INTERVIEW
LES GENS qui font le Jeu : Jean-Pierre Pécau
Article paru dans Casus Belli N° 31
La plus charmante des journalistes !
Les personnalités du jeu mises à nu !
Une interview choc !
Lucas Heal, journaliste reporter - aventurier à ses moments perdus
avait fait récemment connaissance de Jean-Pierre Pécau, personnage un
peu bourru, au franc parler et aux idées hors du commun. Un soir, la
curiosité professionnelle fut la plus forte...
- « Jean-Pierre, qui êtes-vous réellement ?
- Tonnerre ! Un inventeur de jeux, bien sûr, qui s’est converti au
commerce il y a de ça quatre ans. Mon job à Jeux Actuels est de choisir
les jeux, de les commercialiser, de les tester, d’amender la règle ; et
aussi de prendre contact avec les imprimeries, maquettistes, etc...
- Votre métier, c’est un peu le prolongement naturel du créateur de
jeux ?
- Taratata ! Ça a été l’OBLIGATION naturelle, il y a 4 ou 5 ans, de
trouver, pour les jeux de simulation, des structures d’édition, de
commerce, qui n’existaient pas en France à l’époque.
- Et ça vous laisse encore du temps pour inventer des jeux ?
- Ça ne me laisse malheureusement plus le temps de jouer, fiston,
mais ça m’en laisse pour en inventer.
- On m’a parlé de l’An Mille qui parait-il est prêt depuis deux
ans... De quoi s ‘a git-t-il ?
- C’est un jeu de simulation économique et politique sur le Moyen
Age français. Pour des raisons autres que commerciales que tu n’as pas
besoin de savoir, garnement, il n’a pas encore été édité. Et à l’heure
actuelle, je ne suis plus tellement certain qu’il serait intéressant de
le publier : le jeu de simulation est une denrée extrêmement périssable.
- Ça dépend des jeux, non ? Sinon comment expliqueriez-vous le
succès de Donjons et Dragons ?
- Mais, tête de mule, c’est parce que c’est Donjons et Dragons !
Par contre, un jeu de rôle nouveau est tributaire des autres jeux, des
autres régies et du thème recherché. Un même jeu sorti 6 mois trop tôt
ou 6 mois trop tard, n’aura pas le même succès.
- Comment avez-vous été mis en contact avec le milieu du jeu de
simulation ?
- C’est avec le N° 01 de Jeux et Stratégies, Tonnerre de Brest ! On
avait été proposer, avec un copain, un jeu qui est sorti en encart
quelques numéros après. Quand on s’est pointé à la rédaction, ils
n’étaient même pas sûrs de sortir plus de quelques numéros ! Et moi.
mille sabords, je n ‘avais absolument pas l’idée de travailler dans ce
domaine.
- Vous faisiez quoi à l’époque ?
- J’ai sévi de nombreuses années comme pion, à surveiller des
australopithèques dans ton genre, et puis j’ai enseigné l’histoire...
- Qu’aimez-vous alors dans le milieu du Jeu de Rôle ?
- Tout, sauf le milieu du Jeu de Rôle, mille millions de mille
sabords ! A mon sens, je fais un boulot fabuleux, je crée quelque
chose... encore que, attention certains confondent trop souvent avec la
création littéraire ou artistique en général. On se calme, les enfants
! C’est quand même vachement plus facile de créer un jeu de société que
d’écrire la Comédie Humaine, Tonnerre de Brest ! On navigue dans un
milieu qui se forme, un marché jeune où tous les espoirs sont permis,
mais ça ne veut pas dire que le milieu du jeu de simulation soit le
plus beau au monde. D’un autre côté, c’est plus calme qu’avant, car les
gens n’ont plus les relations passionnelles du tout début ; mais ça y
perd en poésie et en grand Guignol...
- Voyez-vous un bon avenir pour les jeux de simulation ?
