Casus Belli N° 19 - 1984

"A propos du sommeil, sinistre aventure de tous les soirs, on peut dire que les hommes s'endorment journellement avec une audace qui serait inintelligible si nous ne savions qu'elle est le résultat de l'ignorance du danger" Baudelaire.

C'est par cette citation que commence l'une des nombreuses nouvelles de Lovecraft, Hypnos (du recueil Dagon), dont le héros devient fou à la suite de ses recherches dans le domaine du rêve. En effet, Hypnos signifie, en grec, sommeil, et c'est l'un des grands thèmes de Lovecraft, aux côtés des horreurs cosmiques et des livres maudits. Pourtant, dans les règles de l'appel de Cthulhu, ce sujet n'est mentionné nulle part, malgré son importance dans le cycle de Cthulhu.
Rêves prémonitoires, rêves rappelant au dormeur certaines images qu'il pensait oubliées, réception des rêves du grand Cthulhu lui-même (car, dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu RÊVE et attend). Ou bien rêves entraînant dans d'autres sphères d'existence, mondes précis où se trouvent mille sites merveilleux, ou dans "cet univers sans conscience, obscure entité, plus vaste et terrifiant que toute chose concevable, qui se trouve au-delà de la matière, du temps, de l'espace, et dont on ne peut appréhender l'existence que dans certaines formes du sommeil", tous ces types de rêves font partie intégrante de l'univers de Lovecraft, et méritent de figurer en bonne place dans le jeu.

Rêve et réalité

Les rêves prémonitoires sont plutôt rares dans les nouvelles de Lovecraft, et il devrait en être de même dans les parties de l'Appel de Cthulhu. Deux types de situation peuvent provoquer de tels rêves : Dans tous les cas, la procédure à appliquer est la suivante : si le Gardien des Arcanes décide qu'il est possible qu'un rêve prémonitoire survienne, il tire secrètement un dé de pourcentage sous le Pouvoir plus le Mythe de Cthulhu de chaque personnage susceptible d'avoir un tel rêve, une fois par personnage, et il s'arrête dès que l'un des personnages a réussi son jet, indiquant un rêve prémonitoire. Le Gardien des Arcanes devra décider d'une perte de Santé Mentale, et veiller à faire le rêve aussi horrible et aussi imprécis que possible.

Rêves qui n'en sont pas

Dans la nouvelle la maison de la sorcière, un jeune étudiant est accablé de rêves terrifiants qui s'avèrent finalement être réalité, une sorcière s'emparant de lui durant son sommeil. Cette nouvelle est un exemple typique de la magie Lovecraftienne, à laquelle il fait souvent allusion sans jamais la montrer. C'est donc un nouveau sort qui est présenté ici, permettant de projeter l'esprit et le corps d'une personne dans d'autres lieux où le lanceur du sort pourra alors se débarrasser de sa victime ou lui faire accomplir des besognes variées.

