Une Nuit à Hollywood

Casus Belli N° 70 - juillet 1992

Pour Investigateurs moyennement expérimentés et appréciant le milieu du cinéma hollywoodien.

Hollywood pendant les Années folles… Le cinéma muet vit ses derniers jours et le parlant va bientôt créer la révolution. Mais dans la jet society d’Hollywood, parmi les stars, les producteurs, les scénaristes et les divers parasites qui gravitent dans ce milieu toujours excessif, un sorcier cthulhien met à son profit la folie ambiante pour tenter de détruire la Californie.

La situation

Mrs Abigail Hopkins, excentrique fortunée frisant la cinquantaine, toujours à la recherche de sensationnel, était une proie facile. Veuve d’un millionnaire texan ayant fait fortune dans le pétrole, et qui s’était tardivement trouvé une vocation de producteur de cinéma, Mrs Hopkins est le type même de ces personnes que l’on surnomme des rombières. Envahissante, arrogante, exubérante, capricieuse, naïve et… riche, elle continue à produire des films, enfin, laisse plutôt à ses hommes d’affaires le soin de mener la société créée par son époux. Les jeunes acteurs l’intéressent beaucoup plus. Mais sa plus grande préoccupation est surtout l’organisation d’immenses soirées mondaines où tout le gratin d’Hollywood se retrouve, fêtes toujours spectaculaires où toutes les rencontres sont possibles, et où elle peut sortir ses rivières de diamants, se pavaner au bras de son dernier « petit ami » et lancer vers les lustres son grand rire sonore…
Mais Mrs Hopkins s’ennuie. Toutes les soirées finissent par se ressembler… C’est alors que Lewis Emerson a surgi dans sa vie. Cet ancien acteur de seconde zone, sans talent, a résolu il y a quelques années de se tourner vers l’adoration des Grands Anciens pour se venger d’Hollywood, la ville maudite qui n’a pas su reconnaître « son génie ». Au début de sa carrière, alors qu’il devait interpréter le rôle d’un sorcier, Emerson s’est documenté sur le sujet et a passé beaucoup de temps chez les antiquaires. Il a déniché quelques livres anciens, puis s’est passionné pour l’occultisme. En quelques années, il est devenu fort compétent, et un jour ses efforts ont été récompensés: il a découvert un grimoire inestimable, le Livre de T’rleion (en latin, +12% au Savoir, multiplicateur de sort x3, effet sur la SAN - 1d10). Emerson est alors devenu un adorateur de Shudde M’ell (un Grand Ancien, seigneur des Chtoniens, capable de déclencher de grands tremblements de terre). Sa tâche a été d’autant facilitée que la Californie recèle, dans le désert Mojave, à quelques dizaines de kilomètres de la côte, un ancien site dédié à Shudde M’ell par des Indiens précolombiens. C’est d’ailleurs lors des tentatives répétées (et avortées) d’appel du Grand Ancien que fut créée la faille de San Andrea. Emerson a alors conçu son grand projet: engloutir Hollywood, et par là même toute la Californie, dans un gigantesque tremblement de terre provoqué par sa divinité.
Ne possédant pas la puissance nécessaire pour appeler le seigneur des Chtoniens, Emerson a décidé de fonder un culte et de trouver des adorateurs dont la foi lui permettrait de mener son projet à bien. Malheureusement, l’adoration des Grands Anciens n’est pas très attrayante et Emerson a eu des difficultés à recruter. Par contre, le satanisme connaît actuellement un regain d’intérêt auprès des riches oisifs… Le sorcier a réussi à s’introduire dans le cercle d’amis de Mrs Hopkins, l’a lancée dans l’occultisme et lui a proposé de faire d’elle la grande prêtresse d’un culte démoniaque. La riche veuve ne s’est pas fait prier: enfin une nouveauté qui lui permettrait de tromper son ennui en assouvissant ses instincts de comploteuse et ses goûts pour le grand spectacle ! Elle allait enfin diriger sa société secrète bien à elle.
La secte a donc recruté ses membres chez les « admirateurs » de Mrs Hopkins: ex- et futurs compagnons de la dame, petites vedettes de cinéma qui ne se sont pas encore fait un nom, scénaristes jaloux, mythomanes avides de sensations fortes, snobs voulant goûter aux choses interdites et tous les gens prêts à pactiser avec le Diable pour trouver la gloire ou la richesse. En résumé, toute une galaxie d’excentriques et d’aigris. Ces adorateurs du Mal croient vénérer Satan, mais Emerson leur fait accomplir les rites voués aux Grands Anciens, rites pour le moment assez inoffensifs. Bien sûr, lui-même reste toujours dans l’ombre, fidèle conseiller de la « grande prêtresse ». Il a créé cependant un noyau dur pour les cinq ou six personnes les plus perverties, et qui ont su lui plaire. Les cérémonies préparées avec elles impliquent des rites spécifiques de Shudde M’ell, et comportent des sacrifices. Parmi ces quelques élus, l’une des plus acharnées est une starlette cruelle nommée Jennifer Venners, dont Emerson a fait sa maîtresse. Il va de soi que Mrs Hopkins n’a aucune connaissance de ce cercle d’initiés à l’intérieur de « sa société secrète personnelle ».
Peu à peu, la secte s’est agrandie… Emerson attendait avec impatience d’avoir réuni assez d’adeptes pour enfin pouvoir contacter Shudde M’ell. Malheureusement, ses fidèles ont commencé à déserter peu à peu… Satan ne répondant pas (et pour cause) à leurs invocations, ils se sont lassés de l’attendre. Heureusement pour Emerson, le hasard est venu à son secours sous la forme d’un jeune homme pâle et souffreteux, Murray Spring. Ce dialoguiste s’est révélé être un excellent médium. Amoureux fou de Jennifer Venners, qui prend un malin plaisir à le manipuler, il a accepté de devenir sataniste pour suivre sa bien-aimée. Son arrivée a provoqué le déclenchement de phénomènes surnaturels mineurs (poltergeists et autres) lors des messes noires organisées par Mrs Hopkins. Cela a cependant suffi à raviver l’intérêt des fidèles. Emerson n’a pas mis longtemps à identifier la source de ces événements et à en tirer profit. Exploitant les goûts de son public pour le sensationnel, il a offert à Murray Spring une promotion dans la hiérarchie du culte, afin de l’avoir à ses côtés et de mieux le contrôler (alors que celui-ci ne connaît rien à l’occulte). Par là même, il a provoqué la grande jalousie de certains adeptes. De plus, le sorcier a fait appel à deux techniciens de cinéma, spécialisés dans les trucages, pour faire « monter la sauce » et obtenir des cérémonies encore plus spectaculaires. Pour l’accomplissement des promesses de Satan, il a engagé une bande de malfrats qui volent, battent ou assassinent les gens visés par les pactes. Il va de soi que le succès est revenu. Emerson a maintenant à sa disposition tous les fidèles nécessaires pour contacter Shudde M’ell et lui demander d’engloutir la Californie sous les eaux.

