Un scénario pour un groupe de quatre Investigateurs perspicaces
(bien sûr) parmi lesquels il serait préférable qu'il y ait un artiste
peintre.
Introduction
Cette fois ci, c'est l'un des Investigateurs qui va avoir
recours aux services de ses petits camarades. En effet, cela va faire
maintenant deux semaines que son frère (ou son cousin ou son meilleur
ami), peintre de son état, a disparu. Ce ne serait pas bien grave, le
jeune artiste étant de nature fantasque, si l'Investigateur inquiet
n'était allé jeter un coup d'œil chez le peintre et n'avait découvert
un bien étonnant carnet de croquis. Ce qui frappe l'observateur des
esquisses, c'est un progressif mais incontestable changement de style.
Le début se complaît dans un figuratif pompier (sans vouloir vexer
l'Investigateur parent du peintre, c'est très mauvais) pour finir par
un symbolisme torturé où des volutes de couleurs aquatiques et
glaciales s'opposent violemment à des fonds solaires éclatants.
Le propre de nos Investigateurs étant un irrémédiable fond de
paranoïa, notre parent affolé y pressenties pires choses… Il faut bien
dire que l'impression dégagée par les croquis de la fin du carnet est
loin d'être la sérénité.
Une fois la première excitation passée, l'Investigateur qui a fait
appel à ses amis, leur apprend que Georges (c'est le nom du peintre) a
été accepté, il y a un petit mois de cela, à l'Atelier des Arts
appliqués. Cela représentait un tournant très important dans sa
carrière, le début de la reconnaissance, enfin, c'est ce que Georges
lui avait dit. Il n'a pas réussi à en savoir plus, si ce n'est que
l'atelier se trouvait dans le XIe arrondissement, et que c'est un riche
mécène qui finance l'opération.
En cherchant un peu dans les milieux « branchés » du Paris des
années vingt, les Investigateurs pourront trouver les informations
suivantes : le mécène s'appelle René-Xavier de Chanterlaut, c'est
effectivement un richissime rentier.
Les Ateliers, quant à eux, se trouvent au 12 rue Poppincourt.
- Ce que le Gardien doit savoir
René-Xavier de Chanterlaut est un puissant sorcier voué à Yog·Sothoth.
C'est aussi un être très inventif et féru d'art.
Aussi
a-t-il imaginé pour allier ses deux « passe-temps » de concocter un
Appel en utilisant les « arcanes » des arts. Ce fut un travail
difficile et complexe mais rien ne peut résister à sa terrible
intelligence : l'Appel va avoir lieu deux jours et une nuit après le
début de l'enquête des Investigateurs, c'est-à-dire à partir du moment
où l'un d'eux va contacter ses camarades.
Vous pouvez choisir la
date qui vous convienne mieux afin de faire évoluer vos joueurs dans un
Paris des années vingt chauffé à blanc sous le soleil d'août, transi en
hiver, changeant au printemps ou à l'automne. C'est selon votre humeur,
après tout vous êtes le Gardien !
Il entreprit donc, une fois son
travail préparatoire terminé, de rassembler dix-sept artistes : quatre
peintres, quatre sculpteurs, quatre musiciens et cinq danseurs. Du
tableau immense (4 mètres sur 4) exécuté par ses peintres sur ses
instructions doit sortir l'Essence de Yog-Sothoth qui ira « s'incarner
» dans la gigantesque statue produite par les sculpteurs. Les sons
lancinants émis par les musiciens accompagneront des danses millénaires
et indicibles effectuées par quatre des danseurs. La cinquième étant
destinée à l'indispensable sacrifice humain. Beau spectacle en vérité
mais dont la fin n'a rien d'heureux !
Depuis donc maintenant six
mois, il a établi ses artistes dans un ancien atelier de Poppincourt
(voir ci-dessous). Ces derniers travaillent beaucoup. Leur « adhésion »
au projet se fait en douceur. Les matières premières (peintures,
pierre, partitions, chorégraphie) sont très spéciales.
Outre le fait
qu'elles participent dans leur essence même à l'Appel, elles ont un
effet hallucinogène sur les artistes qui se trouvent au bout d'un
certain temps complètement liés à leur maître, René-Xavier de
Chanterlaut.
