Scénario prévu pour un petit
groupe de personnages relativement expérimentés. Il serait souhaitable
qu'il y ait un ou plusieurs volants dans l'équipe.
Un mot avant de commencer Vous risquez d'avoir besoin d'une
bonne dose d'imagination et de salive pour rendre cet épisode
intéressant si vos joueurs sont des maniaques du « scénario à tout prix
» (et où il est, le méchant? c'est pas normal, ça fait trois jours
qu'il ne se passe rien »). Parce que, justement, il ne s'y passe que
peu de choses, à part des occasions de jouer son rôle... Vous voilà
donc prévenus.
Première partie Paris, an 142(?)
Introduction historique
Nous sommes entre 1420 et 1430. Depuis le début du siècle, la
France est très mal en point. La guerre de Cent Ans traine depuis déjà
huit décennies, et ce sont les Anglais qui gagnent. Ils occupent un bon
tiers du pays, avec le Nord, la région parisienne, la Normandie,
l'Aquitaine... Cela fait bien l'affaire du duc Philippe de Bourgogne,
qui contrôle une vaste principauté qu'il gouverne à sa guise.
Charles VI, le roi fou, est mort en octobre 1422, quelques
semaines après son vainqueur, Henry V. Ce dernier avait forcé Charles à
l'adopter et à le proclamer son héritier. Ses droits au trône de France
reviennent à son fils, le tout jeune Henry VI, à peine âgé de quelques
mois. Le gouvernement du royaume de France et d’Angleterre échoit à ses
oncles, les ducs de Bedford el Gloucester. Le premier se consacrera à
la France... Quant à l'ex-dauphin, l'héritier légitime, il est tenu par
tous pour quantité négligeable. Il est très jeune, sans vraie
expérience politique, sans charisme et sans argent Ses capitaines le
trahissent, ses ministres le maintiennent dans une minorité qui
s'éternise... Bref, le « roi de Bourges » parait très mal. Evidemment,
la donne changera à la fin de la décennie, mais nous n'en sommes pas
encore là.
Et maintenant, vous pouvez oublier tout le paragraphe
précédent, qui était surtout là pour vous fixer les idées en termes «
modernes ». Les contemporains ne voient pas nécessairement la situation
de celte façon. Par la force des choses, leur vision est beaucoup plus
terre à terre, dépourvue du recul que donne la connaissance de
l'avenir, et brouillée par des facteurs personnels, la guerre avec les
Anglais est un mal récurrent, bien sûr, mais coupé de suffisamment de
trêves pour que le commun des mortels n'ait pas l'impression de vivre à
la fin d'un siècle de conflit...
Quant à la haute politique, il s'en moque. Tout le monde est
beaucoup plus préoccupé par la hausse des prix, des variations du
climat qui se répercutent tragiquement sur les récoltes, des allées et
venues des bandes de pillards, etc. A Paris, où commence ce scénario,
la population vient de connaître un quart de siècle de tumulte,
d'émeutes, de sièges et de famine. Université et bourgeoisie sont
passés avec armes et bagages dans le camp du duc de Bourgogne, qui a eu
l'intelligence de se présenter comme un modéré. Et dans la mesure où
pour l'instant, il soutient les Anglais, Paris les accueille. Le petit
Henry VI a été couronné roi de France et d'Angleterre à Notre-Dame,
Bedford réside en ville une partie de l'année. Quant à celui qui sera
bientôt Charles le Victorieux, il n'est pour l'instant que « le
soi-disant dauphin », responsable officiel de tous les maux du royaume.
Et la Caravane, dans tout ça ?
Le moins que l'on puisse dire est qu'elle a connu des temps
meilleurs. La vie est très dure pour des baladins itinérants, quand ils
doivent partager les routes avec des meutes de soldats au chômage qui
vivent sur le pays. Dans les villages, la réaction à l'arrivée
d'étrangers est fort simple: tout le monde s'enferme ou court se cacher
dans les bois. Il est difficile d'assurer un spectacle quand le public
n'est pas volontaire ! Et même quand ils reviennent et comprennent Que
ces étranger-là, au moins, ne tueront personne, ils n'ont rien à donner
en échange. Oh, bien sûr, ils apprécient, ils remercient, ils oublient
pour un moment que la mort se promène librement sur Terre, mais la
reconnaissance ne nourrit pas son homme... ou son garou.
