Je crois que les gens vont acheter un tas de ces voitures à essence
déclara un américain un beau jour de 1904. Il ne se trompait pas, mais
il était sans doute loin d’imaginer l’ampleur du boom automobile que
devaient connaître les Etats Unis au cours des Années Vingt. Un
phénomène que les Investigateurs de L’Appel de Cthulhu ne sauraient
ignorer...
QUELQUES CHIFFRES
En 1900, la production automobile américaine était de 4000 véhicules
par an. En 1921, elle est de 1 500 000, et atteint le chiffre de 4 700
000 en i 929. D’ailleurs, au cours des Années Vingt, le chiffre record
de 20 000 000 d’immatriculations sera vite dépassé. Et si en 1926, seul
un américain sur dix a sa propre auto, ce rapport passe à un sur six en
moins de trois ans! Ces chiffres traduisent plus qu’un engouement
irrésistible pour les ‘voitures sans chevaux”, ils annoncent
l’avènement d’une nouvelle civilisation. Car, comme le disait un
hu-moriste célèbre à l’époque: “Monsieur Ford, il faudra cent ans pour
savoir si vous nous avez aidés ou nui, mais en tout cas vous ne nous
avez pas laissés comme vous nous avez trouvés...”
LA CIVILISATION AUTOMOBILE
Avant que les voitures ne deviennent populaires, les américains étaient
extrêmement dépendants de leur lieu de travail et s’installaient
toujours à proximité de leur usine, de leur bureau ou de leur magasin.
Avec l’automobile, ils découvrent une nouvelle indépendance. Très vite,
des services de cars relient les villes entre elles et les taxis -
remplaçant les calèches - commencent à sillonner les rues des
agglomérations.
Tout le monde veut son propre véhicule! A tel point que certaines
familles n’hésitent pas à s’endetter pour s’acheter une voiture, comme
le voisin. Car l’automobile est autant un signe de classe, qu’un moyen
de transport pratique. Même les paysans, qui jusqu’alors hésitaient à
employer leurs chariots inconfortables pour se déplacer, sont touchés
par le virus. Lors d’une enquête, une paysanne a laquelle on demandait
pourquoi sa famille possédait une voiture, mais pas de baignoire,
répondit: On ne peut pas aller en ville en baignoire.
LES ROUTES DES ANNEES VINGT
Le paysage américain est profondément bouleversé par l’explosion des
ventes d’automobiles. Le réseau routier se trouve modifié du tout au
tout. En 1930 on compte plus de 1 60 000 kilomètres de voies pavées en
dehors des villes (il n’y en avait que 1 200 en 1909), sans compter les
routes bitumées. La moindre ville, le moindre village, tient à
présenter des voies de circulation impeccablement lisses à ses
visiteurs mo-torisés. Ce qui ne veut pas dire que les chemins de terre
ont complètement disparu, en tout cas, on ne les trouve pratiquement
plus que dans les campagnes reculées. Le développement du réseau
routier est une question de fierté nationale
Les déserts et les montagnes ne sont plus des obstacles
infranchissables: ce sont des raccourcis. On a creusé des tunnels,
tracés des autoroutes à plusieurs voies et tendu des ponts au-dessus
des précipices.
Face à un tel développement, les stations-services se sont multipliées.
La première s’est ouverte en 1913, quinze ans plus tard, il y en a déjà
plus de i 20 000. Mais elles ne constituent qu’un aspect secondaire du
remue-ménage commercial provoqué par l’auto-mobile. De nouveaux
commerces (hôtels, restaurants, etc.) s’installent au bord des routes
et, vers la fin des Années Vingt, les premiers panneaux publicitaires
font leur apparition...
L’AUTOMOBILISTE AMERICAIN
“Un permis de conduire ? Qu’est-ce que c’est ?“ En effet, il n’est pas
nécessaire de passer un quelconque examen pour pouvoir piloter une
automobile. Ce n’est que vers 1925, que certains états décident
d’instaurer un “permis” pour limiter le nombre grandissant des
acci-dents de la route. A l’époque, la chaussée est le domaine
privilégié des conducteurs du dimanche. Certains ne dépassent jamais
les i 5 kilomètres heures, d’autres n’ont pas encore compris qu’il vaut
mieux rouler à droite.
