Article paru dans Casus Belli N° 95



L’histoire
Le royaume de Séhénar avait jusqu’alors été épargné par le grand réveil des Dragons grâ­ce à un chant magique: la draksong. Or, le roi a cessé de la chanter depuis que sa fille Viveigne est morte, et le royaume est à son tour la proie du cauchemar... La princesse, cependant, s’est réincarnée, comme tout un chacun, dans un autre rêve. Les voyageurs commencent par la rencontrer sans pouvoir deviner son importance. Elle fait partie d’une troupe de baladins. Plus tard, ayant franchi une déchirure du rêve, ils aboutissent en Séhénar. Devinant que la princesse décédée n’est autre que la ballerine qu’ils ont rencon­tré, leur quête devrait alors être de revenir au rêve précédent, de retrouver la jeune fille, la reconduire chez son père, et sauver ainsi le royaume de sa propre fin de Second Âge.

En Pergolie
Tout commence par une sortie de gris rêve au nord du royaume de Pergolie, dans un paysage de montagnes basses. Perdus, les voyageurs peuvent commencer par errer un certain temps, puis, tôt ou tard, arrivent au bourg de Flakorn. C’est là qu’ils vont rencontrer les baladins.
Flakorn est une petite agglomération entourée de fermes, avec un centre urbain doté de quelques échoppes et d’une unique taverne: L’auberge du tambourin. Les voyageurs y logeront vraisemblablement, faisant connaissance avec le pays où ils ont abouti.
Située au centre, la capitale se nomme Pergola. Flakorn est l’un des trois bourgs francs; les deux autres étant Tourade et Grangeois, sur la Myeuse, à la frontière de la Galaisie, voisin du sud. Un siècle plus tôt, une grande guerre ensanglanta les deux pays, pour une raison obscure, et sans qu’il y eût de vainqueur. La paix est aujourd’hui revenue et le royaume florissant; mais depuis qu’il est monté sur le trône, l’actuel roi de Pergolie, surnommé le Craigneux, ne cesse de renforcer son armée et les remparts de la cité royale. Cela coûte aux Pergoliens un surcroît d’impôts, et de ce fait, c’est le sujet de toutes les conversations. On dit aussi qu’à Pergola, les arrestations vont bon train. Le roi soupçonne, le roi craint — mais quoi ?
En vérité, peu importe. C’est uniquement pour donner aux voyageurs le sentiment que l’aventure va se dérouler sur fond d’intrigues à Pergola, de sorte qu’ils ne soupçonnent pas d’emblée l’importance des baladins.

Les Mastafiore
Ce sont des baladins qui sillonnent le pays, ne restant que quelques jours dans chaque agglomération. Ils se produisent actuellement à Flakorn, à L’auberge du tambourin. Ils sont trois : Anton, le chef de la troupe, bel homme de 40 ans; son épouse Dora, une blonde un peu empâtée; et Viveigne, mince jeune fille de 17 ans, au visage triangulaire, les pommettes hautes, les cheveux d’un blond presque blanc, et les yeux d’un vert profond et lumineux. Anton Mastafiore joue du luth, chante et jongle. Dora chante, d’une voix haute et puissante. Viveigne danse et joue de la flûte. Le spectacle est bon, et quand Viveigne passe ensuite entre les tables, les pièces de monnaie pleuvent dans son tambourin.
Anton et Dora sont d’un abord ouvert. Si les voyageurs les invitent après le spectacle, ils se joindront à leur table, pouvant à leur tour parler du pays. C’est vrai qu’à Pergola le roi semble mijoter quelque chose. Venant du sud, ils ont également traversé la Galaisie, mais tout y a l’air tranquille. Viveigne est plus retenue. Si la conversation est cordiale, elle peut toutefois révéler qu’elle n’est pas la fille d’Anton et Dora. Elle ne s’est jointe au duo qu’il y a tout juste un an, en Galaisie. Auparavant, ses souvenirs sont flous, incertains. Elle ne sait pas ce qu’elle faisait en Galaisie. « Il paraît que ça s’appelle le gris rêve, précise-t-elle. Mais aujour­d’hui, je n’y pense plus. Ma vie est d’être avec les Mastafiore ».

