Article paru dans Casus Belli N° 51



La Bonne Dame

Il était une fois une pauvre femme qui vivait solitaire dans une chaumine au fond des bois. Elle connaissait bien la forêt, les plantes et les remèdes, et comme elle n’était pas avare de conseils ni de soins, les villageois voisins l’appelaient la Bonne Dame.
C’était une femme d’une quarantaine d’années, grande et mince, au visage osseux. Certes, elle n’était point belle mais ses gestes mesurés, l’éclat sombre de ses yeux, sa voix égale, avaient le don de mettre en confiance. Si elle l’avait désiré, elle aurait pu habiter dons le village même, à Champegris, mais les villageois comprenaient, ou croyaient comprendre, qu’elle avait eu des malheurs et ne désirait plus qu’une retraite paisible. Il y avait environ dix ans qu’elle occupait la chaumine. C’était peu après « la gronde ruée des Groins », une époque de confusion où nombre de villageois avaient péri ou fui, où d’autres étaient arrivés, transfuges de régions voisines encore plus malchanceuses. La chaumine avait ainsi trouvé une nouvelle occupante.
On respectait donc sa solitude, ne venant la consulter que pour identifier les champignons incertains, pour chercher un remède contre la toux ou les rhumatismes, ou pour un accouchement difficile. Parfois, les jeunes filles allaient lui conter leurs peines de cœur. Dans leur panier, elles n’omettaient jamais de glisser une ou deux galettes et un petit pot de beurre.
Puis le malheur frappa.
Un jour, la blonde Aenys, la fille du tonnelier, trouva la parte grand ouverte et la salle dévastée, vaisselle brisée entre les meuble renversés. Et dans la chambre, la Bonne Dame gisait dans une mare de sang, vêtements déchirés, visage lacéré. Elle était morte !
Aenys revint au village en hurlant. D’abord, on refusa de la croire, puis trois paysans se décidèrent à aller voir. Malgré les conseils de son père, Aenys les raccompagna. Elle avait adoré la Bonne Dame; et contre l’être, homme ou bête, qui avait accompli un tel crime, elle était maintenant blême de rage et de colère.
Le groupe s’approcha de la chaumine avec prudence. Çà et là, on pouvait distinguer des empreintes de bottes sur le sol. Et le malheur frappa à nouveau. Cinq bandits apparurent de derrière la maison, les armes à la main, ils avançaient sans précipitation, sans autre expression sur leur visage glacé qu’une détermination mortelle. Deux des paysans en restèrent figés de saisissement. Le troisième, le plus jeune, un dénommé Jorgi, eut le réflexe de plonger dans le sous-bois. Quant à Aenys, elle poussa un cri de haine et fonça sur les bandits. Un coup sur la tête la jeta à terre où elle ne bougea plus. Les deux autres hésitèrent entre fuir ou lui porter secours, fatale indécision qui leur coûta la vie.
Tel fut le témoignage de Jorgi lorsqu’il revint au village, tout seul. « Je n’oublierai jamais leur visage, murmura-t-il en tremblant, mais pourquoi ont-ils fait cela ? La Bonne Dame était pauvre ». Ce n’est que le lendemain qu’un second groupe, plus nombreux et mieux armé, retourna à la chaumine. En chemin, ils croisèrent Aenys qui revenait en titubant. Elle n’avait été qu’assommée et les bandits s’étaient désintéressés d’elle. Les deux autres, malheureusement, étaient bel et bien morts. L’examen de la chaumine n’apporta rien de nouveau. La trappe de la cave était ouverte, avec des traces de sang sur l’escalier de bois. En bas régnait le même désordre qu’en haut. Les paysans ne s’y attardèrent pas car le lieu leur inspirait une crainte superstitieuse. Par contre, ils découvrirent de nouvelles traces de pas qui s’enfonçaient dans le sous-bois. Les corps furent ramenés au village pour y être inhumés, Puis, toute affaire cessante, une douzaine de paysans courageux se constituèrent en patrouille pour organiser une grande battue dans la région. On en est là.