Une grande soirée à Hollywood

Par un chaud samedi d’été, Mrs Hopkins donne une grande réception dans son immense propriété de Beverly Hills, en l’honneur de la sortie du dernier film de Rudolph Valentino. Un orchestre joue les derniers morceaux de jazz à la mode, des serviteurs en tenue de bédouin proposent des coupes de champagne aux invités. De grandes tentes arabes ont été montées dans le parc où les convives peuvent s’initier, enfoncés dans des coussins moelleux, aux délices du narguilé…
Les personnages peuvent être invités à la fête pour différentes raisons: journaliste envoyé en reportage par son rédacteur en chef, avocat d’une vedette, dilettante richissime tout à fait à sa place dans ce genre de soirée, admirateur ayant gagné un concours organisé par les producteurs du film, etc.
Bien que les invitations annoncent le début de la soirée pour 21 heures, les festivités ne commencent pas réellement avant 22 heures, alors que la nuit tombe et apporte une fraîcheur appréciée. Peu à peu, les stars du grand écran font leur apparition. Espacez leur arrivée pour épicer la soirée: Tom Mix arrive à cheval, coiffé de son inséparable chapeau texan, dans un costume de cow-boy d’un blanc immaculé et aux galons dorés… Louise Brooks, les cheveux coupés à la garçonne, distante et perdue dans ses rêves, descend de la même voiture que Charlie Chaplin… Douglas Fairbanks, le bras en écharpe suite à son dernier duel, escorte galamment Barbara La Marr, célèbre vamp et sa partenaire dans Les Trois Mousquetaires… Buster Keaton, profitant de l’absence des caméras, esquisse un vague sourire en descendant de sa limousine… Lon Chaney, drapé dans une grande cape noire malgré la chaleur, grimpe les marches du perron en discutant âprement avec Harold Lloyd, dont les lunettes d’écaille sans verres sont soigneusement vissées sur le nez. Dans ce chatoiement de noms célèbres défilent ainsi Greta Garbo, Erich von Stroheim, Gloria Swanson, Ernst Lubitsch…


