Pour cette fois, nous délaissons le soleil de Crète pour les
mers froides. Après la critique de Narvik - le jeu - dans CB 26, voici
Narvik, scénario pour Amirauté.
En aparté, Yves Jourdain réagit au compte rendu de partie des
numéros précédents, rejoignant ici certains courriers de lecteurs. Qui
prime, du jeu ou de l'histoire ? Une question qui pourrait susciter
quelques précisions sur les règles...
Tout le monde a entendu parler de Narvik. Ce petit port du Nord de
la Norvège donna lieu en avril 1940 à une chaude explication entre des
destroyers allemands qui venaient de débarquer les hommes du 139e
Gebirgsjäger Régiment appartenant à la 3e division alpine du général
Dietl, et des destroyers britannique sous les ordres du capitaine de
vaisseau Warbuton Lee.
N’ayant pu intercepter les navires allemands en pleine mer, les
Anglais n'hésitèrent pas à aller les attaquer au fond des fjords où ils
avaient trouvé refuge. Cependant il est certain que, si des mesures
élémentaires de protection avaient été prises par le kommodore Bonte,
ce désastre naval (qui coûta aux Allemands la moitié de leur
contre-torpilleur, 10 furent coulés à Narvik sur un effectif total
de22) aurait pu être évité ou, en tout cas, largement atténué.
Le Thème Amirauté qui vous est proposé est le suivant :
Nous sommes le mardi 9 Avril 1940 à 7 h du matin.
Les Allemands viennent d'envoyer par le fond les deux garde-côtes
cuirassés norvégiens (Eidsvold et Norge) qui protégeaient Narvik. A
cette heure la répartition des forces maritimes allemandes dans 3
secteurs (Zenker, Koe Liner, Giese) sont au fond de l'Herjangsfjord,
débarquant les troupes qui doivent s'emparer du dépôt d'armé situé non
loin de Bjerkvik.
3 autres bâtiments (Thiele, Von Amim et Heidkamp) sont accostés aux
quais de Narvik.
2 destroyers (Künne, Schmidt) se trouvent dans le Ballangenfjord.
2 destroyers (Von Roeder, Ludemann) dans le Rembaks fjord.
5 cargos anglais mouillés devant Narvik sont en train d'être occupés
par des équipages de prise.
2 cargos allemands (Lippe et un cargo minéralier) se sont mis aux
ordres du kommodore Bonte.
Enfin deux U-Bootes (U-25 et U-51) sont en sentinelles dans l'Ofot
fjord à la hauteur du pharede Tranoï.
Est également présent dans le port de Narvik, le ravitailleur allemand
Jan Wellen bansportant 3000 t de mazout.
Les contre-torpilleurs allemands ont besoin de se ravitailler en
combustible (délai de ravitaillement 3 heures par bâtiment).
Ils peuvent se ravitailler deux par deux accostés au Jan Wellen.
Caractéristiques des bâtiments allemands
Contre-Torpilleurs
2.200 tonnes, Dim. : 123 x 12 x 4.5.
Armement : 5 x 127,4 x 37 AA, 6 x 20 AA, 8 tubes LT de 533.
Les contre-torpilleurs peuvent également emporter 60 mines.
Pour cette mission elles ont été débarquées.
SM U-25
860 tonnes, Dim : 73 m.
Vitesse : 17.8 en surface (8 nœuds en plongée).
Armement : 6 tubes LT de 533 (4 av., 2 arr.), 14 torpilles ; 1 x 105 +
1 x 20 AA.
SM U-51
750 tonnes, Dim : 70 x 6 x 5.
Vitesse : 17 nœuds en surface, 8 nœuds en plongée.
Armement : 5 tubes LT (4av. + 1arr.), 12torpilles ; 1 x 88 + 2 x 20 AA.
Sur les 5 cargos britanniques capturés il y a sur chacun des bâtiments
2 canons de 102 approvisionnés à 30 coups par pièce.
Les premiers Britanniques arrivent
Le 9 Avril à 19 heures la flottille de destroyers du commodore
Warbuton-Lee arrive en vue du phare de Tranoï. Elle est composée des 5
destroyers de la 2e flottille :Hardy, Havock, Hostile, Unter et Hospur
Caractéristiques :
1360 tonnes (Hardv : 1530 t).
Dim : 98 x 9.9 x 2.65 (Hardy : 102 x 10 x 2.7).
Vitesse : 36 nœuds.