La vérité

En réalité, la Bonne Dame n’était pas si bonne que ça ; et pour tout dire, elle était même carrément mauvaise. C’était une haut-rêvante vouée à Thanatos. D’abord voyageuse errante, elle avait finalement jeté son dévolu sur Champegris et la région. Comme nombre de ses semblables, elle rêvait d’une domination absolue, mais elle était prudente. Plutôt que de tout gâcher par un envoûtement hâtif, elle tissait patiemment sa toile au fond de sa retraite. Sous couvert de bonne guérisseuse, il ne lui était pas difficile de collectionner des reliques de chaque villageois. L’un après l’autre, elle les possédait de corps ou d’esprit. Quand ils seraient tous possédés, elle commencerait les envoûtements proprement dits; et quand le village serait entièrement à sa botte, elle s’en servirait pour conquérir le village suivant, et ainsi de suite jusqu’à posséder le monde !
Un jour, un voyageur perdu aperçut sa chaumine et lui demanda l’hospitalité. Elle le reçut sans idée préconçue, mais lorsqu’il lui avoua que, venant du sud, il ignorait la proximité de Champegris, elle se dit que sa disparition ne risquait pas d’être signalée. Et comme elle avait grande envie d’un garde du corps, elle l’endormit (par Hypnos), le tua proprement, et anima aussitôt son cadavre en zombi. Au cours des ans, la chose se répéta trois autres fois. Les zombis demeuraient dans la cave, et les villageois n’en avaient évidemment aucune connaissance.
Puis vint un cinquième voyageur et le même scénario se déroula. Hélas, en animant le cadavre, la haut-rêvante commit un échec total qu’elle ne put rattraper. Le zombi devint d’emblée un zombi sauvage et se retourna contre sa créatrice. Gravement blessée, la haut-rêvante réussit pour un temps à se désengager et à remonter l’escalier. Mais à peine eut elle repoussé la trappe que le zombi, l’ayant rattrapée, la projeta dans la chambre et s’acharna sur elle jusqu’à son dernier souffle. En mourant, elle concrétisa ce qui avait toujours été l’essence de son être, elle donna naissance à une entité de cauchemar, une haine. Par ailleurs, sa mort libéra les quatre premiers zombis qui devinrent sauvages à leur tour. Après avoir quelque peu renversé les meubles, les cinq finirent par trouver la porte et sortirent dans les bois. On devine la suite.
L’un des effets du rituel d’animation de zombi est qu’il interrompt le processus de décomposition du cadavre de façon permanente. Si la mort est très récente, le zombi ne présente pas d’autre altération qu’une peau blême, des lèvres exsangues et un regard fixe. On peut fort bien le prendre pour un vivant, confusion qui a justement été faite par les villageois.
Les zombis sauvages ne cherchent qu’à détruire, et comme ils sont privés de guide, ils ont tendance à tourner en rond, à revenir périodiquement sur le lieu de leur animation. D’où le retour intempestif des bandits. En ce qui concerne l’entité de cauchemar, elle investit Aenys lorsqu’elle se pencha sur le cadavre ; et la jeune fille est maintenant possédée par la haine.