De guerre lasse, le Veneur a annoncé que la Caravane allait
passer l'été, et peut être la fin de l'année, dans la région de Paris,
la vie n'y est pas plus sûre, mais entre les foires et les fêtes
religieuses ou profanes, il y aura peut-être du travail. Bien entendu,
l'Initié s'est chargé de bien faire entrer dans la tête de tous qu'il
fallait être particulièrement prudent. Les auberges sont nombreuses, le
vin abondant et bon marché... et une imprudence pourrait avoir des
conséquences fatales pour tout le monde. Bref, depuis quelques
semaines, la Caravane est installée à l'intérieur des remparts de la
ville, dans une vaste zone en friche au nord-est de la cité, entre le
Temple de ce qui ne S'appelle pas encore le Marais (voir plans page
68). Profitez de cette période de calme pour planter le décor,
présenter quelques PNJ d'ambiance et vous amuser un peu. Pour des gens
habitués à se déplacer sans cesse à travers la campagne, Paris
représente un incroyable dépaysement. La ville est tout simplement trop
énorme pour être compréhensible. Des quartiers entiers sont dépeuplés
et tombent doucement en ruine. Mais à côté de ces zones mortes se
trouvent des coins grouillants de vie el d'animation, où l'on
construit. Il y a des dizaines d'églises, le Palais, les forteresses
royales du Louvre et de la Bastille... el d'autres attractions moins
gaies, comme l'immense « danse macabre » du cimetières des Innocents,
ou le gibet de Montfaucon.
Voici quatre petits problèmes que vous pourriez poser à vos
questeurs, histoire de les garder en alerte. Le dernier est le seul à
avoir une véritable importance. Utilisez les autres pour « l'enrober ».
- Une pittoresque bande de crapules arrive à la Caravane, et
exige de parler au « chef ». Ils représentent une truanderie voisine et
vont tenter un racket très classique, avec chantage à la protection.
Une démonstration de force serait une bonne solution, à condition
qu'elle n'ait rien d'anormal. Après tout, une douzaine de questeurs
costauds avec des bâtons, ça devrait pouvoir se trouver.
- Un noble engage la troupe. Il marie sa fille et veut un
numéro dont les invités se souviendront. Il aimerait assez un ours
opposé à quatre chiens dans un combat à mort. Il a beaucoup de mal à
comprendre le sens du mot « non » (je comprends que vous ne vouliez pas
perdre votre ours. Mais je vous en payerai un autre, ce n'est pas un
problème.).
- Une bande de jeunes étudiants en provenance de l'Université
(un quartier à part qui couvre presque toute la rive gauche, et qui
dispose de ses propres autorités) assiste à un spectacle. L'un d'eux
décide de séduire Louise, une novice. Même s'il n'est pas spécialement
violent ou dangereux, il est très importun.
- Un accident ou une bagarre. Rien de grave, plutôt quelque
chose d'idiot. Deux rodeurs avec des couteaux, un chariot qui verse...
mais il faut qu'il y a ait au moins un mort, un novice du nom de
Xavier. Il laisse une femme, Catherine, et un enfant très jeune, Yves.
La veuve est très choquée, d'autant plus que son fils a presque atteint
l’âge où il faut songer à se séparer des enfants. C'est le genre de
situation où l'on a bien besoin d'une présence amie. Catherine se
laissera réconforter, paraitra reprendre le dessus... Nous verrons
bientôt ce qu'il en a été.
Une surprise !
Et de taille ! Un matin, vers la mi-août, Pierre, un membre
récent de la Caravane, réveille tout le monde à l'aube, très excité.
Une seconde troupe est en train de s'installer sur un autre terrain,
hors des murs. Et ils sont pour le moins étranges, eux aussi, la
nouvelle est totalement inattendue (dans les jours précédents, des
représentants de ces gens avaient pris contact avec le prévôt, et
obtenu l'autorisation de séjourner là. Mais la nouvelle ne s'est guère
ébruitée). Ses descriptions paraissent légèrement incohérentes, et en
tout cas parfaitement incroyables. Des gens noirs / Aussi nombreux que
nous ? Et dans des chariots presque identiques / Cela mériterait une
visite, non? Le Veneur est absent, et l'Initié ne s'y oppose pas. Et
c'est donc dévorés par la curiosité que les personnages partent à la
découverte... des premiers Tsiganes arrivés en France ! Les questeurs
sont loin d'être les seuls touristes, soit dit en passant. Le terrain
de la Chapelle-St-Denis va recevoir énormément de visiteurs, dans les
semaines qui viennent.