La déchirure
A ce stade, les voyageurs n’ont aucun but, sinon reprendre la route et voyager. Les Mastafiore, quant à eux, restent encore quelques jours à Flakorn, tant qu’ils ont du succès. Il est impératif que les voyageurs ne les attendent pas pour repartir avec eux. S’ils le voulaient, prolongez le succès des baladins indéfiniment, jusqu’à ce que les voyageurs se lassent.
La route de Pergola traverse d’abord les Fumères, un massif de collines rocheuses et sauvages, pendant 40 km, avant d’arriver à Selz, un petit village. De là, elle continue dans la plaine jusqu’à Pergola, encore distante de 30 km.

La tour
A Flakorn, personne n’a parlé aux voyageurs de la tour en ruine. Fortification isolée, elle domine la route au centre des Fumères, à 20km de Flakorn. Ce n’est plus qu’une carcasse de pierre à ciel ouvert, les planchers des étages ayant brûlé. On y entre par une voûte sans porte (également brûlée). A l’intérieur, l’herbe pousse entre les pierres éboulées. Un seul escalier, en pierre, est intact et conduit à la crypte souterraine. Normalement, les voyageurs devraient être attirés par cette ruine, et plus encore, par l’exploration du sous-sol. S’ils ne le font pas et passent leur chemin, un rêve peut leur suggérer d’y revenir (voir ci-après). La crypte est une longue pièce voûtée, maçonnée, de 30m de long sur 6m de large. Il y fait évidemment noir, et l’air sent le moisi. Elle est vide, sans vestige d’aucune sorte. Tout au bout, cependant, à l’opposé de l’escalier, un souterrain s’ouvre dans le mur, également maçonné, de 2,50m de large sur autant de haut. Emprunté par les voyageurs, le souterrain se révèle étonnamment long : plusieurs centaines de mètres en ligne droite, sans déboucher sur rien ni rencontrer de bifurcation.
C’est alors, dans la portée de leur lanterne, que les voyageurs perçoivent un scintillement mouvant devant eux, qui semble aller et venir dans le tunnel, un scintillement de couleur violette. A peine ont-ils compris qu’il s’agit d’une déchirure du rêve, et quand bien même ils font aussitôt demi-tour, qu’un vertige les saisit, sensation de chute et de totale désorientation…



Un rêve
Si les voyageurs négligent la tour ou le souterrain, ils peuvent apprendre à Selz que la ruine date de la guerre d’il y a cent ans. On connaît l’existence du long souterrain, mais à cause de sa longueur, justement, personne n’a eu le courage de l’explorer à fond. Cela dit, la nuit suivante, les voyageurs vont rêver qu’ils s’engagent dans le souterrain.., et finissent par en découvrir la fin : le parvis d’un château où se masse une foule nombreuse. A peine les voyageurs y ont-ils fait leur apparition que la foule les acclame d’une prodigieuse ovation. Ce rêve laisse au réveil un souvenir marquant.
Enfin, si les voyageurs ne veulent pas aller à Pergola et choisissent une autre direction, il vous suffit de déplacer la tour en ruine, de manière à la mettre tout de même sur leur chemin, où qu’ils aillent.

En Séhénar
De l’autre côté de la déchirure, les voya­geurs se retrouvent sur un plateau désolé et venteux, parmi des cailloux et de maigres arbustes. Le ciel est sombre, crépusculaire; et aux gémissements du vent se mêlent ce qui pourrait être des hurlements de loups (Ouïe/Srv en Extérieur à 0).


Comme la Pergolie, le Séhénar est de modestes dimensions, bordé de frontières naturelles: les monts de Skyloss à l’est, la forêt Nordéenne au nord, le pla­teau Finissant au sud, et la mer Séhénarienne à l’ouest. Sa capitale est Cordame. Nonge est une cité minière et artisanale. Les ports de Dolme et d’Ypsol, cités marchandes, commercent avec les duchés de Gowan et de Nerek, grandes îles situées à deux jours de navigation. Le royaume proprement dit est essentiellement agricole. Tout cela, cependant, appartient déjà au passe.

