Dès la parution de « Spécial Crète Mai 41 » diffusé par Hexalor
et monté par l'excellente équipe du Journal du Stratège, nous avions
décidé à Toulon de le jouer pour les vacances de Noël. Deux équipes ont
été constituées et votre serviteur a tout naturellement été
réquisitionné pour assurer l'arbitrage.
C'est cette partie que je vais vous décrire et, en même temps,
commenter.
Serge assurait le commandement des forces germano-italiennes tandis
que Michel et Stéphane se répartissaient la tâche dans le camp
britannique.
D'entrée de jeu, les deux camps demandaient que la partie commence
le 27 Mai 1941 non pas à 6 heures mais à 0 h (minuit). Demande acceptée
car le départ du jeu à 6 heures défavorise beaucoup le camp anglais. De
plus l'arbitre revalorisait les points affectés à l'aéroport de Malte,
40 points au lieu des 12 attribués dans le livret de jeu. En effet, la
base aérienne de Malte a été constituée dès le mois d'août 1940 par la
réunion de 3 aérodromes reliés entre eux par des pistes de roulement de
plusieurs kms de long, qui ont permis à l'aviation de l’ile de pouvoir
utiliser les pistes d'envol môme au moment des bombardements les plus
durs effectués par les avions germano-italiens. La liste des avions
basés à Malte à cette époque démontre la capacité de la base à assurer
la maintenance d'au moins 80 appareils.
En décembre 1940 il y avait déjà sur l'île :
- L'escadrille 148 (environ 20 Wellingons de BB de nuit)
- La 830 (12 Swordfishs torpilleurs)
- La 431 (6 à 8 Glenn Martin Recco-photo)
- La 261 (environ 12 Hurricanes)
- Sans
compter une vingtaine de Blenheims et Beauforts torpilleurs, 1
Latécoère rallié d'Algérie et les 4 Sunderlands de reconnaissance.
- Dans
« Feux du Ciel », Clostermann signale environ 90 appareils sur l'ile et
Jean-Jacques Antier dans la « Bataille de Malte », précise que le 12
juin 1942, l'ile abritait 198 chasseurs et 78 bombardiers.
- De
plus nous n'avons pas tenu compte de la règle de comptabilisation de
dépense de munitions de DCA, car vu le nombre de navires engagés (une
centaine) cela aurait terriblement alourdi le jeu.
La carte des opérations
Nous avons reproduit sur du papier de couturière la carte
fournie dans le jeu, mais une chose nous a étonné, c'est l'absence des
bases aériennes africaines. Nous avons donc positionné pour le camp
italien les aérodromes de : Tripoli (40 points) - Benghazi (24 points)
– Dema (24 points) et du côté des Britanniques : Fouka (24 points) et
Marsa-Mathrouh (24 points). Les Anglais en avaient bien besoin car
pendant les réunions préparatoires d'État-major la distance
Alexandrie-Crête avait provoqué de réels maux de tête à Stéphane et
Michel, compte tenu du rayon d'action de leurs appareils.
Les mines
Les contre-torpilleurs italiens type Da Mosto et Alpino emportant des
mines, nous avons indiqué aux joueurs la règle suivante :
- Emploi des mines : Elles sont chargées sur un navire
au rythme de 12 par heure (ceci s'explique par la longueur et le danger
de l'opération) c'est à dire une toute les 5 minutes. Lorsque le navire
les mouille, elles tombent alternativement bâbord-tribord, une toutes
les 10 secondes. La distance les séparant est donc essentiellement
fonction de la vitesse du mouilleur des mines. (On peut mouiller
jusqu'à la vitesse de 20 nœuds).
- Dragage : La vitesse de dragage des mines est de 12 nœuds.
Le jeu commence...
Les deux camps remettant à l'arbitre la position à la mer de leurs
sous-marins : il est minuit.
Les sous-marins britanniques sont positionnés de la pointe
Sud-Ouest de la Grèce (Cap Matapan) au Sud-Ouest de l'ile de Crète, en
barrage contre un éventuel passage des escadres italiennes. Deux sont
en embuscade au large (trop au large !) du port de Tarente. Un dernier
surveille au plus près le détroit de Messine.
