Introduction
Menii, capitale de l’île des Cités Pourpres, en automne. Les
PJ
sont entre deux engagements, et l’argent commence à se faire
rare. Un soir, ils reçoivent une lettre, leur demandant de se
rendre, le lendemain matin, au siège de la maison Lyrian (l’une
des principales familles marchandes de la cité). On leur propose
un travail « difficile, mais bien payé ». Bien entendu, cette
introduction
peut être modifiée à votre gré, en fonction du passé des
PJ et de leur réputation…
La maison Lyrian occupe un imposant groupe de bâtiments, mibanque,
mi-entrepôt, sur le port. Il y règne une activité fébrile. Il
suffit aux PJ de montrer leur convocation à l’un des employés
pour être conduits à l’étage, dans le bureau de maître Lyrian en
personne. C’est un gros homme chauve, très souriant et très
courtois. Il accueille les personnages comme s’ils étaient de
vieux amis, leur fait servir à boire, et commence à parler affaires.
Sa jovialité apparente dissimule une certaine nervosité, les PJ
qui réussiront un jet de Sagacité s’en rendront compte.
« Je suis, comme vous le savez sans doute, propriétaire d’une
importante flotte marchande. Hélas, l’un de ses plus beaux fleurons,
l’Herminia, a disparu en mer il y a quelques semaines.
Enfin, en mer… En vue de la côte lormyrienne, plus exactement.
Je voudrais que vous retrouviez l’épave et, si possible, que vous
me rameniez ce que vous pourrez sauver de la cargaison. Pour
ce qui est de la rémunération, j’offre 2 000 pièces de bronze par
personne, plus une prime représentant 1% de ce que vous pourrez
récupérer. Pour vous donner un ordre de grandeur, la cargaison
dans son ensemble était estimée à 300 000 pièces de bronze.
L’Ullna, mon navire le plus rapide, vous attend au port. Des
questions ? »
Il répondra de son mieux aux inévitables interrogations des PJ.
• Il sait que l’Herminia a coulé dans ces parages, car un autre de
ses navires l’a croisé au moment où il doublait le cap Ténèbres,
qui marque la frontière entre l’Argimilar et le Lormyr.
• Entre le cap Ténèbres et Trepasaz, la destination de
l’Herminia, il n’y a que deux petites journées de navigation,
presque toujours en vue de la côte.
• La cargaison se composait essentiellement de balles de laine,
plus un peu de bois et divers paquets ou caisses destinés à des
particuliers. Si les PJ en font la demande, il leur fournit la liste
complète des marchandises. On y trouve, entre autres, un
« coffre ancien et sculpté », qui leur donnera bientôt du fil à
retordre, mais ce n’est pas la peine de le mettre en évidence
pour le moment…
Les PJ n’ont plus qu’à rentrer chez eux, à faire leurs bagages et
à se présenter au port. L’Ullna, un petit navire aux formes élancées,
les attend.
Le dessous des cartes
Comme tous les marchands des Cités Pourpres, maître Lyrian
est incapable de résister à l’appât du gain. Lorsqu’un individu –
qui ne s’est pas présenté – lui a offert 10 000 pièces d’argent
pour acheminer, le plus rapidement et le plus discrètement possible,
un gros coffre ancien jusqu’à Trepasaz, il n’a pas dit non. Il
ignore tout de son contenu, et serait horrifié d’apprendre qu’il
renferme un démon très ancien et très féroce (d’autant plus que
la loi lormyrienne n’est pas tendre avec les adorateurs du Chaos
et leurs complices).
Pour la petite histoire, ce coffre a été retrouvé
dans les ruines d’une villa melnibonéenne, près de la ville de
Kariss. Il est destiné à Gerthun Aarn, un sorcier dharijorien installé
à Lormyr. Ce dernier désire étudier la manière, fort peu
orthodoxe, dont le démon est « lié » au coffre sans en faire vraiment
partie (la sorcellerie melnibonéenne de l’antiquité est pleine
de surprises de ce type).
