Le « réalisme intégral » d'Amirauté (voir l'article de notre
confrère Jeux & Stratégie n° 22) embrouille certains joueurs ou
fait hésiter les amateurs potentiels.
Avec cette nouvelle série d'articles, Jean Ricard balaie les
difficultés, éclaircit les coins obscurs, et même, bientôt, vous
proposera quelques règles complémentaires « agréées par l'auteur ». De
plus, il répondra aux questions des joueurs : n'hésitez pas à nous
écrire...
Auteur : Paul Bois.
Editeur : Jeux Descartes.
Matériel nécessaire :
- des cartes géographiques du secteur opérationnel que l'on
dessine sur des feuilles de papier de couturière (100 x 70) où chaque
carreau représente 10, 20 ou 30 kilomètres sur le terrain ;
- une
carte tactique : une feuille de contreplaqué peinte en bleu mer où
seront tracés des carrés de 5 cm de côté. La longueur d'un carreau
représentant au choix soit 1 km, soit 500 mètres en mer.
- Les navires
: Personnellement j'utilise des navires en métal au 1/3000 ce qui donne
un réalisme saisissant aux engagements joués. Ces bâtiments de guerre,
ou de commerce, distribués par une firme britannique présentent des
silhouettes très acceptables, même pour les amateurs les plus exigeants.
Vous pouvez aussi, bien sûr, utiliser des modèles découpés dans du
carton ou fabriqués dans du contreplaqué.
- Les accessoires : Des pions de Loto de 1 à 100 (ou dés de
%), Une bonne douzaine de dés ordinaires. Une règle graduée.
- Le livret de règles : que vous vous procurerez dans tous
les magasins spécialisés dans la diffusion des jeux de rôles.
- Complexité
: Les règles sont simples, des débutants peuvent très bien participer
au déroulement d'une bataille importante. A titre d'exemple, en juillet
83, des joueurs de D & D pratiquant pour la première fois ont
vaincu des wargamers chevronnés du Para-bellum club de Toulon, dans un
jeu d'une durée de 10 demi-journées.
Alors me-direz-vous, qu'est-ce qui vous séduit dans ce jeu ?
Tout, absolument tout. D'abord ce jeu, comme l’écrit Michel
Brassinne, c'est le réalisme intégral. Tout y est pris en compte : la
vitesse des navires, leur armement, leur blindage, la météo avec tout
ce qui en découle : l'état de la mer, la couverture et le plafond
nuageux, la force du vent, etc.
Et puis, il y a l'état d'esprit de l'auteur ; en effet il n'impose
rien. Il conseille, il aide, il guide. Son livret n'est-il pas intitulé
Amirauté ou propositions pour des jeux de guerre navale ?
Car effectivement, Amirauté n'est pas un jeu dont on se lasse au
bout de quelques temps, qu'au bout de dix ou douze parties on connaît à
fond et qui se voit remisé sur un coin d'étagère. C'est une suite de
règles conçues pour jouer tous les jeux de guerre navale. Des règles
que vous pouvez améliorer au fur et à mesure que des situations
nouvelles apparaissent en cours de jeu.
Lorsque je demande à Paul Bois son avis sur une proposition en vue
d'améliorer une partie des règles qu'il a établies, son visage
s'épanouit.
Il est heureux que l'on suive l'esprit d'Amirauté ; car c'est cela
qu'il a voulu réussir : donner aux joueurs une base solide constituée
par un ensemble de règles simples, renforcées par l'utilisation de
tableaux qui sont tout simplement des tables de calcul préétablies, le
tout formant un ensemble cohérent, un outil de jeu incomparable.
Mais, et c'est là l'essentiel, tout ceci étant perfectible.
Modalités pratiques de jeu
Chaque camp dispose d'une carte identique et fait manœuvrer en
secret l'ensemble de ses forces navales et aériennes. Le joueur trace
la route de ses formations après qu'il ait indiqué à l'arbitre la
vitesse des navires et celle des avions. Le rôle de l'arbitre,
troisième personnage du jeu, est ici aussi important que celui du
Maître de Jeu dans les jeux de rôle. En effet non seulement il préside
à l'application des règles, mais il coordonne l'action en décidant de
la durée fictive des séquences de temps. De plus, son action qui permet
le secret du jeu, apporte un intérêt incomparable dans le déroulement
de celui-ci. (Nous traiterons d'ailleurs en détails, du rôle de
l'arbitre dans un prochain article).
Dès que l'arbitre constate qu'un groupe naval croise à portée de
vue (ou de radar) la route de la force adverse, il avertit les deux
camps.
Le combat tactique
A ce moment, les deux joueurs positionnent les figurines
formant leur groupe naval respectif sur la carte tactique (voir
matériel nécessaire).
Sur cette carte, les séquences de jeu sont obligatoirement de 5
minutes en temps fictif. Un navire filant à 33 nœuds parcourt 5 km en 5
minutes, il se déplace donc de -5 carreaux par phase de mouvement.
Parlons figurines !
Elles sont, à mon avis, indispensables car elles impriment au
jeu ce sentiment du « réel » qu'affectionnent particulièrement ceux qui
pratiquent Amirauté.
Dans un article paru dans le n° 22 de Jeux & Stratégie, Michel
Brassinne écrit :
« Beaucoup d'amateurs n'ont ni le temps, ni le goût, ni les
finances nécessaires à l'achat et à la décoration de somptueuses
figurines en plomb-étain représentant cuirassés et porte-avions ».
