Casus Belli N° 69 - mai 1992
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Cette
histoire se déroule théoriquement dans
le sud-ouest de l’Empire, entre Carroburg et
les Montagnes Grises, mais il peut être
déplacé sans peine. Quoi qu’il en soit, notre
groupe de courageux aventuriers chemine
depuis plusieurs jours sur une route forestière
qui longe une petite rivière. Les villages
sont rares et les relais de poste à
peine plus fréquents. L’endroit est paisible.
Les dernières incursions du Chaos remontent
à une dizaine d’années, les hommesbêtes
se font rares… bref le voyage s’annonce
bien. Un midi, le groupe s’arrête
pour pique-niquer dans une petite clairière
entre route et rivière. Insistez sur l’atmosphère
reposante, les oiseaux qui gazouillent et la rivière qui
glougloute gentiment jusqu’à ce que vos joueurs aient atteint le
degré de nervosité requis. Et c’est à ce moment-là qu’ils entendront
un bruit provenant de la rivière. Les pleurs d’un bébé… Ils
iront certainement voir et découvriront un panier en osier pris
dans les roseaux, à quelques mètres d’eux. A l’intérieur, un bébé
tout rose et tout potelé, qui leur sourit… Pour un aventurier
moyen, c’est déjà suffisamment fâcheux. Mais il y a pire ! A l’examen,
le bébé s’avère couvert d’un fin duvet rosâtre. Et les ongles
de ses mignonnes petites menottes sont déjà fâcheusement
longs, au point de faire immanquablement penser à des griffes…
Bref, c’est un petit mutant. Il parait âgé de quelques jours seulement.
Un fois nourri et changé, il s’endort gentiment, laissant les
PJ en proie à un douloureux problème de conscience. Que faire
de lui ? Ni le panier, ni les langes ne révèlent le moindre indice.
Pas de broderie, pas d’initiales, rien. D’ailleurs, le tissu est plutôt
grossier. Si vous êtes tombé sur un groupe de brutes sans coeur
qui décident de laisser l’enfant à son sort (ou pire, de le noyer
tout de suite), faites intervenir les kidnappeurs (voir plus loin)
maintenant. Mais en bonne logique, les PJ devraient se mettre
en quête de la mère… Justement, il y a un village à une vingtaine
de minutes de marche de là, plus haut sur le fleuve.
Le dessous des cartesIl était une fois deux soeurs de noble naissance. L’une était belle, blonde et bonne; l’autre belle, brune et perverse. Comme il se doit, elles tombèrent toutes deux amoureuses du même prince charmant, et ce fut la blonde Luisa qui l’épousa. Karla, la brune, jura de se venger… L’occasion s’en présenta quand Luisa fut sur le point d’accoucher. Le plan de Karla est tout simple: remplacer le véritable nouveau-né par un petit mutant. Le scandale sera énorme, Luisa sera plus que probablement répudiée… et les alliances politiques étant ce qu’elles sont, son mari se remariera sûrement dans sa famille… autrement dit avec Karla. Tout le problème était de trouver un nouveau-né mutant. Karla s’adressa pour cela à Hans, un énigmatique « intermédiaire », sans doute représentant d’une secte de Slaanesh. Il accepta de l’aider, moyennant un certain nombre de « services »… Karla accepta et passa du côté du Chaos (en toute connaissance de cause, et même avec joie). Quelques mois plus tôt, une paysanne de Kleinstadt s’est faite violée par une créature de l’Autre Côté. Elle a dissimulé sa grossesse tant bien que mal à ses proches, mais le fait est venu aux oreilles d’Hans, qui en a informé Karla. Comble de chance, l’accouchement de la paysanne a précédé celui de Luisa de quelques jours… Karla a envoyé quelques hommes récupérer le petit mutant… Malheureusement, la mère s’en était déjà débarrassé en le jetant à la rivière, et ce sont les PJ qui en ont hérité. Comédie villageoiseKleinstadt compte environ deux cents habitants intra muros,
plus
une cinquantaine de fermiers disséminés aux alentours. C’est un
petit village boueux entouré d’une palissade, dominé par le
temple fortifié de Sigmar. Le château le plus proche se trouve à
quelques lieues. Il n’y a pas d’auberge, mais tout le monde se
dispute l’honneur d’offrir sa grange aux PJ, moyennant « oh, ben,
un p’tit qu’ek chose que j’laissons à la générosité de
Monseigneur… Les récoltes n’ont pas été bonnes et pis on a eu
un hiver pourri et pis le collecteur d’impôts est passé… » (et ainsi
de suite). Les villageois semblent tous sortis du même moule:
des campagnards bourrus et peu communicatifs, sauf quand il
s’agit du temps et des récoltes. Ils ne posent pas de questions
aux PJ et entendent que ces derniers en fassent autant.