Lorsque l’Herminia n’est pas arrivé à Trepasaz dans les délais
prévus, Gerthun s’est embarqué pour Menii toutes affaires cessantes.
Il a eu une brève conversation avec Lyrian, et l’a effrayé
juste assez pour que le marchand décide d’embaucher quelques
personnes pour retrouver le navire.
Le destin a voulu que l’Herminia soit victime d’une petite bande
de naufrageurs, installés sur l’île de Valannsaz. Ces bandits ont
massacré l’équipage et récupéré la cargaison. Parmi les épaves
rejetées sur la plage se trouvait le coffre, richement orné et
fermé par plusieurs serrures compliquées. Espérant de l’or et
des joyaux, les naufrageurs l’ont forcé sur place… libérant, du
même coup, le démon qu’il contenait. Après avoir massacré
quelques personnes, la créature s’est dirigée vers le centre de
l’île. Elle n’a pas été poursuivie. D’ici à ce que les PJ la
retrouvent,
elle sera confortablement installée au château de
Valannsaz.
Le voyage
L’Ullna a un équipage de six marins, commandé par le capitaine
Fiorel, un petit homme barbu aux gestes vifs. Si les PJ ne sont
pas marins, il se montrera très clair: il n’a pas envie de les avoir
sans cesse dans les jambes. Il préfère, et de loin, qu’ils restent
sagement dans leurs cabines. Si les personnages s’arrangent
pour sympathiser avec lui, il deviendra petit à petit plus aimable
(il suffit de se montrer respectueux, et de l’écouter raconter ses
nombreuses et improbables aventures). Toute cette affaire
intrigue beaucoup le capitaine, et il leur fera peut-être part de
son étonnement: « C’est bien la première fois que je vois le
patron s’exciter parce qu’il a perdu un navire. Ce n’est pas le
premier, et pour sûr, ce ne sera pas le dernier. Mais bon, il est
assuré. Et la côte de Lormyr est plutôt dangereuse. C’est plein
de courants vicieux et de récifs, par là. Alors franchement, je ne
sais pas ce qu’il a… »
Au bout d’une dizaine de jours de navigation sans histoire,
l’Ullna arrive en vue du continent méridional. Le navire longe la
côte argimilienne pendant un moment, puis franchit le fameux
cap Ténèbres, et oblique au sud-ouest, le long de la côte de
Lormyr. Du pont, les PJ peuvent voir des kilomètres et des kilomètres
de falaises, avec de loin en loin une petite plage de
galets et quelques villages de pêcheurs.
A partir de là, les PJ prennent le commandement des opérations
(même si Fiorel n’est pas d’accord, il obéit aux ordres de son
armateur). Ils peuvent s’entasser dans une chaloupe et s’approcher
de la côte pour aller visiter les villages. Les pêcheurs sont
misérables, taciturnes et facilement effrayés par tout ce qui vient
de la mer (les esclavagistes pan tangien font régulièrement des
raids dans la région). Personne n’a entendu parler d’un naufrage
récent… En revanche, tout le monde se souvient qu’il y a eu une
violente tempête, à peu près au moment où l’Herminia devait
croiser dans les parages.
Le second jour, le temps se gâte. La houle prend de l’ampleur, et
il commence à pleuvoir. Bientôt, le ciel est complètement noir.
C’est le moment de demander aux personnages de faire un jet
de CON x 2. S’il est manqué, ils sont à peine capables de rester
dans leur cabine et vomissent tripes et boyaux. S’il est réussi, en
revanche, ils ne sont pas trop affectés par le mauvais temps, et
peuvent se risquer sur le pont. C’est un bon moment pour leur
faire très peur, les vagues sont plus hautes que le grand mât de
l’Ullna, l’obscurité est presque totale, tout juste trouée par des
éclairs. Un marin passe par-dessus bord. Faites en sorte qu’ils
se croient perdus… lorsque la vigie aperçoit un lumière à
bâbord. Les hommes d’équipage poussent des hourras: c’est
celle du phare de Trepasaz. Seul le capitaine est un peu perplexe.