Les nouveaux venus sont
effectivement un peu plus d'une centaine. Ils ont des chariots qui
ressemblent beaucoup à ceux de la Caravane, tirés par des chevaux
étiques et des bœufs à peine en meilleure forme. Mais la ressemblance
ne va pas plus loin, les gens ont effectivement le teint sombre, les
hommes portent des anneaux d'or ou d'argent aux oreilles. Quant aux
femmes, beaucoup présentent des tatouages sur le visage, leurs
vêtements sont simples, encore plus que ceux des personnages. Il n'y a
pas trace d'animaux savants, à part les habituels chiens et chats. En
revanche, ils jonglent, chantent et dansent fort bien. Une bonne partie
ne parle pas un mot de français. Par contre, ils ont tous quelques
notions d'allemand. Qui sait, il est possible qu'au cours d'une visite
dans l'est, les gens de la Caravane aient appris de quoi soutenir une
conversation simple ? L’ennui est que les nouveaux arrivés ne semblent
pas très désireux de bavarder avec des gadjos. Du moins tant qu'ils
ignorent que ces derniers sont aussi des gens du voyage... Il suffira
de peu de chose pour les dégeler. Se joindre à un numéro, ou en
commencer un de leur cru fera l'affaire. Cela dit, ils resteront
méfiants et réservés. Une attitude qui doit rappeler quelque chose à
nos saltimbanques, non ? Si ce ne sont pas les PJ qui prennent
l'initiative de rompre la glace, ce sera Pierre.
Les jours qui suivent sont consacrés à une prise de contact
incertaine, mais prometteuse..., jusqu'à un certain point, l'Initié a
dû insister encore une fois: prudence ! Quant aux Tsiganes, ils se
ferment complètement dès qu'il est question de leur vie passée, de leur
religion, de leurs coutumes… Inutile de jouer en détail les trois
semaines qui vont suivre, mais vous pouvez quand même vous attarder sur
quelques scènes, quitte à les séparer par un « et quelques jours plus
tard... ». Essayez au moins de placer tout ce qui suit.
- les conversations avec Feren, un jeune homme fasciné par la
Caravane sont particulièrement instructives. Il cherche surtout à
comprendre le monde des sédentaires, mais se sent en sympathie avec ces
curieux gadjos qui courent les routes.
- De nouvelles visites à leur camp permettront de comprendre
comment ils ont survécu jusqu'ici. Ce sont certes de bons artistes,
mais l'essentiel de leurs revenus vient de la bonne aventure, les
femmes semblent toutes savoir lire les lignes de la main... moyennant
finances, s'entend. Quant aux époux et aux enfants, ils font
d'excellents pickpockets. Ils n'y mettent pas de malice, d'ailleurs. Il
faut bien vivre.
- Dans le même ordre d'idée, ils sont plus prompts à la
violence que la plupart des gens. Après tout, ils vivent dans un monde
très dur et qui ne veut pas d'eux. S'il y a des bagarres avec des
péquenots ivres, cela risque de mal se terminer... pour tout le monde,
eux compris. Les hommes du guet ne sont pas beaucoup plus fins que nos
flics modernes, et ils ont déjà tendance à poser l'équation « gitans =
coupables ». Et comme les malheureux ne comprennent pas en quoi le fait
de tuer quelqu'un qui les avait insultés peut leur valoir autre chose
que des félicitations, ils vont avoir besoin d'aide... Sans mettre la
Caravane en péril, bien entendu.
- Mentionnez en passant que le chagrin de Catherine semble se tasser,
les Tsiganes ont fait diversion.
- Ne vous gênez pas pour inventer une galerie de portraits
hauts en couleurs. Vieille sorcière hargneuse, jeune fille méfiante et
jalousement gardée par des frères au couteau facile, mais si belle !,
ancêtres radotant près du feu, gamins consumés de curiosité... les
clichés et les stéréotypes ont un avantage pour ce genre de personnes,
ils les « posent » tout de suite. Donnez-vous quand même un peu de mal
pour les animer, leur donner un peu de vie…
- II y a gros à parier que nos chers questeurs vont passer un
temps infini à essayer de s'assurer qu'il n'y a pas de garous chez
leurs voisins. Ils auront beau élaborer des ruses mirobolantes et se
donner beaucoup de mal pour les mettre en pratique, ils n'auront pas de
réponse nette. A priori non, bien sûr, mais qui sait ? Après tout, ils
pourraient fort bien être tous sous forme humaine. Et ils n'ont rien
qui ressemble à un Veneur, mais est-ce significatif ? (leur troupe est
dirigée par un nommé Farrej, qui porte pour les sédentaires le titre de
« comte d’Égypte »). Disons-le tout net: pour moi, la réponse est non,
pas de garous chez les Tsiganes. Cela dit, faites ce que bon vous
semble...
