Tous le fanas des jeux aéronavals savent que, dans un combat,
lorsqu’une ou plusieurs torpilles atteignent l’objectif désigné, cela
fait du bruit ! Tous les participants deviennent subitement nerveux, la
fièvre monte, l’atmosphère devient électrique. Car les joueurs savent
bien que, sauf malchance absolue (tirage d’un 6 au dé) les navires
atteints vont subir de graves dégâts qui, nécessairement, vont
influencer non seulement le résultat quasi immédiat du combat engagé
mais, souvent, auront des répercussions importantes sur le déroulement
futur du jeu. Un simple coup d’œil au tableau annexe n° 10 montrera aux
wargamers débutants que les points d’agression imputables à l’impact
des torpilles sont très importants et qu’il ne s’agit pas de plaisanter
avec ce genre d’engins si l’on veut figurer ne serait-ce
qu’honorablement dans une partie.
D’abord, quelques précisions...
Le tableau des points d’agression Torpilles montre cependant
qu’il existe, malgré tout, une certaine échelle dans l’importance des
points de dégâts provoqués par un tir au but cela résulte directement
des dés tirés, mais aussi du calibre des torpilles employées, donc de
la charge d’explosifs transportée. De nombreux wargamers m’ont souvent
écrit ou téléphoné pour obtenir des précisions sur ce fameux tableau
Torpilles. Le genre de questions le plus souvent posées étant :
- Pourquoi 3 colonnes différentes pour les torpilles de 533 ?
- Pourquoi, également 2 colonnes pour le calibre 550 ?
Je vais donc vous donner immédiatement les précisions nécessaires afin
d’éclairer cette partie d’Amirauté qui, pour certains, reste encore un
peu obscure.
Tout le monde sait (ou devrait savoir) qu’il existe en gros 3
catégories d’utilisateurs (les « Lanceurs ») de torpilles :
- Les avions torpilleurs.
- Les sous-marins.
- Les navires de surface.
Pour plus de compréhension j’ai numéroté les colonnes du tableau
ci-dessous (de l’Annexe 10) qui sert à découper les points de dégâts
occasionnés à l’adversaire, une fois les dés tirés.
- 3 = Torpilles 533 utilisées par l’aviation.
- 4 = Torpilles 533 utilisées par les sous-marins.
- 5 = Torpilles 533 utilisées par les navires de surface.
- 6 = Torpilles 550 utilisées par l’aviation.
- 7 = Torpilles 550 utilisées par les sous-marins et les navires de
surface.
Les avions torpilleurs
Voici le tableau des principaux avions torpilleurs utilisés durant le
dernier conflit mondial par les belligérants.
Les marqueurs aviation pour un combat aéronaval
Comme pour les navires, les joueurs, au moment d’un combat
aéronaval, doivent matérialiser les attaques de l’aviation en plaçant
des marqueurs devant les objectifs navals choisis. Cette façon de
procéder élimine toute contestation future de la part de l’un ou de
l’autre camp.
Ici à Toulon, nous utilisons tout simplement des silhouettes d’avions
découpées et collées sur des supports en bois.
ci-dessous, une bande de silhouettes qui vous permettront de
fabriquer vos propres marqueurs. Vous remarquerez que le nombre
d’avions est différent sur les carrés ci-dessus pour vous permettre
d’indiquer le nombre exact d’appareils attaquant un même objectif.
Le calcul du nombre de pièces anti-aériennes
En suivant les propositions du Dr Paul Bois (Amirauté P. 28)
j’ai établi la règle suivante concernant le calcul du nombre de tubes
anti-aériens s’opposant à une action aérienne dirigée sur un seul bord.
- Catégorie I : navires possédant d’importantes
superstructures (cuirassés, croiseurs, paquebots, transports). Prendre
en compte 50% du total des pièces de D.C.A.
- Catégorie II
: navires à superstructures limitées (destroyers, torpilleurs,
escorteurs, avisos, cargos, pétroliers). Prendre en compte 80 % du
total des pièces de D.C.A.