La draksong
A l’époque où l’abus du haut-rêve provoquait un peu partout le grand réveil des Dragons, il n’y avait que peu de haut-rêvants en Séhénar, et ceux-ci étaient d’une grande sagesse. L’un d’eux s’appelait Dulcimore. On dit que c’était peut-être un Esprit Dragon, un grand rêveur qui se rêvait consciemment parmi les créatures rêvées. Ce n’est pas certain, mais toujours est-il que Dulcimore décida de sauver le Séhénar, de faire en sorte qu’il ne soit pas anéanti comme le reste du monde, mais que les grands rêveurs continuent à le rêver intact, même au milieu de leur cauchemar. Pour cela, il accorda un don à Wilhem, qui était le roi de cette époque, à lui et à toute sa descendance : le don de chanter la draksong. Ce chant devrait être entonné tous les soirs de pleine lune sur le parvis du palais, et tant qu’il serait chanté, inlassablement répété tous les mois, il préserverait le royaume. Car à l’écoute de la draksong, les grands rêveurs seraient comme fascinés et retarderaient leur réveil. Toutefois, si la draksong venait à cesser d’être chantée, ils retrouveraient, intacte, toute l’horreur de leur cauchemar : et le royaume de Séhénar serait anéanti comme le reste du monde, les derniers grands rêveurs se réveillant finalement.
Ainsi fut accordé le don, et la draksong se trouva toujours être transmise à l’héritier de la lignée, garçon ou fille. Et quand il arrivait que l’héritier meure avant d’être couronné, il se transmettait automatiquement à l’enfant suivant.
La draksong ne se caractérisait pas uniquement par ses paroles (des syllabes sans signification), ni par sa mélodie : c’était une certaine façon de la chanter, une certaine inflexion de la voix que seul possédait l’héritier de la lignée de Wilhem.
Telle est la légende, qui remonte à une époque si lointaine que les habitants dû Sêhénar ont fini par ne plus la considérer que comme une histoire imaginaire. Pour croire au malheur, il faut l’avoir connu; et au fil des temps, la draksong devint un rituel sans grande signification. Le poids de la tradition était tel, toutefois, qu’aucun des rois de Séhénar ne manqua à son devoir, ne fût-ce qu’une seule fois, sur le parvis du palais, les soirs de pleine lune. Et ainsi se succédèrent les générations.
Or voilà maintenant un an que le roi Lobotom, actuel souverain, a cessé, volontairement, d’entonner la draksong. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Après un hiver particulièrement rigoureux, le printemps n’est pas revenu au rendez-vous. Les ténèbres gagnent progressivement sur le jour. Il souffle continuellement des vents de tempête, et durant le peu que dure encore la journée, on ne voit jamais le soleil dans le ciel gris. Les récoltes ont été désastreuses. La famine menace. Des hordes de loups sortent des forêts, et pire encore, des entités de cauchemar. Partagé entre le désespoir et la révolte, le peuple sent que l’hiver qui s’annonce sera le tout dernier...
Mais à quoi servirait une révolte ? Marcher sur la capitale, déposer le roi, en asseoir un autre sur le trône ? Seul l’héritier de Wilhem possède le don de la draksong; seul le roi Lobotom peut encore sauver son pays, et il refuse de le faire.
La raison ? La mort de sa fille, la princesse Viveigne, il y a maintenant un an. Il l’adorait. C’était sa seule héritière. Elle avait tout juste 16 ans. Elle mourut d’une chute de cheval, et l’on dit que la faute en incombe au roi, qui l’entraîna à faire la course avec lui. Depuis, il est dévoré de remords et de douleur. Il a décidé que puisque Viveigne était morte, rien ne devrait lui survivre. Et il a cessé de chanter la draksong.
Il n’est pas vieux, à peine 40 ans. Il pourrait avoir un autre héritier à qui transmettre le don (ce genre de cas s’est déjà produit au cours des générations). Mais il ne veut pas plus non plus d’une autre descendance.
Lors, tandis que gagnent les ténèbres, le royaume de Séhénar connaît a son tour la fin du Second Âge

La longue nuit
Les voyageurs ont abouti au sud, à une dizaine de kilomètres du bord du plateau Finissant. C’est le soir et la nuit ne tarde pas à tomber. Faire un feu s’avère difficile (manque de combustible et rafales de vent), mais pas impossible: Dextérité/Srv en Exté­rieur à -4, 5 points de tâche, un jet toutes les 30 minutes, plusieurs personnes pouvant joindre leurs efforts. Cela fait, la nuit n’en sera pas moins étonnamment longue. L’heure du Serpent et l’heure de l’Araignée vont durer 240 minutes chacune au lieu de 120, donnant l’impression que la nuit dure deux heures draconiques de plus. Inversement, le jour venu, arrivé à la fin de l’heure du Faucon, on sautera directement au début de l’heure des Épées, escamotant Couronne et Dragon, donnant ainsi une journée très courte (mais l’ensemble jour + nuit faisant toujours 12 heures).
Aucun astre n’est jamais visible. La nuit, les ténèbres sont complètes, sans étoiles ni lune; et durant le jour, on ne voit pas le soleil, pas même un halo dans le ciel de plomb. A l’arrivée sur le plateau, si un haut-rêvant tente de lancer un sort (Zone de lanterne, Chaleur, ou autre), il s’aperçoit qu’il ne peut accéder aux TMR, quoique son point de rêve de montée soit tout de même dépensé. Cependant, si une nouvelle tentative est faite au cours de la nuit ou le lendemain, la magie fonctionne à nouveau normalement. Que se passe-t-il ? Intellect/Légendes à 0 peut laisser supposer qu’une chimère volait dans les parages puis s’est éloignée. Les loups rôdent maintenant partout en Séhénar. Pire, il s’y adjoint des chiens de la mort, entités de cauchemar incarnées. Comme toujours, c’est au gardien des rêves de juger du moment propice d’une mauvaise rencontre et du nombre de créatures apparaissant.