Toutefois, le soir de leur arrivée, ils sont conviés à une veillée
dans la grange de Peter Klein (un bon tiers de la population
s’appelle Klein). On s’attend à ce qu’ils divertissent l’assistance
en racontant leurs exploits. C’est une bonne occasion de rompre
la glace. Quelques personnalités— Werner Neumann, le prêtre de Sigmar.
A la fois la principale curiosité du village et
son chef spirituel. C’est un ancien brigand
touché par la grâce (« et Sigmar m’est
apparu dans toute Sa Gloire. Et c’est à la
suite de cette vision que j’ai pris le nom
d’Homme Nouveau et que je me suis
consacré à Son Service »). Il a gardé de
son passé une trogne patibulaire, quelques
cicatrices, un langage fleuri et un amour
immodéré du bon vin. Il n’en est pas moins scrupuleusement
honnête, et ses ouailles le respectent énormément. Bien entendu,
personne ne lui a rien dit au sujet du bébé. La concurrenceTrois cavaliers arrivent à la nuit tombante, le lendemain de l’arrivée des PJ. Ils se rendent directement chez Hildegarde (une cabane un peu à l’écart du village, qu’elle partage avec ses parents et sa grand-mère). Ils lui proposent une forte somme en échange du bébé. Elle leur explique qu’elle ne l’a plus et qu’il est entre les mains des PJ. Ils se rendent donc à la grange. Ils se présentent comme les envoyés d’un riche marchand qui fait collection de monstres et qui est désireux d’acquérir ce spécimen. « Faites votre prix ! » Bien entendu, ça ne tient pas debout. Pour commencer, comment cet hypothétique marchand aurait entendu parler de l’enfant ? Et puis, ils ont une allure curieusement militaire pour de simples commis. Quant aux boucliers qui pendent aux selles des chevaux, ils sont masqués par du tissu noir (une manoeuvre courante pour dissimuler des armoiries). Si un curieux parvient à écarter le tissu, il verra une hure de sanglier d’argent (blanc) sur champ de sable (noir). Un tel geste en présence des gardes équivaut en théorie à une condamnation à mort: ils ne vont certainement pas laisser derrière eux des gens qui pourraient les identifier. Si les PJ marchandent, ils pourront en tirer jusqu’à 500 pistoles. Si ils refusent, les acheteurs les quittent sur des paroles vaguement menaçantes. Ils sortent du village, et vont camper dans la forêt. L’enlèvementBien entendu, ils n’entendent pas renoncer. Dès que possible, ils essayeront de kidnapper le bébé. Selon les faits et gestes des PJ, ils pourront y arriver sans aucune difficulté (PJ négligents qui confient l’enfant à une villageoise et partent à la recherche d’un arbre aux fées ou autre mouton à cinq pattes) ou avoir beaucoup plus de mal. Ils sont relativement pressés (il faut qu’ils soient revenus avant l’accouchement de Luisa), et ne prendront pas plus d’une journée pour mettre leur tactique au point. Selon votre humeur, ils peuvent tâter de la prise d’otage (Hildegarde est une victime idéale), de l’attaque frontale (mais ils ne sont que trois), du piège plus ou moins subtil (Friedrich, corrompu, attire les PJ à l’écart sous prétexte de « révélations ») ou du soulèvement populaire (aller parler du bébé au prêtre et affirmer que les PJ sont des sorciers. Neumann fera un sermon enflammé, mais n’arrivera pas à pousser ses ouailles à attaquer les PJ). Si vous êtes en forme, vous pouvez utiliser plusieurs de ces tactiques. Il est probable (mais pas