Sort : Projeter Dormeur
Ce sort dérive quelque peu du sort Création de Portail et son emploi est divisé en une série de phases.
  1. Le lanceur du sort doit d'abord enchanter un lieu, grâce au sort utilisé différemment. Ce lieu doit contenir des angles, et le sort crée alors d'autres angles, non euclidiens mais imperceptibles à l'oeil nu. Le processus coûte au lanceur un point de Pouvoir permanent.
  2. Lorsqu'un malheureux dort dans ce lieu, le lanceur peut le projeter. II doit réussir un jet de résistance de Pouvoir contre Pouvoir. S'il échoue, le sort n'affecte pas le dormeur, sinon on passe à la phase 3.
    Le lancement du sort coûte un point de Pouvoir temporaire, et le fait d'essayer d'y résister aussi.
  3. Si le sort réussit, le dormeur se trouve projeté à travers les angles non euclidiens de l'endroit, dans un univers bizarre composé d'angles impossibles et de couleurs telles qu'il n'en a jamais vues, pour finalement se retrouver aux côté du lanceur du sort.
    Ce passage entraîne la perte de 1D3 de Santé Mentale et de 1D3 de Pouvoir.
  4. A ce moment, le lanceur peut essayer de s'emparer de l'esprit du dormeur. Ceci nécessite un jet de résistance de Pouvoir contre Pouvoir, et si c'est le lanceur du sort qui le gagne, le dormeur devra alors lui obéir. Sinon, le dormeur est à nouveau projeté retournant à son lieu de départ, et immunisé au sort pour cette nuit.
    Pour essayer de s'emparer de l'esprit de sa victime, le lanceur doit investir un point de Pouvoir de façon temporaire. Le retour du dormeur n'entraîne plus de perte de Santé Mentale ou de Pouvoir.
  5. Si le lanceur du sort prend le contrôle de l'esprit du dormeur, celui-ci obéira pour des ordres simples, mais pourra essayer de faire un jet de résistance de Pouvoir contre Pouvoir pour des ordres contradictoires à sa nature. Notez que selon le lieu où il se trouve, le dormeur pourra rapporter des objets, perdre de la Santé Mentale, des points de vie, etc. Aussi, si le dormeur est confronté à un ordre fondamentalement incompatible avec sa nature profonde il pourra (ayant réussi un jet de résistance) attaquer physiquement le lanceur de sort et ce dernier devra réussir un jet de Pouvoir contre Pouvoir pour faire partir le dormeur. Enfin, il est important de noter que le dormeur ne régénère pas de Pouvoir lorsqu'il est sous l'emprise d'un sort.

Rêves et résurgences

Ce type de rêve n'arrive qu'à ceux devenus fous à la suite d'une perte de 20 % ou plus, de leur Santé Mentale, sans que celle-ci soit descendue à zéro. Plutôt que d'être affligés d'une folie, ils devront réussir chaque nuit un jet sous leur Santé Mentale, ou rêver de l'événement qui se répétera avec une netteté horrible et ceci tant qu'ils n'auront pas guéri leur perte de Santé Mentale. Chaque semaine, ils perdront 1D3 points de coup, se dégradant physiquement en raison de cauchemars atroces.
Notez une variante amusante du thème qui consisterait en une folie provenant d'un rêve affreux : si un personnage devient fou à la suite d'un rêve, il sera affligé d'une folie appelée hypnophobie. Celle-ci le rendra incapable de dormir, car il sera trop terrifié à l'idée de ce qu'il pourrait rêver (à ce sujet, le paragraphe intitulé “ la peur de rêver ” décrit en détail les ennuis auxquels s'exposent ceux qui tiennent à tout prix à se priver de sommeil).
D'autre part, il est possible que ce genre de rêve intervienne alors que le personnage suit un traitement psychanalytique ou lors d'un internement dans un asile. Si, au cours d'une psychanalyse, l'analyste manque son jet avec 96 ou plus, il doit retirer le dé immédiatement. S'il échoue, le patient est assailli de rêves lui rappelant d'horribles événements, et on applique les effets décrits au-dessus. Sinon, il faut appliquer les résultats d'un échec critique de psychanalyse. Procédez de la même façon dans un asile, en remplaçant le jet de Psychanalyse par un jet sous Médecine et en substituant les effets d'un échec critique de Psychanalyse à ceux d'un asile.

Les rêves du grand Cthulhu

D'après Lovecraft, la plupart des fous sont des malheureux particulièrement réceptifs aux rêves du monstrueux et tentaculaire Cthulhu, qui (comme déjà dit auparavent) dans sa demeure de R'lyeh la morte, attend en rêvant. Toujours d'après Lovecraft, plus un personnage a d'imagination, plus il a de chances de capter un de ces rêves, ou plutôt cauchemars. C'est surtout alors que les étoiles sont en bonne place pour le retour de Cthulhu, que cette possibilité se présente ; c'est-à-dire aux environs de la Toussaint, durant les périodes d'adoration intense de la déité.
En termes de jeu, on considérera que plus le personnage a de Santé Mentale, moins il a d'imagination. Pour obtenir le pourcentage de (mal)chance de capter un tel rêve, soustraire la Santé Mentale du personnage à 100 et diviser par 5 (en arrondissant vers le bas). Notez que les personnages déjà fous ne divisent ce nombre que par 2,5. Ce rêve pourra être perçu 1D6 jours avant et 1D6 jours après la veille de la Toussaint (c'est-à-dire du 26 octobre au 7 novembre). Chaque nuit suivant le premier rêve, celui-ci se répétera automatiquement et continuera encore un peu. Ce rêve est en fait décomposé en six phases et le personnage verra la première au cours de la première nuit, la première et la deuxième au cours de la deuxième nuit, etc. Notez que le fait de revoir une phase du rêve n'apporte aucun effet supplémentaire. Il est possible que le personnage commence à rêver à moins de six nuits de la fin de la cérémonie, auquel cas les rêves cesseront avec la cérémonie, et le personnage ne connaîtra pas la fin du rêve. Le sommeil dans lequel se plonge le personnage une fois le rêve commencé est très profond, et il sera très difficile de le réveiller.