L'Atelier
Il est donc situé en plein Poppincourt, un quartier « chaud »,
très populaire et qui abrite à cette époque une importante activité
textile. Les rues sont étroites, encombrées, les gens ne s'expriment
qu'en hurlant, les petites échoppes qui débordent sur les trottoirs
participent à la stimulante « pagaille » qui préside dans ce coin très
pittoresque de Paris. Les grandes portes en bois uni dissimulent de
vastes cours dans lesquelles ont été construit des sortes de petits
cabanons en bois et en vitre où travaillent les couseuses. C'est l'un
de ces ateliers qui a été racheté par René-Xavier de Chanterlaut et
qu'il a fait transformer en atelier d'artistes (voir le plan
ci-dessous), Son humour impayable l'a amené à le baptiser Atelier
d'Arts appliqués, appliqués à ses œuvres malfaisantes, bien sûr !
Quand les Investigateurs arrivent devant le 12 de la rue
Poppincourt, ils constatent que la porte est fermée alors qu'en journée
tous les ateliers textiles sont ouverts.
De plus, devant ladite porte, stationnent deux hommes de corpulence
impressionnante.
Ils sont très méfiants, incorruptibles et il leur faut de bonnes
raisons pour laisser entrer les Investigateurs. Mais encore là, les
choses ne se passent pas aussi facilement qu'on pourrait l'espérer.
L'un d'eux entre en premier, laissant les Investigateurs dehors en
compagnie de son petit camarade de jeu pendant dix bonnes minutes. Puis
il revient et les laisse entrer, seuls. Ce qui frappe alors les
enquêteurs, c'est le calme olympien de cet atelier. Il y a une dizaine
de personnes qui passent de local en local et parmi elles Georges qui
reconnaît son parent et vient à sa rencontre, l'invitant à entrer dans
la maison des peintres. C'est vaste, lumineux et c'est apparemment
l'heure de la pose. On leur propose à boire et à manger, la sérénité
règne. Au fond de l'atelier, une énorme bâche recouvre ce qui semble
être un travail en cours. Aucune toile n'est visible, mais il y a des
tubes de peinture qui traînent. L'artiste peintre du groupe des
Investigateurs est vite intrigué par ces tubes et les couleurs qui en
dégoulinent.
Après un examen plus approfondi, il constate qu'il n'y a pas de
marque (ce qui est inhabituel) et que la consistance ainsi que le
pigment de la peinture lui sont totalement inconnus (pour les peintres
de l'atelier tout est parfaitement normal).
La question fatidique fuse : pourrait-on voir ce que vous faites
? Silence lourd. C'est hors de question, pas avant que cela soit fini.
Georges tente de détendre l'atmosphère et propose une visite.
Dans l'atelier des sculpteurs, même chose : il y a une bâche au fond de
la pièce principale et aucune œuvre n'est apparente.
Il est hors de question de soulever la bâche, les sculpteurs
peuvent même finir par être un peu agressifs. Chez les musiciens, les
instruments sont rangés, aucune partition n'est visible. (Note. Elles
ont été écrites par René-Xavier lui-même, qui est connu dans tout Paris
pour être un fin mélomane). Les Investigateurs n'entendront d'ailleurs
pas une seule note de musique. Quant aux danseurs, ils ne font rien
mais la chaleur ambiante de leur atelier peut laisser penser qu'ils se
sont arrêtés depuis peu. Il y a parmi eux, une superbe femme qui semble
être plus ou moins la responsable de l'ensemble de l'Atelier des Arts
appliqués. Elle est distante tout en restant aimable. Si
l'Investigateur exprime son inquiétude à l'égard de la « disparition »
de Georges, ce dernier explique que son travail l'occupe beaucoup. Il a
l'air sincère.
Aucun des artistes présents depuis plus d'une semaine dans
l'Atelier n'est capable de sortir longtemps et loin de cet endroit
(l'effet des « matières premières ».
Forcer l'un d'eux à le faire c'est provoquer sa mort s'il reste «
dehors » plus d'une ou deux heures. Un peu comme un poisson hors de son
eau, il semblera s'étouffer et mourra asphyxié.
Attention, il faut bien voir que les artistes sont des
marionnettes entre les mains de René-Xavier. Ils ne sont pas coupables
et il est aussi important pour les Investigateurs de « sauver » les
artistes que d'empêcher l'Appel. Les Investigateurs apprendront
également de la bouche de Georges qu'il a été choisi pour intégrer
l'Atelier parce que l'un des précédents peintres était mort et qu'il
fallait le remplacer pour « finir le projet dans les temps ».
Ils n'en sauront pas plus surtout que Mélina, la superbe danseuse, les
invitera, avec insistance, à repartir.