Réincarnation

Mais la mort n’est jamais définitive dans le rêve des Dragons. A peine furent-ils tués par la haut-rêvante que les voyageurs se réveillèrent dans un rêve différent, ne gardant du précédent qu’une vague idée de cauchemar, souvenir qui finit à son tour par s’estomper. De toute façon, si l’on peut se souvenir d’une vie précédente, on ne se souvient jamais du moment exact de sa mort; et qui plus est, les voyageurs étaient endormis à ce moment. Bref, les nouveaux-rêvés finirent par redevenir voyageurs et c’est là que le hasard du rêve des Dragons fait curieusement bien les choses, ou les fait mal, à vous de juger. Ces voyageurs, qui avaient été victimes de la haut-rêvante séparément, fini­rent par se regrouper ou hasard des chemins et par voyager ensemble dans leur nouvelle vie. Et ce sont précisément les personnages des joueurs.
Mais plus encore, ayant maintes fois changé de rêve au cours de leur voyage, le hasard de leur périple à fini par les ramener dans le rêve de Champegris ; et pour corser les choses, le temps des Dragons n’ayant aucun rapport avec celui des hommes, c’est le lendemain de la mort de la Bonne Dame qu’ils vont arriver en vue du village. Dans le même temps, cinq zombis avides de carnage rôdent dans la région, cinq bandits qui leur ressemblent comme autant de faux-frères.
Note. Il est fait mention de cinq zombis parce que cinq est le nombre habituel des joueurs. Mais en réalité, il y a autant de zombis qu’il y a de PJ, avec le même âge apparent, la même allure. Seuls vêtements et équipement peuvent légèrement différer. Si le groupe comprend des voyageuses, il y a autant de fausses-sœurs équivalentes.

Champegris

Sans le cauchemar qui s’y déroule, Champegris n’aurait aucun, intérêt. C’est un paisible village agricole, situé au sommet de coteaux plantés de champs et de vignobles. En bas, dans la vallée, coule une rivière tranquille : la Masaune. L’agglomération comprend une cinquantaine de bâtiments, dépendances comprises. Au centre, donnant sur la place de la fontaine, une grange commune sert de salle de réunion, et, occasion­nellement de maison des voyageurs. Outre les cultivateurs, le village regroupe quelques artisans : charpentier, charron, tonnelier, maréchal-ferrant, cordonnier, etc. Enfin, on trouve également quelques fermes isolées, comme celle des Toufaut, par exemple, située à 1 km à l’est de l’agglomération. Ces termes et les champs avoisinants sont desservis par tout un réseau de sentiers. Seuls les plus importants sont mentionnés sur la carte.
Au sud du village, s’étend la Grande Forêt. Ses autres lisières (hors carte) se trouvent à plus de 20 km. C’est un lieu sombre, au relief accidenté, principalement planté de chênes et de hêtres, avec un sous-bois touffu de ronces, de fougères et de plantes grimpantes. Giboyeuse (lapins, cervidés, sangliers), la forêt abrite aussi des loups. Les villageois qui s’y aventurent en quête d’herbes ou de champignons évitent de s’éloigner des sentiers, car il devient alors très aisé de s’y perdre. En dehors des sentiers mentionnés sur la carte, la survie dans la Grande Forêt est de difficulté -4.
Le Corbetier. C’est le nom donné à une grande clairière, carrefour de quatre chemins. Au centre se dresse un chêne de 40 m de haut, lieu d’habitation de plus de cinq cents corbeaux. Le lieu résonne de leurs croassements incessants. La Combe. C’est un ravin de près d’un kilomètre de long, profondément encaissé entre des pentes rocheuses où s’accrochent des buissons d’épines. Entre les rochers du fond de la combe s’ouvrent de nombreuses cavernes. L’endroit est sinistre à souhait, idéal pour l’ultime confrontation avec les zombis.

L’accusation

Pour les voyageurs, tout va commencer en fin d’après-midi, en arrivant en vue du village de Champegris. Au même moment, les patrouilleurs sont en train de revenir, bredouilles, par le sentier 1. Les deux groupes vont se rencontrer au carrefour A.
Les paysans sont une douzaine, armés d’arcs, de haches et de piques. Ils avancent d’un pas résolu, mais à la vue des voyageurs, S’arrêtent, indécis, mains crispées sur leurs armes. Le plus jeune (Jorgi) s’écrie alors : « Ce sont eux ! Je les reconnais ! ».
La suite risque probablement d’être tumultueuse. Les archers vont mettre en joue les voyageurs, cependant que, pas foncièrement rassuré, le chef de la patrouille leur demandera de se défaire de leurs armes et de se laisser emmener sans résistance. Comme il est probable que les voyageurs n’obéissent pas aussitôt et demandent ce qu’on leur reproche, on leur répondra : « Comme si vous ne le saviez pas, bande de gredins ! Vous avez assassiné la Bonne Dame et deux villageois ! ». Leurs dénégations n’y feront rien, pas même l’argument logique que s’ils avaient accompli un tel crime, ils n’auraient aucune raison de revenir. Jorgi ne cessera de répéter : « Ce sont eux ! Je n’oublierai jamais leurs visages ! ».
Deux alternatives sont alors possibles : soit les voyageurs se rendent, soit ils se rebiffent. S’ils acceptent l’erreur judiciaire et se laissent désarmer, on les conduira sous bonne garde jusqu’à la grange commune. S’ils tentent de fuir ou de combattre, la situation deviendra pour eux plus difficile. Cette alternative sera traitée plus loin.