Au matin
Dans la grisaille crépusculaire qui tient désormais lieu de jour au royaume de Séhénar, il est impossible de s’orienter, Il n’y a pas même une tache plus claire à l’est, là où devrait se lever le soleil. De fait, quelle que soit la direction prise par les voyageurs, on supposera qu’ils vont vers le nord, aboutissant ainsi au bord du plateau.
En contrebas s’étend une plaine avec de la végétation. Vue/Srv en Extérieur à 0 permet également de distinguer un village à quelques deux kilomètres plus au nord. Le flanc du plateau est constitué d’une falaise abrupte de 50m de haut. En longeant le bord, on peut cependant découvrir un endroit où un éboulement permet une descente (sans jet de dés).

Indyss
Le village aperçu se nomme Indyss. Tout autour, les champs sont désolés. Pas une vache ni un mouton dans ce qui fut des prairies. Au village même, les voyageurs découvrent que la population est sur le point de partir. On a rassemblé les possessions dans des charrettes à bras : vaisselle, vêtements, couvertures. Tous les visages sont hâves, fatigués, désespérés. Les enfants pleurent sans qu’on leur prête attention.
Interrogés, les villageois ne font aucune difficulté à raconter leurs problèmes. Plus encore, entre eux, ils ne parlent que de cela. Et c’est ainsi, dans cette ambiance d’exode, que les voyageurs découvrent l’histoire du royaume et de la draksong. Les villageois partent pour la capitale où ils croient que se trouve encore de la nourriture et, en conclusion à leur histoire, conseillent aux voya­geurs de se joindre à eux.

La princesse ?
C’est ici que tout se noue. Le nom de Viveigne devrait normalement faire tiquer les voyageurs. (Si cela ne se produit pas maintenant, faites rêver plus tard un voyageur de la jeune danseuse en insistant sur la similitude des noms.) Normalement, les voyageurs devraient savoir que l’on ne meurt jamais vraiment, mais que l’on se réveille dans un autre rêve (ne serait-ce que pour l’avoir déjà expérimenté eux-mêmes). S’agirait-il alors de la même Viveigne ?


Les villageois ne l’ont jamais vue, mais savent que Viveigne ressemblait à son père, qui ressemblait lui-même au sien, portrait caractéristique de toute la lignée de Wilhem : visage triangulaire aux pommettes hautes, yeux verts lumineux et chevelure d’un blond presque blanc.
Les voyageurs peuvent alors se souvenir que la danseuse est sortie d’un profond gris rêve il y a juste un an, et que cette durée coïncide avec la mort de la princesse.
Retrouver Viveigne, la rendre à son père, de sor­te que, son chagrin disparu, il retrouve le goût de chanter la draksong et, ce faisant, interrompre à nouveau la fin du Second Âge en ce royaume pri­vilégié. Ne serait-ce pas une quête unique dont il y aurait lieu de se glorifier ? Le problème est : comment ? Les déchirures du rêve sont sans retour.

La chimère
Une chimère hante effectivement les abords du plateau. Si les voyageurs ne l’ont pas encore soupçonné, répétez les indices : non-fonctionnement de la magie, témoignage d’un villageois sur une énorme créature volante, etc. Les voyageurs doivent retourner sur le plateau et faire en sorte que l’entité vienne à eux. Le meilleur moyen est de monter sans cesse en TMR pour l’attirer par ces petits présents de rêve.
La chimère se nomme Sirupagazilaslurp. Comme toutes les chimères, il est possible de l’amadouer en lui offrant du rêve : monter (inutilement) en TMR, lui donner à dévorer un objet magique si l’on en possède (et qu’il est inutile de chercher à dissimuler); mais également en la divertissant : musique, acrobatie, jonglerie, etc. Sirupagazilaslurp est peu gourmande. Elle se mettra à ronronner après avoir avalé 7 points de rêve (de montée en TMR) ou 3 points de tâche de n’importe quel art de divertissement.
Cela fait, les voyageurs pourront monter sur son dos et lui communiquer emphatiquement l’idée du rêve de Pergolie. Micro-rêve à elle seule, la chimère est capable de franchir les limbes; et c’est ainsi, après une traversée « décoiffante » que les voyageurs se retrouveront à leur point de départ, dans les montagnes au nord de Flakorn.