René-Xavier de Chanterlaut
C'est un rentier fortuné résidant au 15 boulevard de Courcelles
et qui a très bonne presse dans les milieux aisés du Paris du début du
siècle. Grand voyageur, il court sur lui quantités d'histoires toutes
plus rocambolesques les unes que les autres. Certaines mauvaises
langues disent même que c'est lui qui les entretient.
On peut facilement le rencontrer dans les endroits où il se passe
un événement artistique digne d'intérêt. Il n'est pas farouche et se
laisse approcher facilement. Si on lui parle de l'Atelier d'Arts
appliqués, il ne change pas de conversation et sort quelques belles
théories concernant la libération des artistes des contingences
matérielles pour leur permettre d'exprimer leur talent. Si les
Investigateurs se font trop insistants à ce sujet, il les aura à l'œil
et en référera aux deux sbires qui sont devant la porte. Les enquêteurs
deviendront alors personna non grata.
Notre René-Xavier est donc un sorcier puissant et ambitieux qui a
les moyens de sa politique. Si les Investigateurs fouillent chez lui
(possible s'ils ont eu l'intelligence de se renseigner sur son emploi
du temps; sinon il est là et vous pouvez entamer une autre partie), ils
découvriront quantités d'objets d'horizons diamétralement opposés et de
périodes lointaines (certains sont d'ailleurs très difficiles à dater
et à situer...) ainsi qu'un bureau regorgeant de papiers et de livres.
Parmi ces derniers, ils trouveront un livre écrit en arable (le
Necronomicon, un classique toujours indispensable), les Fragments de
G'harne ainsi qu'un journal manuscrit. Y sont répertoriées les
recherches effectuées pour arriver à appeler Yog-Sothoth par
l'entremise des Arts. L'écriture est tellement difficile à lire que les
enquêteurs ne comprendront pas le pourquoi du comment.
Pour cela il leur faut au moins quatre heures de travail. Mais
s'ils emportent le journal, René-Xavier le percevra immédiatement et la
chasse sera ouverte. A partir de ce moment-là le moindre faux pas des
Investigateurs sonnera leur fin.
Le voisinage
Classique mais de bon goût, les voisins sont une mine de renseignements
intarissable.
Surtout les mégères de cet arrondissement haut en couleurs qui ont
tout vu, tout entendu et qui en rajoutent beaucoup. Allez-y de bon cœur
cher Gardien, ne vous retenez pas. Et puis si il y a quelques
personnages de « la haute » dans le groupe (c'est-à-dire qui ont
simplement l'air un peu plus riches que les autres), monnayez «
grassement » vos renseignements. Au milieu de tout et de n'importe
quoi, les Investigateurs pourront cependant apprendre les choses
suivantes :
- Les artistes se sont installés il y a environ six mois.
- On a livré des pierres énormes.
- Ils ne sortent jamais, on leur apporte leur nourriture (que des
aliments de riches), leur peinture et tout le reste.
- La musique qu'ils jouent est bizarre mais on s'y fait, cela
devient même agréable à la longue.
- De
la fenêtre de l'un des voisins, on peut voir parfois les danseurs
s'exercer dehors : c'est étrange, saccadé, assez violent, les danseurs
semblent être dans un état second.
De plus, si les Investigateurs ont la bonne idée de faire le tour de la
cour (parce qu'ils ne pourront pas entrer une seconde fois dans
l'atelier, tout au moins pacifiquement. c'est-à-dire intelligemment),
voire de se faire aider par un petit gars du coin (qui arrondira ainsi
sa difficile fin de mois), ils trouveront un accès un peu malaisé (il y
a un mur un peu bancal à grimper) qui les mènera derrière la maison des
sculpteurs. Si la discrétion est leur compagne de prédilection, ils
pourront ainsi voir ce qui se passe en temps normal : la peinture est
découverte et laisse apparaître un magma fascinant de couleurs glacées
et brûlantes se mêlant pour donner naissance à une vapeur ondoyante et
hypnotique. La sculpture haute et massive représente un monstre
effrayant qui incarne dans son immobilité précaire la plus infâme des
cruautés. Il semble qu'il y ait un emplacement vide au niveau du cœur.
La musique est lancinante, répétitive, pénétrante. Les danses sont très
loin des normes de l'Opéra et la chorégraphe en est de toute évidence
Mélina.