certain) que tout cela se terminera par un combat. Les kidnappeurs se battent bien, mais ce ne sont pas des fanatiques. Ils fuiront en cas de pertes trop importantes. L’idéal serait qu’ils parviennent à fuir avec l’enfant, mais ils peuvent parfaitement se faire tous tuer sans que la suite de l’aventure en souffre trop. Il suffit qu’un des PJ soit capable de reconnaître les armoiries de leurs boucliers. Si aucun d’eux n’est versé en Héraldique, arrangez-vous pour qu’un de leurs adversaires tombe vivant entre leurs mains. Ce dernier ne demandera pas mieux que de parler en échange de la vie sauve. Il leur expliquera bien volontiers qu’ils viennent du château d’Altenburg, à deux jours de cheval dans les montagnes. Quant à la personne qui leur a donné leurs ordres… à l’en croire, il s’agirait d’un homme masqué dont ils ne pouvaient pas identifier la voix. Ils prétendent que cette personne leur a présenté le sceau du châtelain en guise de preuve de son droit à leur donner des ordres. Le plus drôle est que tout cela est vrai. Ils doivent remettre le bébé à un des invités du château, un marchand nommé « Kurt quelque chose ». Vers AltenburgLa chevauchée est paisible. Le paysage devient de plus en plus sauvage et accidenté. Les traces d’occupation humaine se font de plus en plus rares. La route devient chemin, puis sentier… Le château sera visible bien avant que les PJ n’y arrivent: il se dresse au sommet d’un pic, à l’entrée d’un étroit défilé qui s’enfonce dans les Montagnes Grises, en direction de la Bretonnie. Si ils sont avec les kidnappeurs ou si l’un des PJ est compétent en Histoire, vous pouvez broder autour des éléments suivants: cette route était autrefois d’une grande importance stratégique. Il y eut ici plusieurs batailles entre humains et gobelinoïdes, puis entre Bretonniens et citoyens de l’Empire. La nouvelle route, qui passe par Helmgart, a été ouverte il y a trois siècles et la région a perdu toute importance depuis. Il reste peut-être quelques mines, quelques villages et des châteaux, mais c’est tout… AltenburgLe château se dresse sur un éperon rocheux. Le vide l’entoure
de trois côtés. Les murailles sont en pierre grise, massives. Des
PJ nains reconnaîtront tout de suite les techniques utilisées: la
forteresse a été construite par des gens de leur peuple. Vu de
loin, l’ensemble est très impressionnant. De plus près, il est
nettement
moins imposant. La herse est rouillée, certains bâtiments
intérieurs sont en mauvais état, les gardes portent des uniformes
rapiécés… Sans être réellement dans la misère, le seigneur des
lieux est visiblement dans la gêne. Toutefois, tous les aménagements
militaires demeurent parfaitement opérationnels (il pleut
dans la chapelle, mais cottes de mailles et armures sont impeccablement
briquées, et les gardes sont nombreux). Portrait de famille— Le personnel du château se compose d’une dizaine de
gardes et d’autant de serviteurs, femmes de chambre, cuisiniers,
marmitons, etc. Ils font leur travail avec efficacité et ont l’air
heureux
de leur sort. En cas de menace sur leur maître, les gardes
réagissent avec intelligence et efficacité. Quant aux « civils », ils
vont se réfugier dans les caves des communs. Que faire ?Selon toute probabilité, les PJ mettront au point toute une
série
de mensonges élaborés pour expliquer leur arrivée impromptue.