Il se croyait encore assez loin du port. Il ordonne quand
même de mettre le cap dans cette direction.
Quelques minutes plus tard, le navire s’éventre sur des récifs.
En fait de phare, ce n’était qu’un feu allumé par les naufrageurs
de Valannsaz. La situation est idéale pour tester les réflexes des
PJ en situation de crise. Résumons-nous: ils sont à bord d’un
navire qui coule, au milieu d’une tempête. Ils ont le choix entre
se noyer sur place ou se jeter à l’eau (et, sans doute, se fracasser
le crâne contre un rocher). Que font-ils ? Que prennent-ils
avec eux ? Essayent-ils de sauver des marins ? Et, d’abord,
savent-ils nager ? Demandez trois jets de Natation et un jet de
Chance par personne pour atteindre la côte. En cas d’échec,
appliquez la procédure de noyade et ajoutez 1d6 points de dommages
à cause des récifs. Laissez les PJ inventer leurs propres
stratégies pour se sortir de ce mauvais pas. Certaines idées les
mèneront sans doute à un désastre encore pire (par exemple,
s’encorder garantit pratiquement que tout le monde boira la
tasse). D’autres, comme une application judicieuse de certains
sorts de magie mineure, peuvent leur sauver la vie.
Au fond, peu importe. Au terme d’une lutte épuisante, ils parviennent
à prendre pied sur la plage. Ils ont peut-être sauvé leurs
armes, mais certainement pas leurs armures. Et, justement, les
naufrageurs leur ont organisé un comité d’accueil. Une demidouzaine
d’hommes et de femmes plus ou moins déguenillés
s’approchent d’eux. Ils sont armés de bâtons et de filets, et bien
résolus à les achever (ce sera le sort des malheureux marins qui
ont réussi à rejoindre la plage). La bagarre ne devrait pas durer
très longtemps. Même blessés, les PJ sont normalement de
taille à venir à bout d’une bande de paysans… d’autant plus
qu’au premier blessé grave, ils s’enfuient sans demander leur
reste.
L’île de Valannsaz
Plus ou moins ovale, et mesurant cinq kilomètres sur
trois,
cette île se trouve à une demi-journée de mer de Lormyr. Elle
est entourée par des courants violents. La côte nord est relativement
basse. Partout ailleurs, elle est entourée de falaises
mesurant par endroits une cinquantaine de mètres de haut.
Les PJ peuvent s’y promener à loisir. Voici une brève description
des lieux les plus importants.
• Le village. Tant qu’il fait beau, c’est un sympathique
village
de pêcheurs et d’éleveurs, peuplé de braves gens qui travaillent
dur. Lors des tempêtes, toutefois, il prend son véritable
visage: un repaire de naufrageurs. Les maisons, très
pauvres en apparence, sont meublées avec un luxe surprenant.
Beaucoup d’entre elles ont été construites avec des
morceaux d’épaves.
• Le château. Une petite forteresse carrée, en pierre blanche,
avec un gros donjon. Le pont-levis est baissé, et les gardes
n’ont pas l’air très vigilants.
• Le port secret. A moins que les PJ ne disposent d’une
embarcation, ils ont peu de chances de repérer cette grotte
dans la falaise. Elle abrite une petite nef extrêmement rapide.
• Les prairies. Très verdoyantes, et parsemées d’abris en
pierre
sèche où les bergers se réfugient lorsque le temps se gâte.
Quand il fait beau, on peut y voir des troupeaux de moutons.
• Le temple. Une petite chapelle en mauvais état, qui porte la
flèche de la Loi à son fronton. On y trouve une épaisse
couche de poussière, une statue de Tovik l’Implacable et, dissimulé
dans la crypte, le cadavre à demi décomposé du
prêtre, tué par le démon au lendemain de son arrivée.