Les Italiens ont adopté un dispositif plus resserré : 2
submersibles au Nord de Malte. 3 placés devant les ports Sud de la
Crète (Sfakia et Melambes). 1 en embuscade entre Malte et la Crète (on
verra par la suite que l'idée est bonne).
1e phase : L'arbitre déclenche un mouvement de 3 heures (de 0 à
3 heures)
Le commandement italien fait immédiatement prendre la mer à
l'escadre 1égère de Messine : 3 croiseurs lourds + 4 croiseurs légers +
5 destroyers type Da Mosto) partent à 25 nœuds en longeant la côte
sicilienne, cap au sud, objectif Malte pour un bombardement éventuel
des aérodromes. Les 3 destroyers type Leone patrouillant le détroit de
Messine en recherche anti-sous-marine. A minuit appareille également la
flotte de Tarente au grand complet (2 cuirassés, 1 croiseur lourd, 3
croiseurs 1égers.7 destroyers). vitesse 25 nœuds, cap au Sud-Est,
mission couverture des troupes devant débarquer en Crète. A Naples, la
flotte est mise en état d'alerte. L'appareillage étant prévu pour 3
heures du matin.
Pendant ce temps que faisaient les Anglais ?
A minuit, toutes les unités en état d'alerte prennent la mer.
Il y a là une armada impressionnante qui silencieusement défile dans la
nuit : 2 cuirassés, le porte-avion Formidable, la moitié des croiseurs
et des destroyers ancrés dans la rade prennent le large, direction
plein Ouest en suivant la côte africaine.
Mais toute cette armada s'alignant sur la vitesse du Warspite ne
file qu'à 22 nœuds. C'est là une faute importante commise par les
Anglais, car ils n'ont pas un nœud à perdre s'ils veulent pouvoir dès
le lever du jour, assurer à la fois la couverture de l'embarquement des
troupes et du matériel par l'aviation embarquée et pouvoir récupérer
les avions basés à Malte. Tout le reste de l'escadre est immédiatement
mis en état d'alerte.
Sur l'aéroport d'Alexandrie les bombardiers sont équipés de bombes
de 250 kg. Ils doivent effectuer au jour une mission en coopération
avec l'aviation embarquée.
2e Phase : l'arbitre annonce un mouvement de 3 heures (3 à 6
heures).
Durant cette période rien d'important n'a lieu, sur mer. L'escadre
italienne de Naples appareille en direction du détroit de Messine et la
2ème flotte d'Alexandrie prend la mer en direction du Nord-Ouest à 23
nœuds ! (Toujours le handicap des vieux cuirassés). Le Barham fait ce
qu'il peut... mais il peut peu. A 3 heures, l'escadre légère de Malte a
pris la mer, cap au Nord-Est à 32 nœuds (intuition ou réalisme soudain
mais un peu tardif de l'Amirauté ?)
Les responsables de l'aviation des deux camps remettent à
l'arbitre le détail des mouvements aériens en cours. Et croyez-moi,
cette nuit-là il y a vraiment du monde dans les airs !
3e Phase : au lever du jour l'arbitre décide un mouvement d'une
heure compte tenu des actions aériennes en cours de déroulement.
Malte
Aux environs de 6 heures le contrôleur aérien de Malte signale
des échos sur l'écran du radar annonçant l'approche de deux formations
aériennes.
Une vient du Nord (environ 40 appareils), l'autre du Nord-Est,
celle-ci moins importante ne comporte que 20 à 25 avions. Simultanément
les petits patrouilleurs côtiers envoient un radio précisant qu'ils
viennent de repérer de nombreux bâtiments de guerre filant en direction
du Nord-Est de l'ile.
L'instant est critique, les Anglais sentent bien qu'ils vont
prendre une raclée. Mais le commandement de l'ile décide de faire face.
