’on n’a jamais lu Lovecraft, il
suffit d’avoir vu un ou deux films de vampires pour saisir de quelle
atmosphère il s’agit.