Sur la piste des Mastafiore
Le temps entre les rêves est sujet à fluctuations. A L’auberge du tambourin, où l’on se souviendra d’eux, les voyageurs apprendront que les Mastafiore sont partis deux jours après eux, mais que c’était il y a maintenant trois semaines. Les baladins repartaient vers le sud pour une dernière tournée en Pergolie, avant de retourner probablement en Galaisie.
L’aventure est désormais toute tracée: retrouver les Mastafiore, convaincre la jeune fille, et revenir en Séhénar grâce à la déchirure violette de la vieille tour en ruine. Plus facile à dire qu’à faire, naturellement.
De fait, c’est maintenant au gardien des rêves d’improviser la poursuite des baladins à travers la Pergolie, une enquête de pur jeu de rôle. Il faudra retraverser les Fumères (sans s’attarder à la tour), interroger villageois et citadins... Heureusement, les Mastafiore ne passent pas inaperçus (s’efforçant même du contraire) et l’on se souvient d’eux à Selz, où ils ne sont restés que deux jours avant de continuer vers Pergola. C’est dans la cité royale que les voyageurs auront le plus de difficultés. La cité est grande, ses auberges nombreuses, et découvrir les bonnes personnes à interroger ne sera pas automatique. Pur jeu de rôle encore, à improviser par le gardien des rêves. Pour corser la difficulté, la cité royale vit actuellement sous une véritable loi martiale. Les patrouilles sont nombreuses dans les rues et les arrestations de suspects vont bon train. Le roi Béhémor craint de plus en plus ! Ne cessant eux-mêmes de poser des questions, les voyageurs risquent ainsi d’attirer sur eux une attention dont ils se passeraient bien.

Viveigne
A moins que le gardien des rêves ne veuille prolonger les recherches, c’est finalement à Grangeois que les voyageurs vont retrouver les Mastafiore. A l’écoute de leurs révélations, Viveigne est stupéfaite. Elle n’a aucun souvenir de son état de princesse et refuse d’abord de les croire, même si sa période de gris rêve la trouble encore quand elle y repense. Anton et Dora sont, quant à eux, plutôt agacés par cette histoire, Ils en ont soupé de la Pergolie et ont hâte de repartir vers le sud. Le lendemain des retrouvailles, Viveigne est si perturbée par un rêve qu’elle a fait durant la nuit qu’elle en parle spontanément, comme pour s’en libérer. Elle se rêvait à cheval, galopant avec aisance. Un rêve marquant, et cependant, elle est sûre de n’avoir jamais monté de sa vie.
C’est ici que les voyageurs doivent avoir la bonne intuition: procurer un cheval à la jeune fille et la convaincre de le monter. Après quelques réticences, elle accepte, pour découvrir à sa propre stupéfaction qu’elle possède d’indubitables talents de cavalière. (Si les voyageurs ne réagissent pas, répétez plusieurs fois son rêve de cheval).
Sans le savoir, Viveigne vient ainsi de réaliser un « rêve d’archétype » dont le résultat ne se fait pas attendre. Le lendemain, c’est une Viveigne subtilement différente que retrouvent les voyageurs. Elle a à nouveau rêvé durant la nuit et une bonne partie de ses anciens souvenirs lui sont revenus. Elle se souvient du Séhénar et de son père chantant la draksong au clair de lune. Plus rien ne s’oppose à ce qu’elle suive les voyageurs.
Quitter les Mastafiore est néanmoins un déchirement pour la jeune fille. « Qu’à cela ne tienne, déclare alors Anton, nous irons avec toi. D’ailleurs, nous avons déjà fait la Galaisie. Il nous faut un public neuf. »