Voici les six phases du rêve de Cthulhu :
  1. Le rêveur vole, traversant une mer noire et houleuse. Une sorte d'aura mauvaise en émane, et il perd 1 point de Santé Mentale. S'il réussit une détection d'objets cachés, (Trouvé Objet Caché) il apercevra d'étranges formes mouvantes dans la mer, et devra réussir un jet sous la Santé Mentale ou encore en perdre 1D3
  2. Le rêveur, toujours en volant, arrive en vue de R'lyeh, une titanesque cité surgie de la mer, noire et recouverte d'algues verdâtres. Il perd 1D4 de Santé Mentale, ou 1 si son jet réussi. Cette vision lui procure aussi + 1 en connaissance du Mythe de Cthulhu.
  3. Le rêveur survole les rues de R'lyeh, peuplées par les Rejetons de Cthulhu et ceux des profondeurs. Les bâtiments comportent des angles étranges, non euclidiens, il perd 1D12 de Santé Mentale, ou 1D4 s'il réussit un jet sous celle-ci. Il gagne + 3 en connaissance du Mythe de Cthulhu.
  4. Le rêveur arrive devant un grand bâtiment, muni d'une gigantesque porte, devant lequel il s'arrête. Il se sent glacé et terrifié, sans vraiment savoir pourquoi (sauf s'il réussit un jet sous sa connaissance du Mythe de Cthulhu, auquel cas il se rendra compte qu'il se trouve devant la demeure de Cthulhu lui-même !). Il perdra 1D4 de Santé Mentale, 1 point si son jet sous celle-ci est réussi. Un jet de détection d'objets cachés réussi lui fera remarquer au milieu de la porte, une sorte d'étoile à 5 branches, comme un sceau, mais brisée.
  5. La porte s'ouvrira progressivement, pivotant d'une façon anormale, révélant des ténèbres insondables, presque tangibles. Le personnage perdra 1D6 de Santé Mentale, 1D2 s'il réussit son jet. S'il réussit un jet d'Ecouter, il percevra une sorte de clapotis, comme un bruit de pas monstrueux sur un sol détrempé.
  6. Puis c'est Cthulhu lui-même qui jaillit des profondeurs, dans une explosion de joie impie. Le personnage doit réussir un jet sous son Intelligence avec un dé de pourcentage, ou contempler Cthulhu dans toute son horreur. S'il réussit, il parviendra à s'arracher au rêve juste à temps, et ne perdra que 1D20 de Santé Mentale. Sinon il en perdra 1D100, et le rêve (dans les deux cas) s'arrêtera là. Dorénavant, le personnage ayant vu Cthulhu surgir de sa cité sera poursuivi par Ceux des profondeurs, et hanté par des cauchemars dont il ne pourra se souvenir...