Armement : 4 x 1 20 (5 sur le Hardy), 8 x mitrailleuses AA, 8 tubes LT
de 533.
A ce moment-là les joueurs du camp anglais auront le choix entre 2
solutions :
- Suivre le déroulement historique, c'est à dire attaquer les
navires allemands.
- Attendre les renforts en bloquant l'entrée de l'Ofot fjord.
L'escadre anglaise de renfort
Le 10 Avril à 18 heures la 20e flottille de destroyers arrive
en vue de Tranoi. Elle est composée des destroyers : Bedouin, Eskimo.
Punjabi, Icarus, Kimberley.
Le 13 à 06 h arriveront les derniers renforts britanniques : le
cuirassé Warspite, destroyers Cossack, Hero, Foxhound et Forester.
Renforts allemands
Durant cette période les Allemands ne peuvent être renforcés
que par le U-64 (classe IX B) qui arrivera devant Tranoï à 20 heures,
le 10 Avril.
Caractéristiques de I'U-64 :
1068 tonnes - Dim. : 76 x 6.7 x 4.70.
Vitesse : 18 nœuds en surface, 7 nœuds en plongée.
Armement : 6 tubes LT de 533 (4av., 2arr.) 22torpilles, 1 x 105 + 1 x
37 AA + 2 Mt AA de 20.
Le transport ravitailleur Rauenfels doit arriver dans
l'Ofoffjord le 10 Avril aux environs de 5 heures. Il est chargé de
torpilles de rechange pour destroyers et sous-marins, de carburant et
d'une batterie côtière de 150.
Il transporte également une batterie de 4 x 88 AA et de 16 x 37 AA.
Dans ce jeu les amateurs de combats navals seront satisfaits.
En effet, aucune intervention aérienne ne peut avoir lieu. Seul, sera
utilisé un avion (Walrus) embarqué sur le Warspite.
La disproportion des forces entre Anglais et Allemands au bénéfice
des Britanniques n'est guère qu'apparente car les contre-torpilleurs et
sous-marins allemands peuvent mettre à profit les nombreux fjords pour
tendre des embuscades meurtrières aux Anglais. De plus les Britanniques
devront automatiquement prendre l'initiative des opérations et ne
peuvent se contenter de bloquer les navires allemands. En effet, un
blocus britannique ne peut être envisagé car, au bout d'une quinzaine
de jour, l'aviation allemande va disposer de terrains lui permettant de
soutenir efficacement les défenseurs de Narvik. Et les navires
britanniques devront se retirer devant la pression exercée par la
Luftwaffe.
Caractéristiques des navires anglais arrivant en renfort
Cuirassé Warspite :
31.000 tonnes. Dim. : 1 96 x 32 x 9.7, Taille 1, Points : 66, Vitesse :
24 nœuds.
Armement : 8 x 381 (32.000m), 8 x 152 (14.700m), 8 x 102 AA (12.500 m),
16 x 40 M, 8 x MT AA.
Un avion à bord (Walrus).
Destroyers (type Tribal) : Bedouin, Eskimo, Cossak, Punjabi.
2500 tonnes à pleine charge. Dim. : 109 x 11 x 4. Taille 4. Points 2.1.
Vitesse: 36 nœuds.
Armement : 8 x 1 20 (18.000 m) en 4 tourelles doubles, 4 x 40 AA (1
affut quadruple), 8 x MT M de 72.7 ,4 x TLT de 533.
Destroyers (Type K) : Kimberley ; (Type F) : Foxhound, Forester;
(Type I) : Icarus; (Type H); Hero.
Vitesse : 36 nœuds, Dim. : 98 x 10 x 2.6, Taille : 4, Points : 1.4.
Armement : 4 x 120 (18.000 m), 8 MT AA, 8 x TLT de 533.
Météo
Lever du soleil 5 h, coucher : 19 heure.
Visibilité de jour : Les 9 et 10 Avril, en mer : 25.000 mètres. Temps
très mauvais. En dehors des fjords : mer force 8.
Visibilité de nuit : les 9 et 10 Avril à l'intérieur des fjords sous
les averses de neige = 400 mètres. En mer : 1.000 mètres.
On considèrera qu'à partir de Tranoï la mer est calme à l'intérieur des
fjords entourant Narvik.
Nuit du 10 au 11 Avril à partir de minuit : visibilité 18.000 m.
Météo du 11 Avril : Temps dégagé, mer forte force 5 à 6.
Visibilité de jour : 35.000 mètres, de nuit 15.000 mètres.