Bref, les routes ne sont pas sûres!
Et puis, on découvre les premiers embouteillages. Car la voiture permet
enfin aux classes moyennes de goûter un loisir qui n’était réservé
qu’aux riches jusqu’alors: les vacances. Aussi, dès qu’il y a un jour
de congé, les routes se couvrent de cohortes de véhicules et par-fois,
il y a des ralentissements... Mais, ce qui caractérise le plus
l’automobiliste de l’époque, c’est une certaine bonhommie et un sens
développé de l’entraide. On s’arrête volontiers pour discuter avec un
condisciple, ou pour l’aider à changer une roue.
UN VASTE CHOIX DE MODELES
Le marché se partage entre deux constructeurs principaux: Ford et la
General Motors, un consortium qui regroupe un grand nombre de marques
comme Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick ou Cadillac. D’autres
firmes moins célèbres proposent aussi quelques modèles prestigieux.
Parmi elles, on peut citer Nash, Packard et Hupmobile. On trouve même
des engins pour le moins curieux, tels que la Martin-Scootmobile à
trois roues ou la Doble à vapeur qui pour 12 000 $ pouvait parcourir
1500 miles avec 100 litres d’eau ! Mais avant de présenter quelques
modèles typiques des Années Vingt, il faut rendre hommage à un véhicule
qui symbolisé à lui seul l’automobile de l’époque...
FORD T FOREVER !
C’est en 1908 qu’Henry Ford commercialise son premier modèle T, une
voiture qui sera construite jusqu’en 1927 et vendue à quinze millions
d’exemplaires. S’il fallait résumer en trois mots cette merveille de la
technologie du début du siècle, on pourrait dire qu’elle était
bruyante, inconfortable, mais indestructible
Voiture économique par excellence, elle vaut au départ 1000 $, mais ce
prix chute à 290 $ au cours des années vingt. Soucieux de réduire les
coûts au maximum, Ford n’utilise que le noir - la peinture la moins
chère - pour la carrosserie. Quand on lui reproche cette uniformité, il
réplique: Vous pouvez commander n’importe quelle couleur, pourvu
qu’elle soit noire”. C’est son extrême robustesse qui fait la
popularité de la Ford T. La petite « Tin Lizzie » (Lisette en
ferraille) est effectivement construite entièrement en acier et peut
résister aux pires épreuves. Son moteur à quatre cylindres développant
une puissance de 24 CV est même souvent utilisé par les paysans pour
actionner des pompes ou des treuils. Sa technologie simple encourage
les bricoleurs dans l’âme et les publicités qui vantent la Ford T
précisent que les petites réparations peuvent se faire avec des
épingles à cheveux, de la ficelle ou du chewing-gum (+ 20 % en
Mécanique pour les réparations dans L’Appel de Cthulhu).
Pour mieux juger de ses performances, installons-nous à son volant, si
vous le voulez bien. Il faut la conduire délicatement, car avec ses
trois pédales et son levier à trois positions, elle se montre parfois
capricieuse et son radiateur déborde souvent. Sa suspension n’est pas
très efficace, mais la Ford T s’accommode bien de tous les terrains,
même les plus difficiles. Maintenant, appuyons un peu sur
l’accélérateur. Le moteur fait un bruit épouvantable, les tôles de
carrosserie s’entrechoquent gaiement et interdisent toute conversation;
on a nettement l’impression que ce ‘machin” va exploser d’un instant à
l’autre. Accélérons encore... Ça-y-est, les embruns routiers fouettent
sauvagement notre visage (ses utilisateurs ne disaient-ils pas: “C’est
une voiture dans le vent.., à tous les points de vue”) et nous avons
atteint la vitesse maximum 63 km/h. Quelle gri-serie !