Arrivant le dernier comme il se doit, l’invité d’honneur, Rudolph Valentino, les cheveux impeccablement gominés, avance au bras de son épouse Mary Pickford.
Bien sûr, toutes ces stars gravitent parmi deux cents invités plus ou moins connus, plus ou moins célèbres: écrivains, journalistes, producteurs, compositeurs… toute la haute société de la côte Ouest, accompagnée de ses chers parasites. Et aussi presque tous les membres de la secte de Mrs Hopkins.
La soirée est une grande réussite. Les invités les plus excentriques font quelques frasques pour le plus grand plaisir des journalistes, les déclarations succèdent aux toasts, sous la houlette d’une Mrs Hopkins plus déchaînée que jamais… Mais une querelle un peu différente éclate dans un salon écarté, non loin de l’oreille des personnages. Jennifer Venners, finalement écoeurée par l’attitude d’adoration servile de Murray Spring, a décidé de rompre avec « son petit chien fidèle ». Elle lui lance des phrases de plus en plus méprisantes, et finit par l’insulter avec cruauté… Murray, d’abord sans voix, finit par se rebiffer et fait d’amers reproches à celle pour qui il a tout sacrifié: sa carrière, ses amis, sa foi même… Il est allé jusqu’à adorer Satan pour elle ! Toutes ces remarques sont faites à haute voix, entre deux individus passablement éméchés… Jennifer, à qui l’alcool fait oublier toute prudence, laisse même échapper deux ou trois phrases très compromettantes: « Pauvre fou… tu ne sais même pas… Mais les vrais initiés n’ont que faire de vos amusettes… Nous seuls connaissons les rites ! » Elle finit enfin par se ressaisir, comprend qu’elle en dit trop devant des inconnus, et quitte la pièce dans une grande envolée de tissu vaporeux.
Murray est totalement effondré. Un peu de compassion et de psychologie permettront aux Investigateurs d’obtenir quelques confidences. Le jeune scénariste avoue alors être entré dans une secte pour plaire à sa dulcinée. Puis il prend peur, se rétracte et refuse d’en dire plus. Il n’a plus qu’une envie, rentrer chez lui pour mettre fin à ses jours. Malheureusement, ou plutôt heureusement, ses jambes affaiblies par le champagne le trahissent et il faut le raccompagner chez lui. Gageons que les personnages des joueurs ne perdront pas cette occasion de le prendre en charge et d’en apprendre plus…

Ragots et starlettes

S’ils désirent se renseigner sur cette fameuse secte qui a éveillé leur intérêt, les Investigateurs doivent mener une enquête dans le milieu très spécial d’Hollywood. Plusieurs sources d’informations sont disponibles:

Thomas Sharpe, un journaliste mondain. Spécialisé dans la révélation de scandales, il est toujours à la limite d’un procès pour diffamation. Il connaît bien l’histoire et la personnalité de Mrs Hopkins. Il a appris qu’elle organise des soirées « spéciales » mais il n’en sait pas plus. Il a grassement payé une femme de chambre travaillant dans la villa de Mrs Hopkins, qui lui a révélé que des « gens biens » se réunissaient dans l’immense cave de la propriété, toujours fermée à clé. Sharpe connaît une somme immense de ragots sur tout le milieu du cinéma, et a quelques notes dans ses vieux carnets (qu’il garde précieusement) sur la carrière ratée de Lewis Emerson (« un drôle de bonhomme, sans talent, qui a très peu tourné… Il a surtout fait parler de lui en allant casser la figure d’un directeur de casting. Son dernier rôle ? Un sorcier au Moyen Age, je crois »). C’est aussi une mine de renseignements sur les conquêtes de la fatale Jennifer Venners. Sharpe pourra aiguiller les Investigateurs vers les autres personnes mentionnées ci-dessous. Si les personnages laissent imprudemment échapper qu’ils enquêtent sur une histoire de secte, il flairera un bon article et se mettra à les suivre pour en apprendre plus.