• Les grottes. Ces quelques salles à demi inondées ont servi,
il y a quelques siècles, de temple des Élémentaires. Depuis,
elles ont été reconverties en abri pour contrebandiers, puis
abandonnées. Sarvean, le survivant du naufrage de
l’Herminia, y passe l’essentiel de ses journées.
Petite note météorologique
Pendant le séjour des PJ sur l’île, il pleut tout le
temps.
N’oubliez pas ce détail lorsque vous leur décrirez le décor.
Tantôt c’est un petit crachin, tantôt un rideau de pluie si épais
qu’on y voit pas à dix mètres. L’humidité s’insinue partout, et il
fait froid. La pluie influe sur le moral des habitants, mais aussi
sur la visibilité, sur l’état du sol (si les PJ explorent l’île, ils
vont passer un temps infini à patauger dans la boue) et sur
l’usage des armes (les arcs, notamment, n’aiment pas l’humidité.
Vous pouvez imposer un malus de 20% aux archers).
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Naufragés !
Quelques heures plus tard, le jour se lève. Les PJ se trouvent
à
la pointe nord de l’île, sur une plage jonchée de débris (fragments
de l’Ullna, tonneaux, ballots, caisses)… A une centaine de
mètres de là, la carcasse de leur navire achève de se disloquer.
Beaucoup plus loin sur la plage s’élève une colonne de fumée
désignant un village. Vers l’intérieur de l’île, le terrain monte
rapidement.
C’est le moment de poser la traditionnelle question:
Que faites-vous ? Chez les pêcheurs, on leur jette des pierres et
on tente, une fois de plus, de les tuer. Les bergers sont à peine
plus coopératifs. Ils les laissent se réchauffer près du feu, mais
n’ont rien à leur donner, ni vêtements secs, ni nourriture. De
plus, ils parlent un patois lormyrien à peine compréhensible.
Logiquement, tôt ou tard, les PJ devraient se rendre au château.
Le château
Après une brève conversation avec des gardes obtus à souhait,
les PJ obtiennent une audience auprès du baron Thorvald.
Celui-ci semble navré d’apprendre leur situation et leur promet
qu’il les aidera à rejoindre le continent. « Nous avons assez
régulièrement
des visites. D’ici… oh !, une semaine ou deux, un
bateau devrait passer. Bien entendu, en attendant, vous êtes
mes hôtes. » Les PJ sont installés dans des appartements qui
sentent légèrement le moisi, munis de vêtements propres (mais
pas d’armes !), et invités à un banquet pour le soir même. Ce
sera une bonne occasion de faire plus ample connaissance avec
leurs hôtes.
• Thorvald, baron de Valannsaz. Un gros homme à la barbe et
aux sourcils broussailleux, défiguré par une cicatrice qui va du
menton à son oreille droite. Il est colérique, brutal, fourbe et
aigri. Son plus grand plaisir est de terroriser son entourage, et
ce n’est pas la présence des PJ qui va le pousser à réfréner ses
mauvais instincts. Il traite le problème des naufrageurs très à la
légère, et prétend « que ce sont des pirates venus d’une île voisine.
Malheureusement, nous ne pouvons pas y faire grandchose ». En fait, il
touche un coquet pourcentage sur leurs activités.
• Hermengarde, sa femme. Mince, blonde, encore belle malgré
les traces des nombreux coups qu’elle reçoit de son mari. Elle
vient de Iosaz, l’une des plus grandes villes du continent sud, et
est absolument ravie d’avoir des nouvelles du monde extérieur.
Bien entendu, si elle s’approche trop des PJ, son mari risque de
piquer une crise de jalousie meurtrière…
• Rachilde, leur fille. Une gamine de dix ans, très
intelligente,
très observatrice et très solitaire. Elle passe beaucoup de temps
à jouer dans un coin de la grande salle, écoutant les conversations
sans en avoir l’air. Ses poupées l’intéressent nettement
plus que les PJ, mais si ces derniers se montrer gentils et
patients, ils pourront peut-être avoir une conversation intéressante
avec elle. Elle trouve le père Hagen « bizarre » depuis
quelque temps.