L'abîme du sommeil

Lovecraft, décrit dans Hypnos, les voyages d'un sculpteur et de son mentor dans un monde intérieur, qu'ils explorent ensemble, et "… leurs découvertes furent uniquement de l'ordre des sensations. Des sensations sans aucun rapport tangibles avec les impressions que le système nerveux peut enregistrer. C'étaient bel et bien des sensations, mais elles comportaient des éléments temporels et spatiaux stupéfiants - des choses qui au coeur d'elles-mêmes ne possédaient aucune existence distincte ni définie..."
L'accès à ce monde intérieur est difficile, et d'après Lovecraft, c'est un événement qui n'arrive qu'une fois ou deux au cours de la vie des imaginatifs. En conséquence, seule l'utilisation de certaines drogues exotiques permet des incursions fréquentes dans ce monde. Tout d'abord, il faut qu'un personnage découvre l'existence de cet univers en lui. Ceci se fait par la lecture de l'un des livres maudits, qui, plutôt que de recéler un sort, contient des révélations au sujet de ce monde, qui seront découvertes de la même façon qu'un sort. Puis le personnage devra réussir un jet sous sa connaissance de la pharmacie (Pharmacologie) pour savoir quelles sont les drogues à utiliser, et pourra alors essayer de se les procurer. L'obtention, l'usage, l'abus et les effets de telles drogues sont laissés à l'appréciation du Gardien des Arcanes, mais il est certain qu'à la longue, leurs effets devraient être nocifs pour l'organisme du personnage.
Enfin, le personnage peut essayer de pénétrer dans cet univers interne. Celui- ci semble en fait être composé de la conscience de tous les êtres vivants, et abriter les Dieux Extérieurs, tels Azathoth, Nyarlathotep, Yog-Shothoth, etc. La première incursion dans ce monde nécessite, de la part du personnage, un jet au-dessus de la Santé Mentale, et il ne pourra recommencer que lorsque sa Santé Mentale aura baissé. Cet univers est essentiellement composé d'angles impossibles, de couleurs indescriptibles et de ces sensations que l'homme ne peut comprendre, et la première fois qu'un personnage y pénètre, il perd 1D4 de Santé Mentale. D'autre part, Lovecraft décrit les obstacles que les personnages essayent de franchir pour continuer leur exploration. Mais dans quel but ? C'est à partir de là que commencent l'extrapolation, et l'adaptation en termes de jeu.

Voici comment procéder

Le personnage choisit la caractéristique, parmi les 3 mentales, qu'il veut augmenter ; en puisant la puissance dans l'énergie de son subconscient et celui des autres êtres qui composent cet univers. Les 3 caractéristiques sont : Apparence (APP), Pouvoir (POU), Intelligence (INT). Il lui faut alors franchir un nombre d'obstacles égal au nombre de points qu'il possède dans cette caractéristique et il lui faudra à chaque fois réussir un jet de résistance contre 21 - sa caractéristique. S'il échoue ne serait-ce qu'une fois, il est ramené à son corps et continue à dormir, mais sans rêves. D'autres part, il n'est possible de franchir qu'un obstacle par nuit successive de sommeil ; c'est-à-dire un la première nuit, puis à nouveau celui-ci et le suivant au cours de la seconde nuit, puis les deux précédents et un troisième au cours de la nuit d'après, etc. Si un personnage n'arrive pas à franchir un obstacle ou s'il passe une nuit sans faire d'incursion dans ce monde intérieur, il doit recommencer à zéro.
Exemple : Avram Jones, investigateur de l'occulte, découvre dans un passage du livre d'Ivon, des allusions au mystérieux monde intérieur des rêves. Après avoir gaiement perdu 1D8 de Santé Mentale, il décide de relire ce passage et de l'étudier plus en détail, ce qui lui prend une semaine. Il a alors une chance égale à son Intelligence (17), multipliée par 2 (Multiplicateur de sort du livre d'Ivon), de comprendre ces révélations, c'est-à-dire 34 %. Il tire un dé de pourcentage, fait 22. et réussit ! Puis il réussit successivement un jet de pharmacologie et un autre au-dessus de sa Santé Mentale, en perdant 1D4, et pénètre dans l'abîme du sommeil. Il décide d'augmenter son Pouvoir (POU), et chaque fois qu'il veut franchir une barrière, il opposera son Pouvoir (POU) de 9 à 12, c'est-à-dire 35 % de chance de passer, et il faudra passer 9 obstacles pour augmenter de 1 en Pouvoir (POU).
La première nuit, il réussit à franchir l'obstacle avec un 03, la seconde nuit il refranchit le premier avec un 32 et le second avec un 18, la troisième nuit il passe le premier avec un 34, le second avec un 01, le troisième avec un 21, la quatrième nuit, il passe le premier avec un 33, mais est renvoyé sur le second par un 56. Il recommence, et finit par arriver à passer le septième obstacle lorsqu'il se trouve forcé de participer à une excursion nocturne, et doit tout recommencer. Notez que les combats de Pouvoir contre Pouvoir ne comptent pas pour l'augmentation de cette caractéristique, comme normalement, et que celle-ci augmente de 1 à chaque fois que le personnage réussit à franchir tous les obstacles. Mais tout ceci serait trop facile si un petit risque n'intervenait pas. Par nuit d'incursion dans le monde des rêves, le personnage à 1 %, cumulatif, de rencontrer une des nombreuses créatures qui peuplent cet endroit. Ce pourcentage redescend à zéro dès que le personnage passe une nuit sans entrer dans ce monde, mais continue de grimper si le personnage n'arrive pas à franchir une barrière et se trouve renvoyé. Selon le pourcentage calculé, référezvous au tableau suivant, et choisissez une créature.
Notez que de 01 à 50, la créature apparaîtra derrière un obstacle et ne sera pas agressive. De 51 à 100, elle attaquera certainement le personnage, et s'il s'enfuit dans son sommeil naturel, il est très probable qu'elle le suivra et l'attaquera dans le monde réel.