Envie d'essayer…
Si les Investigateurs veulent introduire leur camarade peintre
dans l'Atelier, il s'avère que c'est impossible, car comme dit Mélina «
nous sommes le bon nombre ». Mais en tant que Gardien, vous pouvez
choisir de faire disparaître l'un des peintres en place pour permettre
à l'un des personnages de noyauter l'organisation. Mais c'est un cadeau
empoisonné car l'Investigateur, « acteur » retardataire de l'Appel, va
être en une journée conditionné par Mélina elle-même (hypnose). Il
pourra cependant dire à ses camarades, avant de devenir intouchable et
de ne plus pouvoir sortir de l'Atelier, quand aura lieu l'Appel, qu'il
manque encore de la peinture et de la pierre pour « la touche du maître
» sans savoir ce que cela veut dire.
Après, le peintre se retournera contre ses camarades comme s'il ne
les avait jamais connus. Cela pourra mettre la puce à l'oreille des
Investigateurs : il n'y a pas de raison que les autres artistes ne
soient pas innocents également.
En observant et en furetant
Deux activités qui sont propres à tous les enquêteurs. Tout
d'abord la peinture. Il faut espérer que les Investigateurs en auront
subtilisé un tube (oh, les vilains). En faisant le tour des coloristes,
ils auront la confirmation que cette peinture n'est pas répertoriée.
Par contre le fabricant du tube, lui, l'est. Donc les Investigateurs
peuvent remonter jusqu'à lui. Avec un peu de bagout et beaucoup de
doigté (mais ce sont vos joueurs donc vous ne pouvez pas en douter),
ils apprendront auprès du producteur de tube, que cette peinture lui
est fournie par Jean Batin (qui a pour adresse une poste restante) et
qui lui paie généreusement (par courrier) tout le dérangement causé par
la mise en place d'une si petite production. Il sera plus difficile
d'obtenir l'information selon laquelle une dernière livraison est
prévue pour le soir qui annonce la nuit de l'Appel. La peinture à
traiter et à mettre dans le tube (car elle est bruie à l'arrivée) sera
livrée (par coursier) le matin. Si les Investigateurs posent des
questions sur la nature de la peinture, il leur sera répondu qu'elle
est effectivement inhabituelle. « Mais vous savez, de nos jours tout
est possible » le débat sera alors clos sans espoir de réouverture.
Quant au dit jean Batin, il n'y a aucune possibilité de rentrer en
contact avec lui. Développant une paranoïa hors norme, il a organisé
tout un réseau complexe d'intermédiaires qui le rend intouchable. Les
Investigateurs risquent de passer des heures à courir après une ombre
insaisissable. Si d'autres restent dans les environs de l'atelier
(c'est tout à fait faisable avec un minimum de discrétion car le
quartier est animé), ils verront en effet des gens livrer de la
nourriture mais aussi deux autres portefaix livrer un morceau de
pierre. Si la filature prend le pas sur l'observation, ceux qui auront
eu l'idée de suivre les livreurs de nourriture arriveront dans un
magasin d'alimentation assez huppé. Si ils peuvent jeter un coup d'œil
aux factures, ils verront que les courses livrées au 12 rue Poppincourt
sont payées par monsieur René-Xavier de Chanterlaut.
Cela n'a rien d'une révélation. Ceux qui par contre auront choisi
de suivre les livreurs de pierre auront intérêt à trouver un moyen de
locomotion rapide car ces derniers les amèneront en dehors de Paris, à
Vincennes. C'est encore la campagne à cette époque. Les livreurs
s'arrêteront devant une petite maison un peu sale d'où sortira un
vieillard aux yeux fous qui leur donnera de l'argent. Le petit vieux
s'appelle Gaspard (les habitants du coin pourront renseigner les
Investigateurs) et il a une assez mauvaise réputation.
C'est un acolyte passager de René-Xavier de Chanterlaut, qui a
bien l'intention de s'en débarrasser une fois l'affaire faite. C'est un
sorcier de bas étage qui possède peu de pouvoir mais qui « enchante »
les pierres pour les sculpteurs (à noter qu'il y a une petite carrière
de pierre pas très loin de là où il habite).
Comme Jean Batin, il a appris auprès de Chanterlaut ce sort tout à
fait inédit. Ce dernier a délégué ce travail fastidieux à deux « petits
sorciers » pour conserver intact tout son potentiel d'énergie magique
pour le moment fatidique de l'Appel. Pas folle la guêpe.