• Wayaria, la maîtresse du baron. Fille et petite-fille de
naufrageurs.
Très jolie, très ambitieuse, pas très maligne, et bien résolue
à ne pas « moisir ici éternellement ». Sous l’influence du
démon, ses plans mûrissent à grands pas. Elle rêve de provoquer
un « accident » qui serait fatal à la baronne et à sa fille.
Après quoi, elle épousera le baron, peu avant que celui-ci ne
fasse une chute mortelle dans un escalier. Ces formalités
accomplies, à elle la grande vie ! Elle tentera sans doute d’assassiner
discrètement Rachilde et Hermengarde un jour ou deux
après l’arrivée des PJ.
• Damian, l’intendant. Ce petit quadragénaire, d’une laideur
peu
commune, est l’âme damnée du baron. Il est lubrique, cruel,
menteur, mais très vif d’esprit. Depuis des années, il cherche un
moyen de mettre la main sur la baronne. Sur les conseils discrets
du père Hagen, il en arrive à envisager de l’enlever et de
l’amener dans un coin perdu de l’île pour profiter d’elle à loisir.
Après, évidemment, il faudra la tuer. Dommage…
• Le père Hagen, « chapelain ». En surface, un grand jeune
homme un peu gauche, toujours souriant. Le baron le méprise,
et il a l’air complètement débordé par les excès de ses ouailles.
En réalité, c’est le démon fraîchement évadé. Après avoir tué le
véritable prêtre et pris son apparence il s’est rendu au château
où il maîtrise pleinement la situation… Il fera bonne figure aux
PJ, mais il se méfiera d’eux d’emblée, surtout s’il y a un sorcier
dans l’équipe. Il n’est pas très bon comédien, et sans ses pouvoirs
de domination mentale, les habitants du château l’auraient
démasqué depuis longtemps. Jouez-le gentil, empressé, mais
faites de temps en temps des bourdes. Sa lacune la plus flagrante
est son ignorance totale du culte de la Loi, en dehors de
vagues généralités. Le baron et son entourage n’étant pas
particulièrement
croyants, personne n’a rien remarqué pour l’instant.
Huis clos
Les PJ vont sans doute rester un jour ou deux au château avant
de comprendre que l’inertie n’est pas une solution. Vous pouvez
occuper cette période par une ou plusieurs crises de votre choix.
La petite Rachilde pourrait « avoir un accident » (grave mais pas
mortel), la baronne pourrait être empoisonnée par Wayaria, ou
être enlevée par Damian. Le père Hagen lui-même pourrait venir
leur demander conseil, et en profiter pour sonder leurs points
faibles… et jouer dessus. Bien entendu, ils peuvent insister pour
faire l’inventaire de ce qui reste de la cargaison de l’Herminia, et
la récupérer. Le baron semble tout disposé à les aider. Il va
même jusqu’à leur prêter deux gardes pour assurer leur protection
au village des naufrageurs… gardes qui, au moment où les
PJ se méfieront le moins, les frapperont dans le dos. Pas question
de laisser des gêneurs interférer avec son petit commerce !
Sarvean
Hirsute et à moitié fou, c’est le seul survivant de l’équipage de
l’Herminia. Il s’est installé dans les grottes, et survit en tuant des
moutons égarés et des mouettes (les bergers parleront peut-être
aux PJ de « ce diable hirsute » qui égorge leurs bêtes). Il fuit
d’aussi
loin qu’il aperçoit un être humain, mais en même temps, espère
toujours que « des secours vont arriver ». Reste aux personnages
à le convaincre qu’ils sont les secours. Ce ne sera pas facile !