01-10 : Byakhee, Mi-Go
11-20 : Maigre bête de la nuit, Serviteur des Dieux Extérieurs
21-30 : Horreur chasseresse, Vagabond Dimensionnel
31-40 : Vampire stellaire, Shantak
41-50 : Chien de Tindalos
51-60: Byakhee, Mi-Go
61-70 : Maigre bête de la nuit, Serviteur des Dieux Extérieurs
71-80 : Horreur chasseresse, Vagabond Dimensionnel
81-90 : Vampire stellaire, Shantak
91-100 : Chien de Tindalos
Au-dessus de 101, le personnage rencontrera un des dieux de l'extérieur, qui le tuera ou le laissera retourner à son enveloppe charnelle si sa Santé Mentale est descendue à zéro (ce qui revient pratiquement au même).
Si jamais un personnage atteint un chiffre supérieur à 51 et qu'il survit, deux changements interviendront dans sa façon d'entrer dans l'abîme du sommeil. D'une part, sa chance de rencontre restera la même, mais la créature rencontrée sera selon son total + 50 ! De plus, pour chaque nuit qu'il ne passera pas dans l'abîme du sommeil, il aura une chance de 5 % cumulative de s'y retrouver quand même. Ces pourcentages disparaîtront dès qu'il aura réussi à augmenter une de ses caractéristiques mentales.

La peur de rêver

Il est possible qu'un investigateur décide de ne pas dormir, peut-être parce qu'il est atteint d'hypnophobie, ou que dormir à l'époque de la Toussaint l'inquiète pour Cthulhu sait quelle raison. Admettons d'abord le cas intéressant d'un personnage qui ne veuille pas dormir à tout prix. On considérera que le maximum d'heures qu'un personnage puisse passer sans dormir est égal à sa Constitution plus son Pouvoir, le tout multiplié par deux (soit CON + POU) x 2. Notez que l'on se sert pour cette opération, des caractéristiques pouvant se modifier, c'est-à-dire des points de vie et des points de Pouvoir.
Ainsi, un personnage qui vient de lancer un sort et de subir une blessure tiendra moins longtemps éveillé qu'un personnage frais et dispos.
Si le personnage désire se servir de drogues et de médicaments pour se maintenir debout, il devra d'abord réussir un jet de pharmacie (Pharmacologie). Si celui-ci est manqué, il choisira des médicaments sans effet particulier. Si c'est un échec critique, le temps maximum sera divisé par deux, et il subira des dégâts doubles au bout de cette période. S'il est réussi, il pourra effectivement s'abstenir de dormir deux fois plus longtemps, mais subira le double des dégâts. En effet, un personnage qui ne dort pas subit des dégâts, et ceux-ci seront de 1D3 points de vie et de 1D3 points de Pouvoir. Notez qu'après cet effort, le personnage devra dormir un nombre d'heures égal au nombre d'heures sans sommeil divisé par trois. Durant tout ce temps, lorsqu'il ne dort pas et lorsqu'il récupère, il ne peut regagner de points de Pouvoir ni de points de vie. Par ailleurs, si jamais il perd des points de vie ou des points de Pouvoir durant son éveil forcé, la durée de celui-ci diminue. Si jamais le personnage a alors dépassé le nouveau total, il tombe évanoui, et dort pendant la durée normale plus le nombre d'heures en excès de sa nouvelle résistance. Exemple : reprenons le cas d'Avram Jones qui a découvert que l'abîme du sommeil recelait des monstruosités inimaginables. Avec son Pouvoir de 9 et sa Constitution de 13, il peut s'abstenir de dormir durant 44 heures. Il se maintient ainsi pendant 30 heures, lorsqu'il reçoit une blessure qui lui inflige 8 de dégâts. Il s'écroule au sol, endormi pour 17 heures, et perdant 1D3 points de Pouvoir et 1D3 points de vie, espérant qu'il ait un sommeil sans rêves.