Gaspard est très peureux et pour le moment il a surtout peur de
René-Xavier. En restant du côté de sa maison, les Investigateurs le
verront sortir, entrer, sortir à nouveau, rentrer, sans raison
particulière, sursauter quand un volet claque, un chien aboie... il est
complètement sur les nerfs. Les enquêteurs pourront donc, sans aucun
problème, l'impressionner. Il ne dira cependant pas grand-chose. Il
montrera une pierre ayant vaguement la forme d'un cœur. « C'est la
dernière, celle du maître pour le Grand Soir », puis tombera raide
mort. Il a tellement peur des conséquences de son indiscrétion qu'il
est terrassé par une crise cardiaque. Sa folie a eu raison de lui.
Si certains sont allés rôder du côté de chez René-Xavier, ils
verront que Mélina se rend chez le mécène. Elle peut donc, elle, sortir
sans danger de l'Atelier.
Elle est même accompagnée par l'une des danseuses qui a l'air en pleine
forme.
Mélina est l'une des associés de René-Xavier (peut-être même plus)
et elle va lui présenter la future sacrifiée qui, sous hypnose
(pratiquée par Mélina), supporte pour un certain temps d'être éloignée
de ses très chers Ateliers.
La dernière touche : celle du maître
La situation est donc relativement simple, la nuit de l'Appel,
René-Xavier doit donner le dernier coup de pinceau et placer le cœur de
la Bête qui aura préalablement été enduit du sang d'une vierge,
c'est-à-dire de la cinquième danseuse que Mélina a gardé sous son aile.
L’idéal pour résoudre le problème consiste à remplacer le dernier
tube et/ou la pierre par des objets similaires mais totalement anodins.
Dans l'excitation du moment, René-Xavier ne s'en rendra pas compte. Il
prendra une grande palette, videra son tube, empoignera un pinceau et
gratifiera le tableau d'une dernière volute de couleur alors que la
musique commencera à monter vers le ciel. Mélina amènera à René-Xavier
l'une des danseuses alors que les autres commenceront à entamer leur
ronde désarticulée. Il prendra un grand couteau et égorgera la
malheureuse (interrompre la cérémonie à ce moment, c'est courir le
danger d'une mort inéluctable. Dur passage pour les Investigateurs...).
Il trempera la pierre dans le sang de la sacrifiée et le mettra à
l'emplacement vide de la statue qui trône, immense, en plein milieu de
la cour.
Puis il commencera une incantation. Mais il ne se passera rien...
Et plus le temps s'écoulera plus les peintres et les sculpteurs
sembleront sortir de leur hébétude, prendre conscience de la situation
en voyant la jeune femme égorgée, le spectacle affreux de leur œuvre,
l'homme qui psalmodie... A ce moment-là, il est possible d'intervenir
car les huit hommes qui se « réveillent » sautent sur René·Xavier
absorbé par son Appel qui ne « fonctionne » pas, perdant de seconde en
seconde, frénétiquement, toute son Energie. Mélina essayera
d'intervenir mais prendra rapidement l'option de la fuite. Une fois le
sorcier vaincu, les danseurs et les musiciens, eux aussi, reprendront
le dessus et tout rentrera dans l'ordre.
Si les Investigateurs ont préféré la méthode dite du « nettoyage
par le vide » soit en cassant tout (encore faut-il qu'ils en aient les
moyens car ils se retrouvent à dix-neuf, avec les deux gardiens dehors,
contre quatre) soit en faisant disparaître le tube et la pierre, le
problème n'ait que repoussé. En effet, ayant été mis au courant de la
perte de ses « composants » (les livraisons se faisant bien avant la
nuit fatidique), René-Xavier de Chanterlaut préférera fuir et
renouveler ailleurs son expérience, plutôt que de tout risquer.
Et enfin si les Investigateurs n'ont rien fait, Yog-Sothoth sera enfin
parmi nous et là ce sera une autre paire de manche...
Quelques nouveautés
Dans le scénario L’Atelier des Arts appliqués apparaissent une
compétence et un sort nouveaux. Voici des explications à leur sujet,
ainsi que quelques considérations ludiques qui vous permettront
d'agrémenter vos parties.
- Hypnose (00)
- Voici une compétence que vous
avez sans doute déjà dû utiliser de votre propre chef, mais qu'il est
bon de formuler ici. Cet « art » est long et difficile à apprendre.