Les 72 Hurricanes décollent immédiatement pour intercepter la formation
la moins nombreuse (mais qu'il juge la plus dangereuse). Stéphane et
Michel pensent en effet et avec raison, avoir affaire de ce côté, à
l'aviation allemande.
Pendant ce temps l'escadrille des 12 Swordfishs torpilleurs prend
l'air pour attaquer la force navale repérée près des côtes, afin
d'éloigner le danger d'un bombardement possible des terrains
d'aviation.
La bataille pour Malte
Il n'a fallu que 5 minutes à nos braves Hurricanes (vitesse
ascensionnelle 700 mètres/minute) pour atteindre une altitude leur
permettant de dominer leurs adversaires qui eux, volent à 3 000 mètres.
Maintenant ils les voient, arrivant dans le soleil, un vol massif serré
par escadrille, navigateur en tête. Il y a là 12 Heinkel 111 et 12
JU-88 (les plus dangereux car leur piqué ne pardonne pas). Aussitôt
commence la première attaque, fonçant comme des éperviers sur leurs
proies, les chasseurs essayent de disloquer la formation ennemie qui
répond de toutes ses armes de bord au feu nourri de la chasse
britannique.
Pour le premier engagement les pertes sont les suivantes :
- Britanniques : 3 Hurricanes.
- Allemands : 3 JU-88, 3 He-111.
Encouragés par leur succès les Anglais attaquent à nouveau jusqu'à
épuisement des munitions
Résultat du 2e combat :
- Britanniques: 2 Hurricanes
- Allemands : aucune perte.
Pendant ce temps les 12 Swordfishs volant au raz de l'eau ont mis
le cap sur l'escadre italienne. Ils identifient bientôt les navires
ennemis mais se heurtent à une DCA redoutable. Cette escadre compte en
effet 3 croiseurs lourds, 4 croiseurs légers et 5 destroyers. 4
Swordfishs s'abattent en mer, victimes de la DCA. Les 8 autres lancent
leurs torpilles mais il est difficile d'atteindre des tailles 2 ou 3
filant 35 nœuds. 17 % de chance c'est peu. Manque de chance allié à
l'imprécision du tir, aucune des 8 torpilles ne touche. Durant
l'attaque l'Amiral italien ayant réclamé l’intervention de la chasse,
12 CR-42 qui escortaient les bombardiers italiens se délestèrent de
leurs bombes de 100 kgs et viennent coiffer les 8 Swordfishs
survivants.
- 8 Swordfishs valeur de combat : 25,6 points.
- 12 CR-42 valeur de combat : 69,6 points.
Ce fut un massacre : en deux combats 7 Swordfishs furent descendus pour
la perte de seulement 2 chasseurs CR-42.
Alors que les 7 Hurricanes et le seul Swordfish survivant mettent
cap au Sud-Est, les bombardiers germano-italiens se regroupent et
effectuent un raid massif sur le terrain d'aviation de Malte.
La formation italienne est composée des appareils suivants :
6 Z-501avec chacun 3 BB de 200 kg
12 Z-506 avec chacun 1 BB de 1 000 kg + 2 de 100 kg
12 MC-200 avec chacun 1 BB de 200 kg
10 CR-42 qui ont laissé tomber leurs BB à la mer au moment du combat
entre les Swordfishs.
Les bombardiers allemands :
9 JU-88 avec chacun 4 BB de 500 kg sous les ailes
9 HE-l11 avec chacun 8 BB de 250 kg (en soute)
Le bombardement a eu lieu à basse altitude en vol horizontal.
Le livret de jeu donne 29 pièces de DCA (ce qui à mon avis est un
chiffre bien faible) mitrailleuses comprises. Le nombre d'appareils
étant de 58, la proportion s'établit à 0,5 pièces par avion attaquant.
Le % de chance de tir au but se situe à 2,5 %. Aucun appareil n'a été
touché par la DCA. A base altitude, les chances de toucher une cible
immobile de taille 1 sont de 40 %.