- Catégorie III : navires
n’ayant pratiquement pas de superstructures gênantes (porte-avions,
dragueurs, remorqueurs, vedettes LT, sous-marins). Prendre en compte
100 % du total des pièces de DCA.
Exemple d’attaque à la torpille d’un groupe naval par une formation
de 12 avions torpilleurs
Composition du groupe naval :
- Cuirassé « Queen Elisabeth » (52 tubes aa, vitesse 25 nœuds).
- Croiseurs
« Southampton », « Sheffield » (24 tubes aa, vitesse 32 nœuds). 4
destroyers (1 à 4) (8 tubes aa chacun, vitesse 36 nœuds).
Le commandement du groupe naval signale à l’arbitre qu’au moment de
l’attaque, les navires marchent à l’allure maximum sauf le destroyer n°
4 qui, faisant « écran » au cuirassé, marche à la même vitesse que ce
dernier, soit 25 nœuds.
Dispositif du groupe naval
Dans le schéma ci-dessus, l’attaquant indique que 2 objectifs ont été
choisis :
- Le cuirassé (attaqué par 9 appareils).
- Le croiseur « Sheffield » (attaqué par 3 appareils).
Les axes d’attaque et de dégagement ayant été précisés, l’arbitre
procède au calcul du nombre de pièces de DCA. qui vont s’opposer à
l’aviation. Pour le cuirassé : 26 tubes (50 % de ses pièces de DCA.).
Le « Southampton » : 12 tubes (50 % de ses pièces de DCA.). Le «
Sheffield » : 24 tubes (100% de ses pièces de DCA.) position centrale
par rapport aux axes d’attaque.
Les 4 destroyers : 6 tubes chacun (80 % des 8 pièces de D.C.A.) le
calcul donne 6,4; à 6,5 on aurait compté 7 tubes chacun.
Le total des tubes aa engagés dans l’action est donc de : 26 + 12 + 24
+ 6 + 6 + 6 + 6 = 86
Le rapport D.C.A./Aviation s’élève à : 86 : 12 = 7,17.
Le tableau n° 2 de l’annexe 15 nous indique, en face de ce rapport, le
% de
tir au but permettant d’abattre un avion torpilleur. Ici c’est
le nombre 35 qui nous indique que, chaque fois qu’un pion de loto
compris entre 1 et 35 (inclus) sera tiré, un appareil sera considéré
comme ayant été descendu par la DCA. avant de lancer sa (ou ses)
torpilles. Avant de tirer les pions de loto, l’arbitre indique quel
groupe d’avions est concerné par ce tirage.
Exemple : Tir anti-aérien sur les 3 avions attaquant le « Sheffield s.
Pions de loto tirés: 82 - 6 - 95.
Résultat = 1 avion torpilleur abattu (pion n° 6).
Tir anti-aérien sur les 9 avions attaquant le « Queen Elisabeth ».
Pions de loto tirés : 48 – 54 – 100 – 98 – 70 – 68 - 7 - 35 - 7.
Résultat = 3 avions torpilleurs abattus (pions 7 - 35 et 7).
Maintenant les avions torpilleurs vont lancer leurs torpilles sur leurs
objectifs respectifs.
Le cuirassé « Queen Elisabeth » est une taille T1, c’est donc ce
tableau de l’annexe 15 qui va servir à déterminer le % de chance de tir
au but. Pour le « Sheffield » qui est une taille T2 on se servira
évidemment du tableau 12. Pour trouver ce % de chance de tir au but, en
plus de la taille de l’objectif, dont je viens de parler, l’arbitre
prend en considération deux facteurs qui sont :
- La vitesse du but.
- La tactique adoptée (P, T, Ba, Ma ou Ha).
P = Piqué - T = Torpille – Ba = Basse altitude, etc.
Ici, dans l’exemple actuel, il s’agit, bien sûr, de la colonne T.
Le « Queen Elisabeth » qui file 25 nœuds avec son destroyer « écran
» est donc attaqué par 6 appareils (9 - 3) qui ont chacun 37 % de
chance d’envoyer leurs torpilles au but. Les deux qui attaquent le «
Sheffield » ont, quant à eux, 17 % de chance de l’atteindre.