Personnellement, je n'ai pas perdu beaucoup de temps pour peindre
mes navires, En une soirée j'ai peint la totalité des flottes
japonaises et américaines (et pourtant cela représente bien environ 80
bâtiments).
J'ai tout simplement peint tous les navires japonais en vert foncé
et les américains en gris. Ce qui me donne toute satisfaction n'étant
pas un fanatique de la décoration des figurines.
Question finances, on peut s'arranger. Avec un peu d'astuce le
problème sera résolu à moindres frais. Il existe, en effet, plusieurs
solutions permettant de limiter la dépense. Soit chaque camp n'achète
que les navires du pays de son choix. Soit vous n'achetez que les
figurines absolument indispensables et polyvalentes. C'est-à-dire
acquérir des navires qui seront employés dans le plus grand nombre de
thèmes de jeux utilisés.
Prenons par exemple un joueur d'Amirauté décidé à commander les
figurines des navires allemands de la deuxième guerre mondiale. Il
pourra commander :
4 cuirassés (Bismarck, Ad. Scheer, Scharnhorst, Gneisenau).
1 croiseur (Hipper).
10 destroyers (type Maas ou Narvik).
Il faut souligner que les destroyers vendus par pochettes de 2
unités ne représentent donc que l'achat de 5 pochettes. C'est donc au
total 10 pochettes que notre joueur devra acquérir. Soit une dépense
d'environ 150 F.
Il est bon aussi de préciser que les destroyers peuvent servir
dans des jeux concernant les forces italiennes ou japonaises ; rien ne
ressemblant plus à un destroyer (surtout à cette échelle) qu'un autre
destroyer.
Pour les gros bâtiments, le Bismarck s'identifie au Tirpitz.
L'Admiral Scheer at Lutzow,et au Graf von Spee, le Hipper au Blücher ou
au Prinz Eugen.
DÉROULEMENT DU JEU :
Pour un combat naval
- Les joueurs déplacent leurs navires.
- Le parti A fait tirer son artillerie er éventuellement lâche ses
torpilles.
- L'arbitre évalue les résultats des coups au but sur les bateaux
de B.
Les navires atteints sont immédiatement diminués en artillerie et
vitesse, proportionnellement aux dommages enregistrés.
- Le parti B tire à son tour et envoie ses torpilles s'il y a lieu.
- L'arbitre procède comme ci-dessus (3).
Voici l'exemple le plus simple à jouer :
La bataille du Rio de la Plata du l3 décembre 1939, entre un cuirassé
de poche allemand et trois croiseurs britanniques.
Placement historique des navires (en début de partie) :
Le cuirassé allemand dont l'artillerie est de portée supérieure
à celle des croiseurs anglais ouvre le feu en premier. Il annonce :
« 6 h 30, à 20.000 m le Graf von Spee tire avec 6 x 280. Objectif :
Exeter ».
L'arbitre à l'aide de l'annexe n° 7 détermine le % de chance de tir au
but.
Il repère la colonne correspondante à la portée des canons de
280, soit 42000 m. Puis dans cette colonne, il repère la distance de
tir. L'Exeter est un croiseur de T2 (taille 2) dont la vitesse est à ce
moment de 25 nœuds, Le % de chance est donc de 26 %.
L'arbitre sort un pion loto (pion n° 18) et annonce : « Salve au
but, objectif atteint ». Il tire un autre pion loto qui détermine le
nombre d'obus portants dans la salve tirée touchante.
Soit le pion tiré portant le n° 70, le tableau de l'annexe n° 9 indique
que 5 obus ont touché.
Evaluation des dommages subis :
Cinq obus ayant touché, l'arbitre lance 5 dés qui donnent
respectivement : 2-3-3-4-5.
En consultant l'annexe 10 on détermine l’ensemble des dégâts soit : 8
points d'agression.
Evaluation des dégâts :
L'Exeter est un croiseur valant 22 points, ayant subi 8 points de
dégâts.
L'arbitre informe les joueurs, ou le joueur du camp britannique que son
artillerie a perdu :
2 pièces de 203 (sur 6)
2 canons de DCA (sur 6)
2 tubes Torp. (sur 6).
D'autre part, sa vitesse est réduite à 20 nœuds (alors qu'elle était de
32).
Par contre le joueur du camp allemand n'est pas informé de
l'étendue des avaries subies par l'Exeter. Il les constate simplement
par la suite en observant la vitesse réduite et la diminution de
l'intensité du tir de son adversaire.
Dans un prochain article nous traiterons toutes les questions se
rapportant à l'aviation.
Ayant joué plusieurs campagnes du Pacifique nous avons jugé
nécessaire d'apporter un complément aux règles figurant dans Amirauté.
Il est évident que, dès que sont abordés ces théâtres d'opérations, le
rôle de l'aviation devient primordial. D'où nécessité de construire des
règles simples, facilement assimilables, mais complètes, permettant aux
wargamers d'utiliser au maximum les ressources apportées par le facteur
aérien.
Histoire de vous garder en haleine, voici encore quelques têtes de
chapitres que nous traiterons dans les numéros à venir :
- Comment tracer sa route ?
- Comment se positionner dans un combat naval ?
- Les sous-marins et leurs torpilles.
- L'éclairage du groupe naval.
- La technique de « l'écran » aérien/naval.
- Comment se constituer à moindre frais des escadres anglaises,
américaines, japonaises et italiennes.
Bien sûr, nous répondrons aux questions et problèmes que vous
rencontrerez en cours de partie. Pour cela, adressez votre courrier à
Casus Belli, rubrique Amirauté, 5, rue de la Baume, 75008 Paris.
Jean Ricard