La base aérienne de Malte a donc reçu (ordinateur dixit) :
6 BB de 1000Kg
19 BB de 500 Kg
30 BB de 250 Kg
8 BB de 200 Kg
Serge en joueur chevronné avait comme on dit « mis le paquet », le
résultat fut à la mesure des moyens employés !
Points de dégâts (Sans commentaires)
La crête
Laissons les bombardiers regagner leurs bases et voyons un peu ce qui
se passait sur la Crète à la même heure.
Ayant décollé de nuit de l'aérodrome de Tatoi, 36 D0-17 escortés
par 6 ME-110 d'Eleusis atteignent la baie de La Sude vers 6 h 05 du
matin.
N'apercevant aucun navire en rade (ils sont partis vers l'Est) les
appareils patrouillent toute l'ile, sauf inexplicablement le secteur
d'Heraklion (où cependant sont concentrés les moyens de rembarquement
les plus importants). Ne trouvant pas d'objectifs navals, ils
effectuent un bombardement d'appui des troupes au sol dans la région de
La Sude (ce qui était leur mission secondaire) puis, au lieu de
regagner leur base, ils mettent le cap sur l'aérodrome de Dema afin
d'éviter un n retour de manivelle, lors des opérations de
ravitaillement.
Parallèlement, au lever du soleil, décollant des aérodromes de
Mycènes, Scarpento et Molaoi, 48 JU-87 escortés de 7 ME 109 de Molaoi
arrivent sur l'ile et se regroupent vers 7 heures.
Cependant les 18 JU-87 de Scarpento sont les premiers à trouver un
objectif intéressant. En effet vers 6 h 45 ils aperçoivent en mer un
convoi non protégé de 6 navires marchands qui, partis en pleine nuit de
la zone de Rethimo essaient de passer la pointe Est de la Crète. Ces
navires étaient vides, mais représentaient malgré tout un objectif non
négligeable.
Et puis, seuls les Anglais savaient qu'ils étaient vides ! Déjà le
premier Stuka, celui du chef d'escadrille, a basculé, suivi des 17
autres. L'un derrière l'autre, toutes sirènes hurlantes, ils piquent
sur les navires désarmés à 560 km/heure. Les bâtiments britanniques
disparaissent dans la fumée, des gerbes d'écume et de fumée noire
jaillissent de la mer. Les navires sont touchés les uns après les
aunes. En l0 minutes il ne reste plus à la surface de la mer que des
épaves fumantes auxquelles s'accrochent des survivants hébétés. Les
bombes de 500 kg ont accompli leur tâche de mort.
Cependant que les 30 Stukas de Mycènes et Molaoi sont employés en
soutien des paras de la région de La Sude.
La reconnaissance aérienne
A 7 heures l'État-major germano-italien signale à l'arbitre que :
Les 3 Arrados 196 viennent de décoller de Scarpento et peignent
la mer au Sud et au Sud-Ouest de Scarpento suivant des routes
détaillées et un horaire indiqué sur les calques bleus millimétrés qui
sont remis à l'arbitre.
De plus les forces navales italiennes à la mer sont maintenant
précédées d'avions embarqués qui viennent d'être catapultés du pont des
cuirassés et croiseurs. Ces appareils sont du type RO 43. De plus Serge
signale que les opérations de ravitaillement des JU-87 (Stukas) de
Scarpento sont couvertes par des chasseurs venus de Grèce (7 ME-109 + 7
ME-110).
Il a pris cette décision car cet aérodrome doit, dans son esprit,
constituer un objectif prioritaire pour les Britanniques. Et la suite
va lui donner raison !
Le piège de Scarpento
Pendant ce temps que faisaient les Anglais ?
A part leurs erreurs tactiques et surtout stratégiques dont
nous reparlerons, ils avaient concocté un plan bien calculé et qui
allait s'avérer payant.
Partis de leur base d'Alexandrie ou ayant décollé de leurs
porte-avions, une vague composée de : 10 Fulmars, 10 Albacores, 12
Blenheims, 6 Beauforts, 6 Beaufighters foncent vers Scarpento (eh oui
l'ami Serge avait prévu le coup mais ne l'avait pas suffisamment paré
!).