La longue marche
C’est donc augmentés du groupe des baladins que les voyageurs vont se retrouver sur le plateau Finissant, ayant retraversé la déchirure du souterrain de la vieille tour. Ici aussi, plus de temps a passé qu’ils n’en ont vécu, et l’instant du drame final est proche. La nuit a gagné une heure de plus au détriment du jour et le vent souffle en véritables ouragans.
Soixante kilomètres séparent Indyss de la capitale Cordame. Les voyageurs ont intérêt à prévoir d’amples provisions, car il n’y a rien à glaner en cours de route. Tous les villages sont déserts, nombre de toitures ont été emportées par la tempête, des arbres déracinés bloquent les routes, etc., tandis que hurlent les loups et les chiens de la mort générés par l’avancée des ténèbres. Le cauchemar est à la discrétion du gardien des rêves, mais en laissant tout de même une chance de parvenir à Cordame.

L’accomplissement
La cité est pleine à craquer. Les gardes refusent de nouvelles entrées mais, dans la confusion, ils sont bien souvent débordés. Et d’abord, pourquoi obéiraient-ils aux ordres ? Y a-t-il encore une autorité, un vrai roi que l’on puisse respecter ?
C’est aux abords de Cordame que Viveigne sera reconnue par un dernier groupe de fugitifs. Lors, la nouvelle de se répandre comme une traînée de poudre : « La princesse est vivante ! Elle revient auprès du roi ! Nous sommes sauvés ! » Et de fait, nimbée d’une autorité qui la surprend elle-même, la jeune fille endosse son nouveau rôle : « je suis en effet la princesse Viveigne et je veux voir le roi mon père... »
C’est escorté d’une populace en délire que les voyageurs font leur entrée dans la capitale et se dirigent vers le palais royal. De toutes les rues, le flot de la foule vient grossir le cortège. Alerté, n’y comprenant rien, le roi Lobotom est sorti sur le parvis du palais. Et c’est là, dans un silence aussi soudain que total, qu’ont lieu les incroyables retrouvailles.
« Si le royaume s’écroule parce que les Dragons se réveillent, déclare Viveigne maintenant sûre d’elle, c’est parce que tout n’est que rêve dont on peut se réveiller. Or c’est justement ce qui m’est arrivé. Je me suis réveillée, et pour moi vous n’étiez plus qu’un rêve... (Murmures d’étonnement et d’incrédulité.) Mais, reprend la princesse, il y a les voyageurs, et ce ne sont pas des gens ordinaires. Ils savent des voies secrètes et peuvent retrouver le chemin de ce qui ne serait, sans eux, qu’un rêve enfui à jamais. C’est ainsi qu’ils m’ont retrouvée et que nous pouvons, à nouveau, être là tous ensemble ». Au même instant, comme pour souligner ses paroles, les nuages s’écartent au-dessus du palais, laissant voir pour la première fois depuis de longs mois la pâle rondeur de la pleine lune. Le roi a relevé la tête. A la clarté lunaire, on voit des traces de larmes sur ses joues. La foule est toujours silencieuse, mais les cœurs battent la chamade. Puis le roi chante. Une mélopée bizarre, atonale, arythmique, c’est la draksong. Les nuages se dis­persent alors complètement, et tandis que la lune brille avec, semble-t-il, un surcroît d’assurance, c’est toute la voûte nocturne qui se constelle d’une myriade d’étoiles.

Épilogue
Le lendemain voit le lever d’un vrai soleil, et les jours suivants le renouveau d’un vrai printemps. Les voyageurs sont naturellement accueillis au palais où rien n’est trop bon pour leur être agréable, tandis que les Mastafiore, auxquels la princesse continue de se joindre, remportent un véritable triomphe. Au gardien des rêves de décider de la récompense matérielle offerte par le roi.
De la part des Dragons — ce n’est pas tous les jours qu’on les soulage de leur cauchemar — les personnages reçoivent 3 points de destinée (si la règle est utilisée) ainsi qu’une tête de dragon à choisir librement.

Scénario & Plan : Denis Gerfaud
Illustration : Bernard Bittler

Les PNJ

Les loups


TAILLE 8 ; VIE 10
CONSTITUTION 11
EDURANCE 21
FORCE 12 ; Protection 0
PERCEPTION 13
VOLONTÉ 10
RÊVE 10
Morsure 12 niv. +3 init. 9 +dom +1
Esquive 1 niv. +3
Course, Saut, Discrétion 12 niv. +3
Vigilance 13 niv. +3

Les chiens de la mort

TAILLE 11; ENDURANCE 26
RÊVE 15 Niveau +3
Crocs 13 niv. +3 init. 9 +dom. +2
Esquive 12 niv. +3