SOME TYPICAL CARS
Voici, présentées brièvement, quelques-unes des concurrentes de la Ford
T:
- Chevrolet Baby Grand” type 490. Une solide torpédo 4 places conçue
spécialement pour battre sur son propre terrain le célèbre modèle
d’Henry Ford. Prix: 550 $. Vitesse: 70 km/h.
- Chevrolet Capitol (1927). Quatre cylindres en ligne pour une
cylindrée de 2780 cm3. La “Capitol” n’avait pas de frein sur les roues
avant, ce qui pouvait être... ennuyeux. Prix: 800 $. Vitesse: 80 km/h.
- Oldsmobile 6 cylindres (1919). Moteur à soupapes en tête de 18,9 CV.
Ce “Sedan” est tout à fait représentatif des voitures de l’époque.
Prix: 1 695 $. Vitesse : 50 km/h.
- Pierce-Arrow (191 9). Cette voiture de grand luxe développait une
puissance de 75 CV. Prix: 6000 $. Vitesse: 100 km/h.
- Stutz Bearcat (1914). Une excellente voiture de sport dont la vitesse
était légendaire. Attention, elle n’a que deux places. Prix: 2000$.
Vitesse: 130 km/h.
Faites votre choix et bonne route!
LES POURSUITES
Suggestions de régies pour L’Appel de Cthuihu
Les quelques propositions qui suivent peuvent contribuer à rendre plus
vivantes les poursuites en voiture dans l’Appel de Cthulhu. Elles
compliquent notablement les régies et sont évidemment tout à fait
optionnelles.
Détermination de la distance entre les poursuivants: si vous ne
connaissez pas la distance qui sépare les deux véhicules, lancez 1 D6
et multipliez le résultat par 50 mètres (au-delà de 300 m, une
poursuite est pratiquement impossible, surtout en ville).
La chasse : une poursuite se décompose en plusieurs phases successives.
A chaque phase, les conducteurs effectuent un jet en Conduire
Automobile. Si les deux pilotes réussissent ce jet, la distance entre
les véhicules n’est pas modifiée. Si le poursuivant seul réussit son
jet, il réduit de 50 mètres cette distance. Si le poursuivi seul
réussit, il l’augmente de 50 mètres.
La vitesse si les deux véhicules n’ont pas la même vitesse de pointe,
pour chaque km/h de différence, réduisez de 1 % la compétence Conduire
Automobile du pilote de la voiture la plus lente.
Prise de risques: à chaque phase, un pilote peut décider de prendre des
risques pour augmenter temporairement sa compétence en conduite. Il
peut ainsi majorer son pourcentage de réussite - le maximum possible
est 30 % - mais il augmentera d’autant ses chances d’avoir un accident
(voir ci-dessous).
Accident : si le jet de dés d’un conducteur (auquel est éventuellement
ajouté le pourcentage de risques) atteint ou dépasse 100, la voiture a
un accident. Ex: Harvey Walters poursuit une voiture dans les rues de
Chicago. Il a normalement 25 % en Conduire Automobile, mais décide de
prendre 20 % de risques, ce qui fait passer sa compétence à 45% pour
cette phase. Il lance les dés de pourcentage et obtient un score de 82.
Non seulement il ne réduit pas la distance qui le sépare de son
adversaire (82 est supérieur à 45), mais en plus il a un accident (82
plus 20 est supérieur à 100). Son auto sort de la route et va percuter
un lampadaire!
Dommages accidentels: divisez par 10 la vitesse de la voiture au moment
de l’accident (ne tenez pas compte des fractions). Divisez encore ce
chiffre par 4. Le résultat ainsi obtenu indique le nombre de D6
(minimum un) de dégâts que prend chaque passager. Un jet de Chance
réussi permet de diviser ces dégâts par 2.
N’hésitez pas à rajouter des événements imprévus (enfant qui traverse
brutalement la rue, policier qui siffle) en cours de poursuite et
demandez aux conducteurs de faire des jets de compétences. Le suspense
n’en sera que plus grand !