La disculpation

Dans la grange, les voyageurs ne seront pas ligotés, mais maintenus en respect par les archers et les piquiers, sous les huées des villageois accourus sur la place. On ne décidera pas immédiatement de leur sort, et ils pourront comprendre qu’on attend la venue d’un second témoin capital. Ce dernier ne tardera pas à venir.
Aenys est une fille de dix-huit ans, blonde, plutôt jolie malgré des traits crispés. Aperce­vant les voyageurs, elle balbutiera, le regard fixe : « Eux ! Je les reconnais les monstres ! » Et avec la rapidité d’un chat, elle se jettera toutes griffes dehors sur le premier à sa portée. Les paysans ne réussiront à la maîtriser qu’à grand peine.
Et c’est alors que se produira un coup de théâtre. Le fils Toufaut, blessé à la tête, arrivera sur la place en s’écriant : « Les bandits viennent de nous attaquer. Ils ont tué mon père ! ». Puis il verra les voyageurs et s’écrira, désemparé : « Eux ! Comment est-ce possible ? ».
La suite risque à nouveau de dégénérer en confusion, mais avec pour résultat que les voyageurs seront disculpés. Comment pou­vaient-ils être à la fois au carrefour précédent et à la ferme des Toufaut, distants d’un bon kilomètre ? Puis Jorgi conviendra que les bandits n’étaient pas habillés exactement de la même façon. Le fils Toufout dira quant à lui :
« Et pourtant, à part un air de mort que vous n’avez pas, ils vous ressemblent comme des frères ». Il sera incapable d’expliquer davantage ce qu’il entend par un air de mort.
Finalement, les villageois bien embarrassés présenteront des excuses aux voyageurs. On leur rendra naturellement leurs armes. On leur accordera l’hospitalité. Et an leur racontera toute l’histoire de la Bonne Dame et de sa fin tragique, pour qu’ils jugent par eux-mêmes de leur perplexité. Seule Aenys continuera à darder sur eux un regard haineux.

A la ferme des Toufaut

Les voyageurs voudront probablement tirer au clair cette histoire de frères qui leur ressemblent et se rendre à la ferme des Toufout ainsi qu’à la chaumine. Un spectacle désolant les attend à la ferme : le père a été tué ainsi que la servante, la mère et le plus jeune fils sont blessés gravement ; même le bétail a été massacré. Fait étrange, la plupart des blessures ont été causées par des lames, mais certaines sont dues à de terribles coups de griffes. Par ailleurs, rien n’a été volé. La violence semble purement gratuite. Un examen attentif de la lisière révèlera des empreintes de pas allant et venant le long du sentier 2. La conclusion à en tirer est que les bandits ont dû retourner dans la forêt.