L’attaque des avions torpilleurs
L’arbitre annonçant Attaque sur le « Sheffield » tire 2 pions de loto
(1 par torpille lancée). Pions tirés : 33 - 13.
Résultat = 1 torpille au but (torpille de 450) (pion 13).
L’arbitre va, maintenant, lancer 1 dé (1 par torpille au but) qui
déterminera l’étendue des dégâts causés au « Sheffield ». Dé tiré : 4.
Résultats obtenus en consultant l’annexe 10, points d’agression
Torpilles : 9 points de dégâts au « Sheffield ».
Je précise bien, encore une fois, que l’étendue des points de
dégâts n’est jamais communiquée par l’arbitre aux attaquants. Tout ce
qu’ils doivent savoir c’est qu’une torpille a atteint l’objectif, un
point c’est tout.
L’écran du « Queen Elisabeth »
Ici nous abordons le problème des « écrans ». Le cuirassé est,
en effet, en partie masqué par son destroyer d’escorte. Ce qui veut
dire que les torpilles lancées contre lui ne sont pas obligées de
l’atteindre, mais peuvent aussi exploser contre le destroyer. Voyons
comment résoudre cette situation:
Le « Queen Elisabeth » présente une cible de 196 mètres de long.
Le destroyer masque le cuirassé sur son avant sur une distance
correspondant à sa longueur : 109 mètres.
Le % de chance de tir au but pour les avions torpilleurs est dans
ce cas de 37 %, nous l’avons vu plus haut. Ce qui veut dire que les
pions de loto 1 à 37 inclus indiqueront qu’une torpille a touché son
objectif. Nous allons donc déterminer combien de ces 37 pions
toucheront soit le cuirassé, soit le destroyer. Une simple règle de
trois suffit à nous l’indiquer : (37 X 109) / 196 = 21
En conclusion, l’arbitre va tirer les lotos. Lors du tirage,
les pions 1 à 21 inclus préciseront que c’est le destroyer qui a été
touché, et les pions 22 à 37 inclus indiqueront que la torpille a
atteint le cuirassé. Nous verrons d’ailleurs ensemble, dans un prochain
exposé, tous les cas d’écrans qui peuvent se produire, et comment on
peut les solutionner très rapidement.
Mais continuons donc notre exemple. L’arbitre annonce maintenant :
Attaque sur le « Queen Elisabeth ». 6 avions attaquent, donc il tire 6
pions de loto. Pions tirés : 38 – 56 – 75 – 12 – 33 - 26.
Résultat 1 torpille sur le destroyer (pion 12).
2 torpilles au but sur le cuirassé (pions 33 et 26).
3 dés sont ensuite tirés :
- Dé 5 pour le destroyer (7 points de dégâts = coulé).
- Dés 2 et 4 pour le cuirassé (25 points de dégâts).
Il ne reste plus à l’arbitre qu’à calculer les conséquences des
avaries occasionnées par cette attaque sur l’armement et la vitesse du
« Queen Elisabeth », suivant les principes énoncés dans mon précédent
article.
Tir à la torpille effectué par un bâtiment de surface
Je ne vous ferai pas un grand discours sur les différents
paramètres entrant dans le cadre d’un tir à la torpille, les livres
spécialisés sont là pour ça : mais simplement nous allons voir ensemble
comment se servir rapidement des tableaux des annexes 12 et 13.
- Le « Tireur » annonce à l’arbitre les 5 précisions indispensables
suivantes

- L’arbitre
calcule le rapport Vitesse du but/Vitesse de la torpille. Le « Mogami »
filant 25 nœuds, dans l’exemple ci-dessus ce rapport sera : 25 / 30 =
0,83
Utilisation de l’annexe 12
Grâce aux deux éléments connus maintenant :
0,83 = rapport entre la vitesse du but et celle de la torpille
35° = angle de tir annoncé par le navire lanceur :
L’arbitre va rapidement trouver la case contenant les 2 chiffres
correspondant au tir effectué.