Même type de temps pour les jours suivants.
Le but de la partie
Les navires allemands ayant rempli leur mission doivent essayer de
regagner leur base.
Il appartient aux Britanniques d'essayer de les en empêcher.
Mais les Allemands doivent tout faire pour que le transport
Rauenfels arrive sain et sauf à Narvik car il transporte du
ravitaillement et du matériel indispensable aux troupes d'occupation.
Si les Allemands ont plus de 50 % de pertes (5 destroyers et 2
cargos par exemple) il y aura match nul si les Britanniques ont, eux
aussi au moins 6 destroyers coulés.
L'arbitre devra tenir compte en fin de partie du fait que les
Allemands ont un besoin vital de récupérer leurs contre-torpilleur
alors que les Britanniques peuvent se permettre d'en perdre 6 ou 8 sans
conséquence sérieuses pour la Navy. Par contre si le Warspite est coulé
cela aura des répercussions importantes sur le plan de la propagande,
et sur le moral de la population anglaise.
Donc objectif pour les Allemands : sauver les contretorpilleurs et
couler le Warspite.
Objectif des Britanniques : faire en sorte que Narvik devienne le
tombeau des contretorpilleurs allemands.
Joueurs d'Amirauté, bonne chasé et joyeux combats !
J. Ricard
Quand le bateau fait... oh !
Avertissement
Les
extraits qui vont suivre sont une Œuvre de pure imagination; toute
ressemblance avec des événements passés est rigoureusement impossible.
Il n'en va pas de même avec les personnes...
- samedi 11 mai, 17 h 30...
« Cette fois, je le
tiens ; je lui mets sur le dos très exactement 52 avions torpilleurs,
en 4 vagues... La D.C.A. ? Bof, aucun problème, j'ai tout prévu ; j'ai
sournoisement glissé une trentaine d'hydravions de reconnaissance au
milieu d'eux, histoire, mathématiquement parlant, de faire baisser le
pourcentage des pertes, (et puis au moins, ils m'auront servi à quelque
chose...). Ah ! Les voilà... Va être surpris le coco... Aïe. Il a formé
un écran avec ses destroyers, (pas si C.. qu'il en a l'air, çui-là...)
passerait pas une feuille de papier à cigarettes ; tant pis,
faut-y-aller ! ».
- 15 minutes d'angoisse (et de maths) plus tard...
«
4e et dernière vague, plus de destroyers, sont tous allés au fond (ça
leur apprendra à ne coûter que l,5 pts, non mais...) ; au tour du
porte-avion cette fois, ah ! Mais le lâche, le vicieux, le censuré ! Il
fait faire de l'aquaplaning à ses hydravions pout intercepter mes
torpilles !... C'est plus gue je n’en peux supporter... Dieu-arbitre, à
moi ! Au vol, scandale, c'est pas du jeu, pouce, je ne joue plus, je...
Comment ?! Rien ne l'interdit dans la règle ?... Mais... Ah, oui. Le
coup des hydravions de reconnaissance... Oui, bien sûr, mais... Bon, ça
va, je m'incline...
J'ai l'esprit sportif moi, Monsieur... (T’en
fais pas bonhomme, le prochain coup je vais faire « kamikaze » à tout
ce qui vole ; après tout, la règle ne l'interdit pas, non mais !...) ».
Le fond du problème (de maths)
C'est
vrai, la règle ne l'interdit pas, elle n'interdit rien d'ailleurs, du
moment que l'on reste dans les limites mathématiques...
Déjà, dans les wargames « traditionnels », le ludique le
disputait toujours à l'historique, à l'avantage du premier nommé,
essentiellement pour des raisons commerciales, parce qu'un jeu dit «
équilibré » se vend mieux qu'un autre qui n'est pas reconnu comme tel.
(On avait déjà le jeu d'échecs, merci). Avec Amirauté, la confrontation
des deux tendances atteint son paroxysme !
Avant
d'aller plus loin dans mes propos, je tiens à préciser que je ne fais
le procès de qui ou de quoi que ce soit. Je ne fais qu'exprimer mon
avis.
Carton jaune (à l'arbitre)
Pour éviter
qu'une partie d'Amirauté ne se transforme en « interro » de maths, ou
pire, en un match de D & D (ou peu s'en faut), l'arbitre se doit de
faire en sorte que le train reste sur ses rails. C'est à dire qu'il
doit connaître le sujet à fond sur le plan historique; car enfin, une
simulation digne de ce nom doit coller au maximum à la réalité.