La poursuite
Elle dépend complètement des animaux de vos questeurs, les plus
pratiques sont bien entendu les rapaces (et vivent les reconnaissances
aériennes !) ou un chien (un convoi d'une centaine de personnes, cela
laisse des traces assez faciles à pister, l'odeur ne sera pas dissipée
en 24 heures). Les gros prédateurs, et particulièrement les loups, sont
déconseillés: le coin est assez peuplé pour qu'ils se retrouvent assez
vite du mauvais côté d'une fourche, les faubourgs sont rapidement
traversés. Viennent ensuite les champs, ponctués çà et là de fermes ou
de petits villages. De nuit, c'est charmant. De jour, les cicatrices de
la guerre sont clairement visibles. La région qui s'étend à l'ouest de
Paris a été prise et reprise, puis pillée et ravagée par à peu près
tout le monde... Les Tsiganes sont assez faciles à suivre. Ils sont
lents, et ne cherchent pas à se cacher. Leur caravane est paisiblement
rangée à la lisière d'une petite forêt. Bien entendu, il y a des
guetteurs. Il faudrait être fou pour ne pas en placer, par les temps
qui courent.
Catherine est 1à, bien entendu. Elle partage un chariot avec
trois autres filles célibataires, et Yves. De jour, elle participe aux
corvées habituelles, et passe beaucoup de temps avec les anciens. Aux
PJ de décider de l'approche. S'ils ont du culot et des vêtements (ce
qui n'est pas dit s'ils viennent de faire les recherches sous forme
animale), ils peuvent parfaitement sortir de l'ombre, s'installer près
du feu et demander à lui parler. On les salue comme si leur présence
était totalement normale, et on va la chercher. Sinon, ils peuvent lui
envoyer un émissaire discret. Il n'aura aucun mal à la trouver. Le
problème sera plutôt de l'approcher à un moment où elle sera seule.
L'explication
D'une façon ou d'une autre, les personnages arriveront à
trouver un moyen de communiquer avec elle. Il est évident qu'elle n'a
pas été enlevée. Ils pourraient légitimement tourner les talons et
rentrer chez eux. Mais ils préféreront sans doute avoir une
explication. Elle ne demande pas mieux. Selon la quantité de sottises
qu'ils auront commises, le cadre et le ton pourront changer (des PJ
encerclés par les hommes du clan, couteaux brandis, à une discussion au
calme, au plus profond de la forêt).
« Je ne reviens pas avec vous. Je perds peut-être beaucoup
de choses, mais je ne veux pas le savoir, je garde mon enfant. Dites ce
que voulez de ces gens, mais ils ne m'obligent pas à le livrer aux
fauves, eux ! Ils m'acceptent sans poser de questions. Il n'y a rien
qui me retient chez vous. Xavier est mort, je suis seule avec Yves et
je veux le voir grandir. Et puis, je me sens bien ici. Il n'y a pas de
mystères, pas de questions sans réponses, pas de Veneur ! Je n'en veux
plus, de ce vieux fou et de ses secrets ! Allez lui dire tout cela de
ma part, et que je ne revoie plus jamais aucun d'entre vous ! Adieu ! »
Les PJ sont sans doute des Chevaliers relativement avancés
dans leur initiation. Ils savent que forcément, d'ici un siècle ou deux
au plus tard, sa route croisera à nouveau celle de la Caravane. Mais
ils ne peuvent pas lui dire. Pas plus qu'ils ne peuvent lui dire que
Xavier reviendra, tôt ou tard, S'ils essayent de procéder par
allusions, cela la rendra encore plus furieuse, Il ne leur reste plus
qu'à s'incliner et à rentrer à la Caravane. Si par hasard vous étiez
tombé sur un groupe obtus qui déciderait de la ramener contre sa
volonté, vous n'avez pas de chance ! Eux non plus. Ils vont être
poursuivis par tous les Tsiganes. Et une fois de retour à la Caravane,
Catherine répétera son petit discours au Veneur. Il la laissera partir,
bien sûr. Il ne reprochera rien aux personnages. Mais il aura un de ces
regards de pitié qui font plus mal qu'une engueulade de l'Initié...