Le 1er coup avait été porté par les Germano-ltaliens, le second va être
le fait des Anglais.
Sitôt arrivés sur l'ile, les appareils britanniques sont engagés
par la chasse allemande mais le combat est par trop inégal... Les
chasseurs allemands submergés se sacrifient mais sont vaincus, 6 ME-l10
et 5 ME-l09 sont abattus, les Britanniques perdent 2 Fulmars, 2
Albacores et 2 Blenheims.
Les 3 appareils restant aux Allemands s'abattront en mer, victimes
de la panne sèche ; car après le bombardement, la base de Scarpento n'a
pu les recueillir. C'est donc un total de l4 chasseurs qu'auront perdu
les Allemands. Mais cela n'est pas fini car il y a au sol, en train de
se ravitailler 18 Stukas.
Un déluge de bombes de tous calibres s'abat sur l'aérodrome de
Scarpento. En tout 54 bombes de 250 kg et 48 bombes de 100 kg dont la
plupart atteignent l'objectif. Au sol c'est la désolation, les Stukas
en cours de ravitaillement brûlent comme des torches, certains déjà
munis de leurs bombes explosent, ajoutant à la panique.
Voici indiqués ci-dessous les résultats du raid aérien fournis par
mon micro-ordinateur d'après les programmes que je vous indique dans
mes articles.
Les 31 points d'évaluation de l'objectif représentent : 9 points de
terrain + 18 points d'avions + 4 points pour la DCA.
Ont atteint l'objectif :
23 BB de 250 Kg
22 BB de 100 Kg
Les impacts de :
23 BB de 250 Kg
22 BB de 100 Kg
ont provoqué 23.65 points de dégâts sur l'objectif.
Evaluation de l'objectif : 31 points
Résultat du raid aérien :
13 avions incendiés sur pistes
0 avion détruit dans les hangars
3 points de dégâts DCA
7,65 points de dégâts sur installations.
A 7 h 50 les bombardiers britanniques regagnent leurs bases.
L'affaire a été très chaude pour les Allemands : 14 chasseurs et 13
Stukas perdus.
Cependant Serge n'a pas perdu son sang-froid. Dès le début du
combat aérien il avait demandé à ses chefs d'escadrille d'identifier
les groupes d'appareils engagés par les Anglais.
Apprenant que des avions embarqués participaient au bombardement de
Scarpento, Serge prenait deux décisions :
1°) Il faisait décoller une formation d'attaque composée de 12
RE-2000 et de 6 SM-79 (armés chacun de 2 torpilles de 450).
Les 6 avions torpilleurs partis de Naples à 1 h du matin s'étaient
posés sur la base de Tatoi. C'est de là qu'ils prennent l'air avec
l'ordre de mettre le cap sur Scarpento, puis de filer plein Sud.
Les 12 RE-2400, partis de Messine s'étaient posés à Eleusis après
le départ des 12 HE-111 qui participaient au raid sur Malte. Ces
chasseurs escortaient les avions torpilleurs, portant les espoirs de
Serge de découvrir rapidement le porte-avions anglais.
2°) La deuxième décision du commandement allemand
concernait un des 3 Arrados de reconnaissance qui, partis à 7 heures de
Scarpento suivaient leur plan de vol. En effet cet appareil se trouvait
en ce moment au Sud de l'ile. Il reçut comme instructions de suivre de
loin les appareils ennemis monomoteurs (c'est-à-dire les Fulmars et les
Albacores). Les Anglais qui n'étaient pas tranquilles faisant rentrer
les Fulmars à 450 Km/heure, il n'était pas question pour l'Arrado 196
de pouvoir les suivre ; par contre les Albacores, eux ne volant qu'à
260 Kms/heure se trouvaient exactement dans les possibilités de
poursuite du 196 volant à 300 Kms/heure. 0r les Anglais (surtout le
porte-avions) se trouvaient être dans une position beaucoup plus
vulnérable que ne l'espérait Serge. En effet, il n'y avait plus sur le
porte-avions aucune couverture aérienne. Seuls 6 Swordfishs restaient
inemployés dans les hangars. Un oubli qui va couter cher. Il y avait à
Alexandrie 24 chasseurs (12 Hurricanes et 12 Gladiators).