Nathan Volsted, un scénariste alcoolique. Il en sait plus qu’il ne veut bien en dire. En effet, Volsted a voulu entrer dans la secte de Mrs Hopkins, il a assisté à une cérémonie puis a quitté le groupe car cela ne l’intéressait plus. Cependant, il a reproduit telle quelle une scène de rituel dans un de ses scénarios, qui a été refusé partout. Depuis, plus aucun producteur ne veut l’employer. Volsted développe une paranoïa d’alcoolique, qui n’est peut-être pas totalement imaginaire (« on me suit, j’entends toujours des bruits dans la cave… »).

Gladys Halliwell, une starlette jalouse. Jeune femme rousse sans grand talent mais incorrigible bavarde, elle partageait sa chambre avec Jennifer Venners quand celle-ci débutait. Elle lui en veut à mort d’avoir réussi sans en faire profiter ses anciennes copines. Gladys inventera tout ce qui lui passera par la tête pour charger Jennifer: amants, drogue, complaisances… Elle est malheureusement loin en dessous de la vérité. (« Jenny ? Oh, elle fréquente des gens bizarres. Elle commence à avoir du succès et elle prend des grands airs. D’ailleurs, je pourrais vous en apprendre de belles… »)

Lieu de tournage du film Le vampire des Carpathes. Le film est un navet sans intérêt mais les personnages pourront assister à la mise en place d’un trucage de disparition dans la brume, par les deux techniciens que Lewis Emerson a recrutée. Si les Investigateurs se rendent ultérieurement à la cérémonie de la secte (ou s’ils y ont déjà assisté), ils reconnaissent un effet utilisé par le sorcier pour impressionner ses fidèles.

Divers studios de cinéma. Du gros matériel a disparu: treuil, magnésium, fumigènes, câbles, etc.

La police et la presse. Indépendamment de la presse spécialisée qui se fait uniquement l’écho de l’actualité du cinéma et des ragots, la lecture des archives des quotidiens donne le frisson. Depuis quelques mois, plusieurs meurtres rituels ont eu lieu dans la région. Les corps retrouvés étaient terriblement marqués. Il s’agit des conséquences des activités du noyau dur de la secte. La police reste impuissante, mais soupçonne un scandale touchant le milieu du cinéma.

En bibliothèque. Après plusieurs jours de recherche, il est possible de retrouver la trace d’un culte étrange pratiqué par une tribu précolombienne, dans la région. Les Indiens auraient prié une divinité souterraine, qu’ils cherchaient plus à apaiser qu’à honorer, pour que la terre ne tremble pas. Le site où s’accomplissaient les rites se trouverait dans le désert Mojave, mais il n’est pas indiqué de façon précise. Il faudrait quadriller les lieux pendant des semaines pour espérer avoir une chance de le retrouver…

Murray Spring. Anxieux et toujours indécis, il commence par se taire. Puis, il se laissera convaincre et parlera peu à peu… Il ne connaît de la secte que les cérémonies accessibles à la masse des adorateurs, complètement inoffensives sauf pour quelques volailles, et n’a jamais entendu parler de ce cercle d’initiés mentionné par Jennifer. Il se doute maintenant qu’il doit exister quelque chose de plus sombre. Si les personnages arrivent à se lier d’amitié avec lui, il leur explique plus en détail le fonctionnement de la secte (très folklorique) et peut même se proposer de les y faire rentrer s’ils le désirent. Il leur apprendra finalement qu’une cérémonie doit se tenir dans quelques jours, le vendredi soir. Cependant, seuls les fidèles peuvent y assister.

L’initiation: silence, on tourne !