Ce n’est pas vraiment utile: Luitpold respecte encore les anciens
usages, et notamment le devoir d’hospitalité – on héberge le visiteur
aussi longtemps qu’il le désire, et sans lui poser de questions. Les événements se précipitentVoici ce qui doit se produire, selon le plan initial de Karla.
Luisa
accouchera dans sa chambre du second étage, en présence
d’une sage-femme et de Karla. La sage-femme a été corrompue
par Karla. Le bébé mutant sera amené dans la chambre dans sa
boite à instruments.
Le véritable bébé sera remplacé, mais ne sera pas assassiné (il
fait partie du marché passé avec Lorbach. Mieux vaut ne pas
imaginer ce qu’il compte en faire). Compte tenu des conditions
d’hygiène de l’époque, il existe une chance raisonnable que
Luisa ne survive pas, et il est certain qu’elle perdra connaissance
peu après la délivrance (au besoin, on l’y aidera).
Il ne restera plus à la sage-femme qu’à se précipiter en hurlant
sur le palier, où attend toute la maisonnée. On découvrira le petit
monstre dans la chambre. C’est à ce moment que Gerhart-le-
Boucher-des-Sorcières entre en jeu. Tout à fait spontanément, il
fera un discours sur la sorcellerie et le Chaos, jetant le soupçon
sur Luisa…
Dans les jours suivants, elle subira les tests destinés à prouver
qu’elle ne sert pas le Chaos (tests qui mesurent surtout la résistance
à la douleur). Si elle peut être brûlée comme sorcière, parfait !
Et de toute façon, Luitpold ne peut pas faire moins que de la
répudier et de l’expédier dans un couvent de Shaylla. La place
étant libre, il ne restera plus à Karla qu’à conquérir Luitpold…
Bien entendu, ce plan risque de connaître des modifications
substantielles,
en fonction des faits et gestes des PJ… ConclusionLa fin de ce scénario est « ouverte ». Aux PJ de décider de la
solution à apporter au problème. Une confrontation directe avec
Karla a des chances de réussir, si les PJ ont des preuves et des
témoins à produire (Hildegarde ou des kidnappeurs capturés,
par exemple). D’un autre côté, il faudra compter avec l’incrédulité
générale et l’hostilité agissante de Gerhart… L’élimination physique
de Karla serait dangereuse (personne ne les croirait après
ça !). En revanche, le chantage pourrait être payant. Il faudra que
les PJ arrivent à accumuler suffisamment de preuves contre
Karla, puis s’arrangent pour la rencontrer en privé. Elle ne fera
pas de difficultés pour se reconnaître battue, quitte à jouer « la
jeune fille qui a joué avec le feu et qui ne recommencera plus,
promis ». Bien entendu, ce genre de match nul ne dure pas. Elle
commencera aussitôt à réfléchir aux moyens de se débarrasser
des PJ… LES SECONDS RÔLESKidnappeur (ou garde)M 4, CC 45, CT 35, F 3, E 4, B 8, I 45, A 2, Dex 29, Cd 35, Int 28, Cl 30, FM 25, Soc 30• Compétences: Coups assommants, Coups puissants, Désarmement, Esquive. • Matériel: cotte de mailles, épée, bouclier. KarlaM 4, CC 40, CT 30, F 3, E 3, B 10, I 55, A 1, Dex 36, Cd 40, Int 50, Cl 40, FM 40, Soc 30• Compétences: piochez dans celles du Gentilhomme +, ce qui vous semblera utile. LorbachMieux vaut le laisser à votre imagination, en fonction de votre groupe ou de vos projets. Ce peut être un marchand avec quelques compétences d’Assassin, ou un magicien relativement puissant… Quant à sa position exacte au sein du culte de Slaanesh, la question reste posée.scénario: Tristan Lhomme
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