Outre de la technique, il nécessite une bonne dose de « fluide » que
l'on pourra symboliser par la caractéristique POU. Il est donc
impossible de pratiquer avec succès l'hypnose avec une caractéristique
POU inférieure à 10. Pour plonger quelqu'un dans l'hypnose, il faut
faire un jet sur la table de résistance en opposant les POU des
protagonistes, en sachant que l'hypnotiseur à un bonus de 1 point par
tranche de 10% de compétence. Si la tentative réussit, l'hypnotisé se
retrouve dans un état de semi conscience, un stade intermédiaire entre
la réalité et le rêve, dans lequel il est tenu littéralement par
l'hypnotiseur qui peut l'amener où il veut, lui faire sentir, lui faire
apprendre, lui faire dire ce qu'il veut.
Cela dure jusqu'à ce que l'hypnotiseur décide de rompre le contact.
-
-
- Enchanter la matière
- Ce
sortilège puissant permet de créer une sorte de lien entre la victime
et une personne désignée par le sorcier qui lance le sort. Il en coûte
au moins 10 points de magie au sorcier (qui peut en investir plus pour
être plus efficace) et 2 points de SAN. Cela ne nécessite aucune
composante particulière mais un assez long travail incantatoire qui
épuise physiquement le lanceur de sort. Les effets sont simples, la
victime doit manipuler régulièrement l'objet dont la matière a été
enchantée (dans le cas du scénario, les peintres et les sculpteurs
travaillaient tous les jours avec les objets pervertis). Pour que le
lien s'établisse de façon efficace, il faut qu'à la première heure
passée à manipuler la matière un jet sur la table de résistance soit
effectué, opposant le POU de la victime au nombre de points de pouvoir
utilisés pour l'enchantement. Ensuite, d'heure en heure le jet est
renouvelé si le contact avec la matière continue en ajoutant par heure
un point au nombre de points de pouvoir précédent. Ainsi si le contact
avec la matière incriminée est constant, le lien se fait très
rapidement. On a pu voir également dans ce scénario que « la mise en
laisse » pouvait se faire par l'intermédiaire de la musique et de la
danse. En effet, la nature même des mélodies et de la chorégraphie peut
être assimilée à un enchantement de la matière plus insinuatif, plus
long avant d'être efficace, mais tout aussi « liant ». Dans ce cas,
c'est le POU du créateur de la musique ou du chorégraphe, augmenté
d'heure en d'heure, qui est à opposer à celui de la victime. Le lien se
brise à partir du moment où le sorcier faiblit (comme lorsque de
Chanterlaut s'épuise à lancer son Appel qui échoue) ou meurt. La
victime aura l'impression d'avoir dormi pendant tout le temps de sa «
captivité ».
Et maintenant quelque chose de complètement différent
Comme vous avez pu le constater, l'Appel que voulait effectuer
notre mécène préféré René-Xavier de Chanterlaut prenait des chemins
différents de la classique incantation au fond des bois sur fond de
massacre à la tronçonneuse. Ainsi utiliser les arts pour faire venir à
soi une entité donne une autre dimension aux activités de nos amis les
sorciers. Mais on peut imaginer encore bien d'autres moyens détournés.
Il suffit de partir du principe que le vecteur de l'appel se doit
simplement d'être riche en possibilités, c'est-à-dire que son potentiel
d'énergie (qu'elle soit humaine, électrique, mystique...) paraissent
suffisant pour permettre de titiller Cthulhu (et les autres) sous les
ailes.
Prenons donc quelques exemples pour illustrer ce propos. Pour le
contexte des années vingt, il est tout à fait possible de faire tourner
l'appel autour de l'électricité et de ses centres de production. Cette
nouvelle forme d'énergie fait encore suffisamment fantasmer les gens de
l'époque pour être génératrice des pires calamités.
Un peu plus tard, on peut détourner de sa fonction principale un
de ces vastes champs de pétrole américain où des milliers de pompes en
forme d'énormes sauterelles grinçantes puisent à un rythme régulier
l'or noir sur fond de désert. Il suffit de mettre au point un plan
ingénieux : désynchroniser certaines pompes, en arrêter d'autres, en
couvrir certaines de signes malsains... Quelques disparitions et le
soleil ensanglanté se couche sur une scène surréaliste et maléfique à
souhait.
Encore plus proche dans le temps, l'informatique en tant que telle
et les systèmes de réseaux internationaux, voire la matrice plus tard,
peuvent également offrir des perspectives ludiques très intéressantes.
Mais tout ceci ne sont que des exemples et il y en a bien
d'autres. Pensez-y, cela ne fera que renouveler toujours plus le
plaisir de jouer à l'appel de Cthulhu. Ce serait dommage de s'en priver
!