Grâce à Murray Spring, les Investigateurs peuvent être présentés à Mrs Hopkins comme de futurs sectateurs, lors d’une partie de golf. En lui jouant un beau numéro d’admiration pour son « oeuvre » et en faisant valoir leur volonté de se vouer à Satan, ils gagneront facilement sa confiance. La riche veuve est si naïve ! Elle se propose de les initier le soir même, dans son mystérieux Boudoir rouge, et leur donne rendez-vous pour 23h30, chez elle…
A l’heure dite, un majordome discret demande les cartes de visite des invités, les lit, reconnaît les noms et fait entrer les futurs « adorateurs ». Le petit haussement de sourcil méprisant qu’il ne peut réprimer en dit long sur ce qu’il pense des lubies de son employeuse. Mais son salaire est suffisamment élevé pour qu’il n’exprime pas ses réserves… Il conduit les visiteurs au deuxième étage, dans une antichambre. Il leur transmet alors les consignes de la maîtresse des lieux: ils doivent déposer tous les objets en fer et en acier qu’ils portent sur eux, ainsi que tout symbole chrétien. Il les conduit ensuite dans le fameux Boudoir rouge.
La scène serait pathétique si elle n’était pas aussi ridicule. Dans une petite pièce tendue de velours rouge sombre, éclairée par des bougies noires et décorée avec des objets satanistes sortis tout droit des coffres d’accessoires d’Hollywood, la « grande prêtresse » officie. Revêtue d’une grande robe noire brodée d’écarlate, coiffée d’un diadème en or, Mrs Hopkins ordonne d’un signe impérieux aux assistants de s’agenouiller tandis que le majordome referme discrètement la porte. Prononçant quelques phrases incohérentes, puis une prière à Satan, elle égorge un coq noir au-dessus d’un chaudron, puis trace une croix inversée sur le front des initiés, avec le sang de l’animal. Elle laisse ensuite retomber le coq dans le chaudron. Une longue minute de silence s’écoule. Puis, devant des Investigateurs sûrement aussi aba sourdis que dégoûtés, Mrs Hopkins ouvre un coffret d’argent, en sort une cigarette qu’elle allume et prend son ton le plus mondain pour les inviter à la cérémonie du surlendemain ! « Mes chers amis, ou plutôt, mes chers fidèles, vous me ferez la joie d’être des nôtres pour notre petite cérémonie de vendredi ? Vous ne pouvez pas me refuser ce plaisir, je compte âââbsolument sur votre présence ! Non, non, inutile de me remercier. Soyez à l’heure. Minuit moins le quââârt, dans le parc, la grande porte noire qui conduit à la câââve… Ah, j’oubliais. Le mot de pâââsse, cette semaine, est Belzébuth. »
En attendant le jour de la cérémonie, les Investigateurs peuvent reprendre leur enquête et contacter les personnes mentionnées ci-dessus, s’ils ne les ont pas encore rencontrées. Rien ne les empêche non plus de les revoir pour leur demander un supplément d’informations. Dans ce dernier cas, Thomas Sharpe sera un peu moins coopératif et exigera quelques renseignements croustillants en échange de ses tuyaux.

La cérémonie: caméra deux, moteur !

Le vendredi soir, les personnages se rendent au rendez-vous. Ils croisent les fidèles qui arrivent peu à peu. Certains sont masqués d’un loup noir, d’autres se drapent dans une grande cape. Il règne une ambiance de collégiens qui se préparent à faire le mur pour aller fêter Halloween. Les gens entrent les uns après les autres, chuchotent le mot de passe à l’oreille du portier, Morgan.