Prendre une machine à calculer et s'en servir, tout le monde
peut le faire, et laisser une partie d'Amirauté se limiter à des
additions et autres multiplications, c'est bien dommage et ce n'est
certainement pas ce que souhaitait le Dr Bois.
Et l'équilibre ? Parlons-en ! J’ai horreur des parties dites «
équilibrées ». Quel intérêt y-a-t ‘il à mettre approximativement le
même nombre de navires et d'avions dans les deux camps ?
On avait déjà le jeu de dadas, merci). Simplement pour pouvoir
dire, « j'ai gagné », la conscience tranquille ?! Là aussi, c'est bien
dommage, car une simulation n'est pas un jeu.
On avait déjà le Monopoly, merci). Qu'on arrive à me dénicher,
dans les livres d'histoire, un affrontement aéronaval « équilibré »?!
Le paradoxe, dans tout ça, c'est que si l'on part d'un scénario
historique, les règles d'Amirauté prises de façon intrinsèque, créent
un déséquilibre qui éloigne un peu plus de la réalité.
Je ne veux que pour exemple les scénarios de Mare Nostrum. Le
Dr Bois, c'est tout à son honneur, a certainement effectué des
recherches approfondies pour nous donner des scénarios historiques,
dans leurs moindres détails.
Seulement voilà, les règles proposées donnent l'avantage, très
nettement, au camp italien, dans la plupart des cas. De même, pour
Mers-El-Kébir, le camp français est certain d'infliger des dégâts
importants au camp anglais. Alors que dans la réalité, les Italiens
n'ont jamais remporté un engagement naval de quelque importance, et les
Français n'ont pas mis un seul coup au but sur les cuirassés anglais.
Qu'est-ce à dire ? Qu'il vaut mieux laisser de côté les
scénarios historiques ? Pas du tout, ce sont tout simplement les règles
qu'il faut, je ne dis pas modifier, mais adapter.
C'est donc à (mort) l'arbitre (!) et aux joueurs aussi
d'ailleurs, de restituer les possibilités de chacun dans
l'environnement de l'époque choisie. Je vais prendre comme exemple le
scénario Pearl Harbor auquel j'ai eu l'insigne honneur de Participer.
Outre le fait que l'on connaisse exactement le potentiel de chacun,
mais ça, c'est un autre problème, il m'a semblé
irréaliste de :
- Jouer la partie sur plus de 24 h fictives.
- Accorder la même valeur, ou presque, aux Zéro et aux P40.
- Voir les sous-marins japonais se balader tranquillement en
surface et en plein jour.
- Voir les destroyers se faire pulvériser, serrés comme des
sardines, pour former des écrans.
- Voir les PBY se promener avec des torpilles.
- Voir des affrontements aériens par paquet de 50 ou 100
avions.
- Tenir la comptabilité des pertes adverses au compte-gouttes.
Etc...
Si l'on avait voulu serrer à la réalité, tous ces points auraient été à
supprimer ou à revoir.
Maintenant, si la partie avait été censée se dérouler en 1914, les
points 2 et 5 devenaient crédibles.
Prenons
maintenant le compte-rendu de la Crète 1941 ; je connais Monsieur
Ricard, et j'ai beaucoup d'estime pour lui, comme j'apprécie les
compléments techniques qu'il a apportés (si, après ça il prend la
mouche...) ; mais j'imagine que certains ont dû faire la grimace en
voyant un sous-marin italien couler deux croiseurs britanniques et
endommager gravement un troisième, d'un seul coup. Quand on sait que,
de l'aveu des Italiens eux-mêmes, l'influence de leurs sous-marins sur
les événements en Méditerranée a été quasi-nulle... Avec un sous-marin
allemand, je pense que le coup n'aurait pas été possible non plus, mais
la pilule serait mieux passée. Un sous-marin italien ou japonais, ça ne
valait pas un sous-marin anglais, américain ou allemand...
En décembre 1941 et jusqu'au milieu de 1942, aucun appareil allié ne
pouvait tenir tête à un Zéro...
Donc,
de grâce, assez de fantaisies, faisons de la simulation, pas des
mathématiques. Je vais arrêter là pour aujourd'hui, le temps de laisser
à un matheux l'occasion de river son clou à l'historien (amateur) que
je suis.
Mais, je compte bien, exemples à l'appui, approfondir quelques aspects
de la question, dans un prochain numéro.
Sans rancune,
Yves Jourdain
|