Notez que le démon est parfaitement au courant de sa présence,
et qu’il attend sa prochaine petite chasse hebdomadaire pour aller le
massacrer. S’ils tardent trop, les PJ pourraient le trouver couvert
de morsures et lacérés de coups de griffes, agonisant dans
les grottes. Même dans ce cas, il aura le temps de leur raconter
son histoire:
« C’était juste après le naufrage… Sur la plage. Ils ont
tué tous les potes… J’étais à moitié inconscient, couché sous le
cadavre du second maître… Juste à côté de moi, y avait un gros
coffre, tout couvert de sculptures, avec des sortes de lézards…
On l’avait mis dans la cache, sous la cale, pour pas que les douaniers
le trouvent… C’était un truc important… Les assassins, ils
ont cru qu’il était plein d’or, et ils l’ont forcé… Ça s’est ouvert, et
y
a une sorte de gros crapaud tout noir qu’en est sorti… En deux
temps trois mouvements, il en a tué cinq ou six, et il est parti. Moi,
j’ai tourné de l’oeil juste après. Quand je me suis réveillé, j’étais
tout seul. J’ai erré un moment, avant de trouver les grottes. »
Pressé de questions, il se souvient aussi que « à propos du
coffre… Le capitaine, il avait une grosse enveloppe, qu’allait avec,
que maître Lyrian lui avait donnée le jour du départ. Il la portait
sur lui » (le rituel pour remettre le démon dans son objet de lien).
Et si… les PJ ne trouvent pas Sarvean ?
Les villageois finiront par apprendre que les PJ sont là pour
récupérer la cargaison de l’Herminia. L’un d’eux finira sûrement
par leur parler du démon… En revanche, ils ne savent rien de
l’enveloppe. Et sans elle, il sera beaucoup plus difficile de se
débarrasser du démon (mais pas impossible. Au lieu de le
remettre dans sa caisse, il faudra le tuer).
Les faits et gestes du démon
Pour l’instant, la situation convient parfaitement au
soi-disant
Hagen. Il passe ses journées à orchestrer les divers petits
drames qui couvent au château, et ses nuits au temple, à tenir
de grandes conversations avec le cadavre mutilé du prêtre. De
temps en temps, en moyenne une fois par semaine, il sort chasser
sous sa véritable forme. Il prend grand soin de ne s’attaquer
qu’aux isolés, que ce soit des bergers, des pêcheurs qui se sont
attardés sur la grève ou un PJ en promenade. Il ne laisse jamais
de témoins…
S’il estime que les PJ représentent une menace sérieuse, il commencera
à réorienter les ambitions de certains de ses pions. Il
pourrait, par exemple, suggérer à Hermengarde que ces nobles
étrangers sont son seul espoir de quitter cette île maudite. Elle
est toute disposée à le croire… après quoi, il ira souffler à
l’oreille du baron que sa femme s’intéresse beaucoup à ces
séduisants étrangers, et il ira s’installer dans un coin tranquille,
avec vue sur la catastrophe.
Si les PJ, naïfs et confiants, viennent lui parler de démon en
fuite, il prendra l’air très préoccupé, et promettra de faire
l’impossible
pour les aider. Ensuite, il fera de son mieux pour les
aiguiller sur des fausses pistes, du genre « Rachilde est étrange
depuis quelques semaines. Je me demande… bien sûr, c’est
ridicule mais… et si elle était possédée ? ». Si les PJ gobent ses
mensonges, il fera de son mieux pour organiser un « exorcisme »
impressionnant, auquel Rachilde ne survivra certainement pas.
S’il se sent vraiment compromis, il passera à l’attaque sous sa
vraie forme.
Que faire ?
Pour neutraliser le démon, les PJ ont besoin de trois choses:
• Le coffre. Il est, pour l’instant, dans la cave du château,
au
milieu d’une centaine d’autres objets plus ou moins démantibulés.
Hagen monte une garde vigilante autour de cette salle. S’il
repère les PJ rôdant aux alentours, il prendra des mesures pour
les occuper.
• L’enveloppe et son contenu. Hagen n’est pas au courant de
son existence, mais les PJ risquent d’avoir beaucoup plus de
mal à la trouver. Les villageois ne sont pas communicatifs du
tout… Un mensonge judicieusement dosé ou un coup de force
peuvent être payants. Le capitaine de l’Herminia a été tué sur la
plage, lors du naufrage, et jeté dans une fosse commune avec
les autres marins. La fosse n’est pas très difficile à trouver.