Fait étrange, celui-ci ressemble plus à un videur de cabaret qu’à un hurluberlu sataniste. Il détaille longuement les personnages avant de les laisser entrer. Il s’agit d’un homme de main de Lewis Emerson, qui connaît bien tous les fidèles. Il ne manquera pas, comme toujours, de faire un rapport à son « boss » sur les nouveaux. Pour cela, il ne les quittera pas de l’oeil pendant toute la cérémonie. L’une de ses tâches est de dépister les journalistes, les détectives et les « empêcheurs d’adorer en rond ». Murray Spring ne peut pas rester en compagnie des Investigateurs car il doit lui-même officier sur l’estrade, ce qui ne semble pas l’enchanter. Attention, toute tentative de photographie éveillera automatiquement l’attention de Morgan.
La cave où se regroupent les adorateurs est immense. Creusée sous la grande demeure de Mrs Hopkins, elle permet d’accueillir sans aucune difficulté la centaine de fidèles que compte la secte. La décoration est tout aussi outrancière que celle du Boudoir rouge: grande estrade tendue de velours noir et rouge, accessoires grotesques rutilants de fausses pierres précieuses, costumes chatoyants des officiants… Parmi ceux-ci, outre la « grande prêtresse », on peut remarquer une très belle jeune femme à la chevelure d’un noir corbeau, Jennifer Venners, accompagnée de son petit médium qui semble rebelle. En retrait, Lewis Emerson observe la scène et envoie des signes discrets aux deux techniciens cachés en coulisse, pour le déclenchement des trucages (un jet de Trouver objet caché permet d’intercepter un de ses gestes). Le sorcier a en effet supervisé la construction du « temple » et y a intégré un certain nombre de mécanismes: trappes, murs coulissants, haut-parleurs, etc.
A minuit pile, le spectacle débute. Sur la grande estrade, la messe noire commence. N’hésitez pas à utiliser tous les poncifs du genre, Mrs Hopkins ne reculant devant rien ! Quelques personnes s’avancent, remercient Satan ou lui réclament une faveur. Cela va de l’incroyablement stupide au carrément sordide. Le clou de la cérémonie est la disparition dans un nuage de fumée de la belle Jennifer Venners alors qu’une voix sépulcrale remercie les fidèles de leur adoration.
Cette cérémonie serait parfaite si… on n’entendait pas un léger souffle dénotant l’utilisation d’un microphone (jet de Trouver objet caché). De plus, les personnages qui ont assisté au tournage du Vampire des Carpathes reconnaîtront sans mal le trucage utilisé. La crédulité des gens est telle que même des personnes appartenant au milieu du cinéma, et qui ont souvent assisté à la mise en place de trucages sur un plateau, sont convaincues de la réalité de ces phénomènes.
En sortant de ce spectacle grand-guignolesque, les Investigateurs risquent de penser qu’ils se sont engagés sur une fausse piste. Mais alors qu’ils se préparent à regagner leurs véhicules, ils entendent une nouvelle altercation entre Murray Spring et Jennifer Venners.
Cette dernière s’engouffre dans une voiture en proférant des menaces voilées. Au fond de l’automobile, on peut reconnaître Lewis Emerson, le visage sombre.

Des gens trop curieux

L’enquête des personnages a fini par éveiller l’attention du sorcier. Grâce à ses divers contacts, il a appris que des gens se renseignaient sur la secte de Mrs Hopkins et peut-être même sur lui. Le rapport de Morgan et la description des nouveaux fidèles ne fait que confirmer ses soupçons.
Tandis que les PJ continuent leurs recherches, il lance sur eux Morgan et ses sbires, pour leur faire peur. Les gangsters commencent par les menacer puis finissent par en venir aux mains et tentent d’administrer une bonne raclée aux gêneurs. Si les Investigateurs se montrent vraiment trop dangereux pour l’accomplissement de son plan, Emerson donnera l’ordre de les tuer. Par contre, il n’a plus l’ombre d’un doute pour Murray Spring. Le jeune homme est devenu trop bavard, d’autant plus que le rituel destiné à contacter Shudde M’ell est prévu pour dans quelques jours. Le médium est kidnappé, conduit sur le site consacré au Grand Ancien dans le désert, et offert en pâture à un Chtonien, sous l’oeil extatique des cinq initiés de Lewis Emerson.
Si les personnages remarquent la disparition du scénariste, ils pourront trouver des renseignements dans la presse ou auprès de la police le surlendemain. Son corps a été retrouvé, et a pu être identifié grâce une médaille. Un journaliste livre à ses lecteurs les macabres détails: Murray Spring porte de grandes brûlures rondes, a été vidé de son sang et en partie déchiqueté. Si les PJ parviennent à lire le rapport d’autopsie, ils apprendront que le médecin légiste a retrouvé dans les restes de vêtements et sous les ongles de la victime un sable rouge très particulier. Avec l’aide d’un géologue, ou après quelques recherches en bibliothèque, il est possible de situer assez précisément le lieu éventuel du crime: certaines collines dans le désert Mojave.
Entre-temps Lewis Emerson a quitté Hollywood. Il s’est rendu sur le site de l’invocation, pour préparer son rituel. Il a laissé à Jennifer le soin de rassembler les fidèles et de les conduire jusqu’au lieu prévu à l’heure dite, dans une semaine. Pour contacter sa divinité, il a besoin de la foi et de l’énergie spirituelle de la secte au grand complet. Au cours de ces quelques jours, de mini séismes annoncent la colère prochaine de Shudde M’ell…