La chaumine

C’est une maison basse et trapue, aux murs de pierres irrégulières, couverte d’un chaume noirâtre. Derrière, un carré de terrain déboisé constitue un potager avec quelques arbres fruitiers; un minuscule sentier s’en éloigne et mène à une source quelques dizaines de mètres plus ou nord.
La maison est en partie enfoncée dans le sol et pour accéder à la porte, il faut descendre quelques marches. La salle principale (1) est partagée par une rangée de piliers soutenant les poutres maîtresses (en pointillé sur le plan) la hauteur maximum, au centre, est de trois mètres ; le sol est dallé ; une cheminée occupe le mur est. Rien n’a été touché depuis la mort de la Bonne Dame, et il y règne le même désordre de meubles fracassés. C’est là que la haut-rêvante recevait ses visiteurs et il ne s’y trouve aucun indice significatif. Même chose dans la chambre à coucher (2) où une mare de sang séché macule le sol près du pilier central.
Au fond, une trappe de bois donne accès à l’escalier de la cave.
Cette dernière est coupée en deux par une arche de maçonnerie. Un rideau séparait les deux parties mais il a été arraché et ses lambeaux jonchent le sol. Si la première partie (3) ne contient qu’un bric-à-brac d’objets sans importance celle du fond (4), par contre, contient des indices révélateurs.
Un coffre verrouillé (difficulté -4, mais la clé se trouve quelque part dans le désordre de la chambre à coucher) contient quelques objets intéressants deux dagues au pommeau joliment ouvragé (valeur 4 PA chacune), un collier de perles d’argent (valeur 6 PA), une bourse de cuir fin incrusté de nacre (valeur 3 PA) contenant encore 18 PB, et un encrier de voyage avec un bouchon d’argent (valeur 5 PA). Il y a d’autres objets plus ordinaires (fioles vides, cire à cacheter, plumes, parchemins vierges) ainsi qu’une liasse de parchemins écrits. Plus loin, se trouvent entassés sous la poussière quelques besaces et sacs à dos, cordes et outres, comme si cinq voyageurs avaient délaissé là leur équipement de voyage.
Enfin, tout au fond, une étagère semi-circulaire supporte une cinquantaine de fioles et de petits pots, chacun porteur d’une étiquette avec un simple numéro. A l’intérieur, il n’y a presque rien : une vague tache de graisse, quelques cheveux, une rognure d’ongle. Mais ce devrait être suffisant pour que les voyageurs commencent à subodorer les dessous de l’histoire.




Les parchemins

La liasse contient quinze feuillets. Les quatre premiers, rédigés en runes communes, constituent une liste exhaustive des habitants de Champegris, hommes, femmes et enfants. Les plus jeunes, surtout ceux qui sont nés depuis dix ans ou moins, ont leur date de naissance. Une bonne cinquantaine sont en plus gratifiés d’un numéro, ainsi que des mentions telles que « Corps », « Esprit », ou même les deux à la fois, suivis d’une nouvelle série de dates. Il y à autant de villageois numérotés qu’il y a de fioles sur l’étagère. Comprenne qui pourra.
Les onze autres feuillets sont rédigés en draconic, et il faudra du temps pour les déchiffrer. Ce sont tous des formules de sorts. La difficulté indiquée est celle de lecture.

O/H PETRIFICATION, -4
O/H SOMMEIL, -4
N ENCHANTEMENT, -2
T POSSESSION DE CORPS, -4
T POSSESSION D’ESPRIT, -4
T ENVOUTEMENT : CECITE, -2
T ENVOUTEMENT : MALADIE, -2
T ENVOUTEMENT : INTERDICTION, -2
T ENVOUTEMENT : TACHE, -2
T FAIRE PARLER UN MORT, -3
T ANIMER UN ZOMBI, -3

Rêve souvenir

Le matériel à l’abandon appartenait évidemment aux victimes de la haut-rêvante, de même que les objets de valeur du coffre. Si les voyageurs les découvrent et les examinent, ils leur rappelleront des souvenirs par l’intermédiaire d’un rêve qu’ils feront dès la nuit prochaine.
Dans ce rêve (qui pourra différer dans ses détails pour chacun des joueurs), ils se verront, seuls et non point en groupe, arriver en vue de la chaumine, rencontrer la Bonne Dame, et, n’ayant aucune raison de se méfier, accepter son hospitalité. Puis le rêve se terminera brusquement sur une horrible sensation d’angoisse. Détail important, ils se souviendront que, dans leur rêve, ils possédaient l’un des objets du coffre. (Au Gardien des Rêves de répartir au mieux ces objets entre les personnages, voire d’en inventer de plus pertinents si ceux indiqués ne collent pas.) Par ailleurs, le rêve leur laissera une impression tenace de déjà vécu. Dès lors, ils ne devraient plus avoir grands doutes sur l’identité réelle de leurs cauchemardesques faux-frères.