- Oui, très bon. Mais pas tels qui sont conçus maintenant. Il faut
vraiment être joueur de club pour décider de passer 8h, 10h, 15h de son
temps hebdomadaire sur une partie avec 500 pages de règles ! C’est un
type de jeu archaïque; amené à disparaître. Les dernières productions
sont plus simples : L’Œil Noir, même s’il a été critiqué, par des
ectoplasmes cannibales, est très bien pour le public qu’il vise :
l’initiation des gamins à partir de 10-12 ans, qui passeront à des
étapes plus compliquées. Il est beaucoup plus facile de créer un jeu de
société hyper compliqué, ultra-simulationniste, truffé de tables dans
tous les sens que de faire un bon système de jeu simple. Je refuse de
faire partie de cette tendance qui prêche le réalisme à tout crin,
genre « je tombe d’un arbre de 5,40 m, par grand vent, sur une terre
moyennement hu-mide, ça me fait 3,7 points de dégâts »... Ça ne sert à
rien, ça donne même parfois de sacrées aberrations ». Ce qui est
primordial, c’est l’ambiance, l’interprétation des rôles, la manière
dont se déroule l’aventure.
- Vous êtes contre le tir des dés ?
- Ah les dés, je suis pour, absolument. Mais le dé, c’est « on
gagne on perd » tant de chances sur le dé, pas plus.
- Et les articles parus dans la presse, sur la paranoïa des joueurs
? Personnellement je n’en parle jamais dans mes artic...
- Si, si, moi je le dis, je n'arrête pas de le dire, mille sabord.
- Mais, il s’agit de faits déformés, amplifiés et...
- Très bien ! Qu’ils parlent des « jeux qui rendent fou », de jeux
« démoniaques » ! C’est terrible, ça, on va en vendre un maximum ! A
ton avis, comment a démarré D&D aux USA ? Pas en disant « youpi,
youpi, ce sont des jeux très très gentils, hautement éducationnels et
pédagogiques ». Ça fait fuir les gens. En fait, je pense qu’ils le
sont, mais il ne faut pas le dire.
- Les « grosses boites » arrivent, ne pensez-vous pas qu’elles vont
faire du tort au jeu et au milieu du jeu ?
- Maintenant qu’elles s’y mettent, elles vont prendre une place de
leader, c’est évident ; mais d’un autre côté, cela va aussi ouvrir le
marché au grand public.
- Et si elles font trop « grand public » au niveau des règles ?
- Ce n’est pas parce qu’on a un gros budget, que ce qu’on fait va
Forcément être nul, il faut simplement espérer que Gallimard, Schmidt
et les autres qui ne tarderont pas à s’y mettre, embaucheront des gens
capables de faire de bons jeux, pas des emplâtres soûlographes !
- Quels sont vos auteurs favoris, Jean-Pierre ?
- Mes auteurs favoris ? Lovecraft. Moorcock... Tolkien, je déteste.
Ah, le sinistre crétin, le mal qu’il a pu faire à l’Héroïc Fantasy !..
- Et vos jeux préférés ?
- Battlecars, James Bond, l’ultime Epreuve, Supergang (un monument
du genre)... »
La soirée s’achèvera sur une polémique enflammée entre Lucas Heal et
J.P. Pécau, au sujet de l’auteur célèbre, placé sur un piédestal par
l’un, voué aux gémonies par l’autre...
- Eh bien, au revoir, petit choléra, et rendez-vous au CNIT...
c’est un banc d’essai que je te conseille de ne pas manquer... Il y
aura là-bas tout un tas de petits flibustiers que tu pourras assommer
de questions !
Créations ou collaborations de J.P Pécau
- Les 7 Royaumes combattants, jeu de diplomatie et de simulation.
- L’ultime Epreuve, jeu de rôle simple avant la lettre.
- Baston
- La Compagnie des Glaces prévu pour les derniers jours du Salon de
la maquette et du jeu.
Prise de son : Nancy Sénétaire