Grand rituel

Il ne reste plus aux Investigateurs qu’à stopper Lewis Emerson avant qu’il n’achève son rituel. Ils disposent de plusieurs méthodes pour repérer le site de la cérémonie: faire des recherches sur le sable rouge trouvé sur le corps de Murray Spring, suivre Jennifer Venners, se mêler à la foule des fidèles quand ils partiront avec la jeune femme.
Dans le désert Mojave, le sorcier s’apprête. Le cercle de pierres, éclairé par le soleil couchant, découpe des ombres dures sur la terre. Les fidèles se disposent sur son périmètre, impressionnés par ce nouveau type de cérémonie. Le chant de Lewis Emerson s’élève alors que les premières étoiles apparaissent à l’horizon. Bientôt, tous les adorateurs entrent en transes et participent à cet étrange appel, à ce cri sans cesse répété.
Les Investigateurs peuvent intervenir quand ils le désirent. Cependant, leur tâche sera beaucoup plus facile quand le sortilège de contact aura commencé à faire un peu effet: la terre tremble légèrement, Emerson expose sa requête à sa divinité (faire sombrer la Californie dans les eaux grâce à un séisme d’une extrême amplitude)… et les membres de la secte, terrifiés, prennent leurs jambes à leur cou ! Il ne reste plus aux personnages qu’à affronter le sorcier et son âme damnée, Jennifer, qui sort une arme de sous ses vêtements. Si le groupe est vraiment très puissant, Emerson peut avoir préalablement appelé un Chtonien, qui risque de lui donner beaucoup de fil à retordre. Attention, Shudde M’ell ne viendra jamais en personne et si le rituel est interrompu à temps, il ne pourra pas déclencher de séisme.

Epilogue

Mrs Hopkins, si elle survit à l’équipée, se repent terriblement de ses erreurs passées. Dans un accès de générosité et de contrition, elle se lance le mois suivant dans une grande oeuvre de charité pour subventionner un orphelinat. Son nouveau hobby lui semble follement passionnant: « Ces chères petites têtes blondes ne sont-elles pas si âââttendrissantes ? »

CASTING

Mrs Hopkins
FOR 7 CON 10 TAI 14 INT 10 POU 12 DEX 12 APP 10 EDU 13 SAN 30.
Points de vie: 12.
Compétences: Baratin 70%, Conduire automobile 35%, Occultisme 20%.
Lewis Emerson
FOR 12 CON 15 TAI 15 INT 16 POU 18 DEX 10 APP 14 EDU 14 SAN 0.
Points de vie: 15. Points de magie: 18.
Compétences: Baratin 60%, Bibliothèque 50%, Conduire automobile 50%, Éloquence 60%, Esquiver 40%, Géologie 20%, Lire/écrire latin 65%, Mythe de Cthulhu 40%, Occultisme 50%, Psychologie 40%.
Armes: pistolet 35%, dommages 1d6.
Sorts: Signe rouge de Shudde M’ell, Contacter un Chtonien, Appeler un Chtonien, Contacter Shudde M’ell.
Jennifer Venners
FOR 10 CON 8 TAI 12 INT 14 POU 13 DEX 15 APP 18 EDU 14 SAN 2.
Points de vie: 10.
Compétences: Chanter 20%, Éloquence 60%, Monter à cheval 40%, Mythe de Cthulhu 10%, Occultisme 30%.
Armes: pistolet 35%, dommages 1d6.
Murray Spring
FOR 8 CON 7 TAI 16 INT 15 POU 10 DEX 12 APP 12 EDU 15 SAN 40.
Points de vie: 11.
Compétences: Bibliothèque 40%, Discussion 30%, Éloquence 50%, Histoire 50%, Lire/écrire anglais 95%.
Note: Murray Spring est un médium qui ignore sa puissance. Quand il se trouve en situation de stress, il libère une énergie psychique qui se manifeste sous différentes formes: objets qui s’envolent, coups frappés dans les murs, abaissement ou élévation soudaine de la température, apparition d’une brume cotonneuse. Il ne contrôle absolument pas son pouvoir. Sa grande sensibilité lui permet de « ressentir » le surnaturel, ce qui provoque généralement chez lui un léger malaise.
Morgan
FOR 12 CON 13 TAI 14 INT 13 POU 10 DEX 8 APP 11 EDU 7.
Points de vie: 14.
Arme: Poings 70%, dommages 1d3 + 1d4; Matraque 45%, dommages 1d6 + 1d4.
Gangsters
FOR 10 CON 12 TAI 12 INT 10 POU 10 DEX 11 APP 8 EDU 7.
Points de vie: 12.
Arme: Poings 50%, dommages 1d3; Pistolet 50%, dommages 1d6.

scénario - Anne Vétillard
illustration - Rolland Barthélémy