En début de partie, l'État-major anglais avait indiqué à l'arbitre
que tous ces appareils étaient en train de recevoir des crosses
d'appontage dont la base possédait un stock important. C'était
évidemment dans l'intention de les envoyer renforcer les effectifs
aériens du Formidable.
L'arbitre avait estimé qu'il fallait environ 3 heures pour que ce
travail relativement peu important pour un arsenal comme Alexandrie,
soit effectué. Et puis, dans le feu de l'action et la joie du succès
remporté sur l'ile de Scarpento, les Britanniques ont tout simplement
oublié de les faire décoller.
Laissons là, l'aviation, et voyons un peu ce qui se passait ailleurs.
En mer à 8 H
Un sous-marin italien qui rechargeait ses accus en surface
emplit soudain le périscope d'un commandant de submersible anglais (en
plongée périscopique) qui lui, n'en demandait pas tant ! Ceci se
passait au Sud-Ouest de la Crète. 2 torpilles lancées à une distance de
tir de 800 mètres réglèrent définitivement le sort des Italiens. Serge
se demanda pendant longtemps pourquoi ce sous-marin ne répondait plus
aux messages qui lui étaient adressés.
Une décision couteuse
Parallèlement à ces événements l'Amiral britannique prend la
décision d'envoyer son porte-avions vers le Nord pour recueillir
l'aviation embarquée.
Mais il ne le fait escorter que par deux croiseurs ! Le Suffolk et
le Southampton. Ce qui, compte tenu de l'absence de couverture
aérienne, présente un danger mortel pour le Formidable. En effet les 10
chasseurs Fairey Fulmar rescapés du raid sur Scarpento représentent un
groupe insuffisant pour assurer la protection du porte-avions. Pourquoi
ne pas le faire escorter par le croiseur anti-aérien et une meute de
destroyers ?
Pourquoi, surtout, ne pas faire décoller d'Alexandrie les
Hurricanes et les Gladiators. A 500 Km/heure les 12 Hurricanes seraient
vite là ! Cette décision incompréhensible va peser lourd sur la suite
des événements.
Embarquement à Heraklion
Dans le port de la capitale de l'ile, les Britanniques
profitant d'un répit momentané embarquent troupes et matériel sur 4
cargos. Un cargo de 5 000 tonnes avec 1 000 hommes à bord et 3 cargos
de 2 000 tonnes emportant chacun 1 000 tonnes de fret. A 1 heures ce
petit convoi a appareillé cap à l'Est, sans protection navale ni
couverture aérienne, il est certain qu'il n'ira pas loin.
Combat aérien sur Athènes
A la même heure un Sunderland qui survolait Le Pirée signale
par radio que le port est vide de tout bâtiment. Les Anglais
comprennent vite que le convoi de péniches allemand a pris la mer en
direction de la Crète. Le pilote du Sunderland signale que la chasse
allemande vient de l'engager.
En effet une patrouille de ME 109 qui couvrait la base de Tatoi
vient d’intervenir. En 3 minutes le Sunderland est descendu par les 3
ME-109 qui l’attaquaient.
Un coup de chance !
Aux environs de 1 h, un Arrado 196 en mission de patrouille
distingue soudain 3 longs sillages sur la mer. Descendant à 2000 mètres
il reconnait un porte-avion escorté de 2 bâtiments importants. Il
avertit aussitôt sa base. Le message est bien reçu (pion de loto : 23)
mais les croiseurs sont signalés comme étant « un cuirassé et un
croiseur lourd ».
Le loto 23 précise à l'arbitre de surévaluer les forces repérées.
Que va décider le commandement germano-italien ?
Comment les Britanniques vont-ils réagir à ce nouveau coup du sort ?
Vous le saurez en lisant le prochain numéro de Casus-Belli.
Jean Ricard