Reste à récupérer l’enveloppe, qui se trouve quelque part dans
un magma immonde, mi-boue, mi-cadavres. Les PJ vont devoir
payer de leur personne… L’enveloppe, en toile cirée, n’a pas
trop souffert de son séjour souterrain, et son contenu est intact.
Il s’agit d’un parchemin couvert de caractères melnibonéens,
accompagnés d’une transcription phonétique en langue commune.
Si l’un des PJ maîtrise le Haut Idiome, il comprendra que
c’est un ordre, adressé à un démon nommé Iorgga, qui l’enjoint
de regagner l’objet de son lien.
• Le démon. Il y a de fortes chances pour que les PJ battent la
campagne à la recherche d’un crapaud géant, sans songer une
seconde que la créature est polymorphe. Hagen finira certainement
par leur devenir suspect… Son ignorance du dogme de la
Loi, sa présence très opportune à chaque fois qu’une crise se
déclenche, sans oublier le cadavre du véritable Hagen dans la
cave du temple, devraient être des indices suffisants…
Conclusion et conséquences
Il suffit de lire le rituel devant Hagen (ou plutôt Iorgga)
pour qu’il
reprenne sa véritable forme, puis devienne brumeux et se fonde
dans la caisse. Cela fait, il faudra songer à rentrer.
Contrairement à ce qu’a annoncé le baron, l’île reçoit rarement
de la visite, et le seul navire capable d’affronter la haute mer est
celui du port secret. Reste à le voler et à rentrer aux Cités
Pourpres. Sarvean, qui est marin, sera d’une aide précieuse.
• Que deviennent les PNJ ? La nef du port secret peut abriter
une dizaine de personnes, marins compris. Si les PJ sont obligés
d’embarquer, disons, la baronne et sa fille, ils vont vite être
encombrés.
• Que vont-ils faire du coffre ? S’ils le jettent à la mer,
Lyrian et
Gerthun ne seront pas contents. Lyrian n’est pas très difficile à
calmer. Il est tellement horrifié de découvrir ce qu’il contenait
qu’il verse la somme convenue aux PJ, même s’ils n’ont rien
ramené. En revanche, Gerthun est un tout autre problème. Est-ce
un adorateur du Chaos ? Ou simplement un expérimentateur
imprudent ? Travaille-t-il seul ? A-t-il des associés ? Et dans ce
cas, qui ? En tant que Dharijorien, son employeur le plus probable
reste le Théocrate de Pan Tang, mais ce n’est pas le seul
candidat possible, loin s’en faut.
PNJ
Naufrageurs
Comme le paysan, p.198 des règles d’Elric.
Les gardes, le baron et son intendant
Comme le garde municipal, p.196 des règles d’Elric.
Iorgga, démon
FOR 14 CON 13 TAI 12 INT 16 POU 15 DEX 15
APP 13 (0 sous sa vraie forme) PdV 13
Armes (sous sa vraie forme): Griffes 55%, 1d8 + 1d6; Crocs 60%, 2d6.
Compétences: Sagacité 70%.
Facultés: une version modifiée de Changement de forme, qui lui
permet de ressembler à un individu précis; Manipulation mentale
(lui permet, si un jet POU/POU est réussi au cours d’une conversation,
d’avoir une idée assez nette des désirs et des points
faibles de ses interlocuteurs. Un seconde lutte de POU/POU lui
permet d’insinuer des idées dans la tête d’une personne qu’il a
déjà sondée).
Besoin: théoriquement, son propriétaire doit lui sacrifier un être
humain par semaine. Mais il s’amuse assez dans l’île pour
accomplir lui-même les sacrifices…
Scénario - Tristan Lhomme
illustration - Rolland Barthélémy
plan - Cyrille Daujean
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