Soit ici :
Calcul de la distance d’impact
Ce qui est appelé dans Amirauté Distance d’impact est tout simplement
le trajet parcouru par la torpille.
Le chiffre en haut à gauche de la case, appliqué à la distance de
tir, donne comme résultat la distance d’impact, soit : (3000 m x 65) /
100 = 1950 mètres
Calcul de la longueur relative du but
Comme l’explique Paul Bois (p. 31 Amirauté), l’objectif, au
moment où la torpille va croiser sa route, présente comme cible une
longueur relative découlant directement de l’angle d’impact. Or, cet
angle d’impact est tout simplement le chiffre situé en bas et à droite
de notre fameuse case, ici 63e. Le sinus de cet angle d’impact (630)
appliqué à la longueur de la coque donnera la longueur relative du but.
L’arbitre prendra ici comme sinus : 0,88 (entre 0,86 et 0,90).
Le « Mogami » ayant une longueur de coque de 189 mètres, sa
longueur relative présentée comme objectif à la torpille sera de : 189
x 0,88 = 166 mètres.
L’arbitre possède maintenant les trois éléments lui permettant (à
l’aide de l’annexe 13) de calculer le % de chance de tir au but des
torpilles lancées, à savoir :
- La longueur relative de l’objectif = 166 mètres.
- Sa vitesse = 25 nœuds.
- La distance d’impact = 1.950 mètres.
Utilisation de l’annexe 13
La longueur relative du but (166 m) correspond au tableau L3 (150 - 200
m) de l’annexe 13.
C’est donc ce tableau qui nous indique immédiatement le % de chance de
tir au but : 62% (entre 59 et 65%).
Cas spécial des destroyers japonais
Les destroyers japonais furent les seuls, durant le dernier conflit
mondial, à être munis d’un dispositif leur permettant de recharger
leurs tubes lance torpilles pendant un engagement naval.
Nous vous donnons ci-dessous une vue aérienne et un schéma vous
permettant de distinguer le dispositif de recharge.
Destroyer de la classe Kagero :
- 1 = Logement de 4 torpilles de recharge pour tubes arrière.
- 2 = Logement de 2 torpilles de recharge pour tubes avant.
- 3 = Logement de 2 torpilles de recharge pour tubes avant.
Délai de rechargement des tubes japonais
Le délai de rechargement étant de 15 minutes, l’arbitre, dans
un combat naval dans lequel sont engagés des destroyers japonais,
appliquera le timing suivant :
1re phase. - Les navires japonais tirent un certain nombre de
torpilles.
2ème phase. - Durant les 3 mouvements suivants, les tubes
lance-torpilles ayant précédemment tiré sont en cours de rechargement.
3ème phase. - Les tubes étant à nouveau chargés, les destroyers peuvent
lancer, dès maintenant, une nouvelle salve de torpilles.
Conseil d’arbitrage
Lorsqu’un destroyer japonais enregistre des dégâts occasionnés
par des tirs au but de l’adversaire, l’arbitre qui a
proportionnellement diminué le nombre de tubes lance-torpilles, doit
également appliquer la même proportion de destruction aux containers
rechargeurs et, par conséquent, réduire le nombre de torpilles de
recharge dont dispose ce bâtiment.
Comment attaquer à la torpille avec les destroyers ?
- De préférence le faire de nuit. Les destroyers peuvent
durant les attaques nocturnes, s’approcher assez près de leurs cibles
et lancer, sans être trop facilement atteints par le tir adverse.
- Mettre
en place son dispositif d’attaque, de préférence, quand on mouvemente
en dernier (l’adversaire ne pourra plus changer de position et se
défiler).
- Toujours engager un nombre important de destroyers afin de percer
le tir adverse.
- Porter l’attaque de deux côtés à la fois.
- Toujours lancer en étant placé sur l’avant de la route suivie par
l’objectif.
- N’oubliez jamais que l’ennemi a, lui aussi, des torpilles !
Et que le tir simultané... est autorisé par les règles Amirauté (P.
32).
Jean Ricard