Aenys

Si la jeune fille a des réactions si violentes, c’est surtout parce qu’elle est possédée par la haine. Celle-ci est essentiellement dirigée contre les meurtriers de la Bonne Dame, mais à mesure que les choses traînent, elle commence à haïr tout le monde sans exception. Quand les voyageurs voudront aller voir la chaumine, elle s’offrira à les y conduire. Les voyageurs pour­ront la trouver bizarre, mais supposer que c’est uniquement le chagrin qui motive sa passion. En réalité, Aenys pense que les voyageurs ont roulé les villageois par un subterfuge quelconque et qu’il n’y a pas à chercher les coupables plus loin. Elle porte maintenant une dague sur elle, et à la première occasion elle tentera de poignarder les voyageurs l’un après l’autre. Si les choses tournent mal pour elle, ce qui est probable, sa haine l’obligera à se battre jusqu’à la mort. En mourant, elle libérera l’entité de cauchemar, qui se retournera évidemment sur le plus proche voyageur. La haine a encore tous ses points de rêve, soit dix-huit.
Dans ce cauchemar sordide, Aenys est un PNJ destiné à être sacrifié. C’est au Gardien des Rêves de voir comment il peut utiliser le plus efficacement cette bombe à retardement.
La mort de la haut-rêvante rompant toutes les possessions, il est douteux qu’Aenys soit toujours victime de la magie. Si un voyageur tentait néanmoins une détection d’enchantement sur la jeune fille, le résultat serait positif. Une lecture d’aura magique indiquerait une haine et la Désolation de Sel G9. Là, une nouvelle lecture d’aura donnerait la force de l’entité soit dix-huit points. C’est également depuis cette case que pourrait être tentée une annulation de magie (voir règle page 68). Si tout cela était accompli avec succès et Aenys libérée, la jeune fille deviendrait leur alliée au lieu de leur ennemie aveugle et la conclusion du scénario en serait infiniment moins lugubre. Mais est-ce bien probable ?

Les faux-frères

Tous les zombis ont été animés alors que la haut-rêvante bénéficiait d’une bonne quantité de rêve actuel. Ils ont tous quinze points de rêve. Les quatre premiers ont en plus une compétence d’arme de mêlée, le dernier n’a que ses griffes. Au Gardien des Rêves de voir quel genre d’arme est manié par qui, en fonction des propres compétences des voyageurs.
Les zombis errent çà et là dans la forêt, prêts à frapper à nouveau le village. Périodiquement, ils retournent à la chaumine. Comme l’eau qui coule en empruntant les voies de moindre résistance, ils suivent naturellement les sentiers. Selon les déplacements des voyageurs et leur propre stratégie, c’est au Gardien des Rêves de choisir l’heure et le lieu de la confrontation finale. La Combe pourrait faire un lieu idéalement sinistre.
Ils auront beau y être préparés, les voyageurs recevront un choc en voyant leurs propres cadavres, un spectacle qui a de quoi déranger. Chacun devra jouer un jet de VOLONTE à -2, et en cas d’échec un JR de rêve r%. Si ce second jet échoue également, la perturbation mentale se traduira par une Queue de Dragon qui prendra effet immédiatement.