Le monde des rêves

Dans Démons et Merveilles, l'un des rares romans écrits par Lovecraft, Randolph Carter, protagoniste de ce livre et personnification de l'auteur, mène un voyage initiatique dans sa propre enfance ; puis sur une planète lointaine, pour enfin aboutir dans cet univers incohérent et disloqué qu'est le monde des rêves et aussi celui des cauchemars.
Le livre n'est pas un véritable roman en soi, bien que je connaisse des barbares qui l'aient lu comme tel. (Cthulhu ait leur âme). C'est bien plus une autobiographie spirituelle de Lovecraft, une analyse lucide, par transposition de ses propres angoisses et névroses. Le personnage de Randolph Carter ressemble tant à l'image que l'on connaît de Lovecraft, qu'il en devient presque transparent. Mais malgré tout, la force onirique des images et du verbe rend ce livre l'un des meilleurs de Lovecraft, et le merveilleux voyage de Randolph Carter au pays des rêves reste l'une des plus belles oeuvres de fantastique jamais écrites. Il serait vain d'essayer de traduire ce monde en règle de jeu, ou alors il faudrait y consacrer un jeu entier.
Car ce pays merveilleux et fantastique (au sens le plus pur du terme), situé quelque part aux confins de l'univers tel que nous pouvons le percevoir, séparé de nous (peut-être) par ce monde subconscient que partagent tous les hommes et qu'est l'abîme du sommeil ; ce pays fourmille de races et de cultures toutes essentiellement différentes, à l'image du cerveau torturé qui l'a engendré. Les chats intelligents d'Ulthar, les lézards glauques du lac où est engloutie Sarnath, les bêtes de la lune qui servent le ténébreux Nyarlathotep (lui aussi habitant ce monde) et tous ces lieux étranges, comme le gouffre derrière les piliers de basalte et bien d'autres ; tout ceci se mêle et se confond dans l'univers symbolique de Lovecraft, sur ce monde où se trouve peut-être la mystérieuse cité de Kadath, sur la lande glacée du plateau de Leng. Kadath, symbole des aspirations les plus secrètes et les plus ambitieuses, cité jamais atteinte où vivent les autres dieux, et qu'aucun mortel n'a jamais vue.
Personnellement, je ne pense pas qu'il soit "séant" de vouloir adapter ce monde à l'appel de Cthulhu (mais je ne peux pas vous en empêcher) et dans ce cas je vous conseille au moins de lire les nouvelles suivantes, en plus du livre Démons et merveilles, toutes extraites du recueil Dagon :
"La malédiction de Sarnath, Le bateau blanc, Les chats d'Ulthar, Celephaïs, Les autres dieux."
Et bien sûr, à titre de référence pour cet article, il est conseillé de lire (ou d'avoir lu):
La maison de la sorcière du recueil Dans l'abîme du temps et bien sûr Hypnos ainsi qu'en fait beaucoup de nouvelles de Lovecraft où le rêve a son importance. Car Lovecraft, il faut le savoir, puisait sa source d'inspiration dans ses propres... rêves.

Martin LATALLO