Autres alternatives

Si au tout début, les voyageurs livrent combat ou prennent la fuite, ils compliqueront la situation. S’ils ont le dessous, les blessés et les survivants seront ramenés à la grange comme prévu au départ. Là, la disculpation pourra avoir lieu dans les mêmes conditions, sauf que les villageois leur conserveront un certain ressentiment et que la haine d’Aenys n’en sera que plus attisée. En revanche, s’ils ont le dessus, les villageois tenteront de rompre le combat dès qu’ils auront perdu la moitié des leurs. Au village, ils regrouperont leurs forces, prêts à livrer une véritable guerre. La disculpation sera impossible, et même si le timing ne correspond pas exactement, on leur mettra sur le dos l’attaque de la ferme des Toufaut. Même chose s’ils prennent d’emblée la fuite.
A ce point, si les personnages se livrent quand même à une enquête et découvrent la chaumine, ils pourront avoir leur rêve souvenir, et s’ils anéantissent finalement les zombis, ils prouveront leur innocence.
S’ils veulent simplement fuir ce village de fous, le Gardien des Rêves peut leur opposer un zombi, un seul, un traînard surgissant au détour d’un chemin. Une telle rencontre devrait les faire réfléchir et les amener à réagir différemment. Mais en échange d’un zombi de moins lors de la confrontation finale, ils auront entre temps tous les paysans contre eux.
Conclusion

Une fois les zombis anéantis, les voyageurs recevront tous vingt points de stress rétrospectif. Ces vingt points pourront être convertis directement en vingt points d’expérience, sans jet de dé. Ils sont indépendants du stress normal qui aura pu être acquis au cours du scénario. En ce qui concerne les villageois, rares sont ceux qui savent vraiment lire et écrire mais la plupart arrivent à déchiffrer leur nom. Et de le trouver sur la liste de la Bonne Dame, accolé à un numéro correspondant à une petite fiole suspecte aura de quoi les assombrir. « Dire qu’on l’appelait la Bonne Dame ! » murmureront ils en baissant les bras, pleins de fatalité et de désillusion. Ils continueront à accorder leur hospitalité aux voyageurs, mais ceux-ci se rendront compte, à la gêne et à la tension, qu’on aimerait mieux les voir ailleurs. D’autant plus, et quoiqu’on ne puisse le leur reprocher, qu’il pourra y avoir sur leurs mains le sang frais de la blonde Aenys.

texte & plan : Denis Gerfaud illustration : Eric Larnoy



PNJ & Autres



Aenys

TAILLE 8 VOLONTE 14 VIE 11
APPARENCE 13 INTELLECT 9 ENDURANCE 25
CONSTITUTION 13 EMPATHIE 12 VITESSE 12+dom 0
FORCE 8 ELOQUENCE 12 Protection 0
AGILITE 14 REVE 10 / 18 +dom 0
DEXTERITE 12 CHANCE 6
VUE 11 Mêlée 11
OUIE 12 Tir 11
ODORAT 9 Lancer 9
GOUT 9 Dérobée 13
Dague niv –1 init 4 +dom +1
Corps à corps niv –0 init 4 + dom (0)
Esquive niv +1
Discrétion, Se cacher +2; Saut, Course 0; Srv en forêt +5
Note. Les 18 points de rêve sont en fait ceux de la Haine.
Caractéristiques des Zombis

Puissance 15 Perception 7 Endurance 30
Défense 7 Vitesse 7 Protection : variable
Griffes 15 niv +2 init 9 +dom +3
Arme 15 niv +2 init 9 +dom (selon arme) +2
Esquive 7 niv –2
Note. De même que les armes, la protection de chaque zombi dépendra de celle du voyageur correspondant.

Caractéristiques moyennes des Patrouilleurs

TAILLE 11 VOLONTE 10 VIE 8
CONSTITUTION 12 EMPATHIE 10 ENDURANCE 24
FORCE 13 REVE 11 VITESSE 10
AGILITE 12 Mêlée 12 Protection 0
DEXTERITE 11 Tir 11+dom +1
VUE 11 Lancer 12
OUIE 10 Dérobée 11
Hache 2 mains niv +2 init 8 +dom (+4)
Pique 2 mains niv +2 init 8 +dom (+3)
Corps à corps niv +2 init 8 +dom (+1)
Arc niv +3 init 8 +dom (+7)
Esquive niv –2
Note. Ils sont au nombre de 12. 4 armés d’arcs, 4 de haches et 4 de piques.