Une possibilité cruelle
(Dont vous auriez tort de vous priver…). Tout cela
aura beaucoup plus d'impact si Catherine n'est pas un simple PNJ créé
pour l'occasion. Le scénario sera plus crédible et plus efficace si les
joueurs vivent ce déchirement « en direct », si vous avez une joueuse
qui vous paraît de taille à relever le défi, et qui accepte de rester à
l'écart de la caravane pour un certain temps, confiez lui le rôle.
Sinon, faites-en un PNJ, présentez là au groupe une ou deux aventures à
l'avance, arrangez-vous pour qu'elle épouse un des personnages ou au
moins un PNJ connu... et veillez, sans trop tricher, à ce que ce
dernier soit « en voyage » pour ce premier épisode. Il rejoindra la
Caravane dans l'intervalle, recommencera son initiation, retrouvera ses
souvenirs et... nous verrons la suite plus tard,
Si vous vous y prenez bien, ce scénario gagnera beaucoup en
profondeur et en émotion. Mais si vous sentez que la sauce ne prend
pas, et que vos joueurs ne s'impliquent pas suffisamment, tant pis ! Ne
les forcez pas à mimer des émotions qu'ils n'éprouvent pas. Il n'y a
rien de plus désagréable
Fondu enchaîné
Vingt ans s'écoulent. Ne me regardez pas avec ces yeux
exorbités ! La suite va venir, en temps et en heure. En attendant, la
Caravane va avoir beaucoup d'autres préoccupations, et vos questeurs
également. Franchement, vous n'allez pas laisser passer tout ce temps
sans leur faire jouer quelques scénarios, non ? Surtout que nous sommes
à l'une des périodes les plus intéressantes de l'Histoire de France.
Rien qu'avec le cas Jeanne d'Arc, il y a de quoi travailler... Et puis,
il y a bien d'autres personnalités intéressantes, sur lesquelles cela
vaudra la peine de se pencher. Gilles de Rais est l'exemple le plus
évident, mais la haute noblesse de l'époque présente quelques autres
cas de caractères mémorables. le plus fascinant reste encore les
campagnes, les petits châteaux, les bourgs... bref tout ce qui fait le
quotidien de la Caravane. Le plus amusant à observer risque d'être le
revirement qui fera du jour au lendemain du « soi-disant dauphin » le
roi de France dans l'esprit de ses sujets.
Deuxième partie - Normandie, an 144(?)
Promiscuité
Les Anglais sont partis. Il ne leur reste plus qu'une
petite Aquitaine, Calais et des pans de Normandie. Ils achèvent de
perdre cette dernière province en 1449. Les pillards, bandits et autres
routiers se tiennent à peu près tranquilles... En cette belle année
1448, le Veneur a décidé que la Caravane suivrait la route du Grand
Pardon du mont St-Michel. Le Mont est resté fidèle au roi même aux
pires moments de la guerre, et saint Michel est le protecteur du
royaume. Bref, c'est le pèlerinage le plus couru de France, drainant
des centaines de personnes d'un bout à l'autre du pays. Il y a de quoi
faire les réserves indispensables pour passer l'hiver. La campagne est
magnifique en ce début septembre, les villages sont prospères, les
fermiers accueillants. Bref, cela va trop bien pour durer... et
effectivement, au bout de quelques jours les tristes spectacles
reprennent. Il y a à nouveau des pendus aux arbres, des maisons brûlées
et des récoltes dévastées. D'après les survivants, un fort parti de
routiers anglais erre, cherchant à faire le plus de mal possible. Les
évaluations de leur nombre varient, mais ils sont au minimum une
cinquantaine. Autrement dit, suffisamment nombreux pour menacer
sérieusement la Caravane, Du coup, celle-ci s'arrête quelques jours à
l'abri derrière les solides remparts de St-Gildas, un gros bourg où
leur spectacle trouve un accueil sympathique.
Laissez planer la menace des pillards pendant quelques jours.
De petits groupes de voyageurs détroussés arrivent de temps en temps,
heureux d'avoir eu la vie sauve. Le Veneur semble résolu à continuer.
Et justement, un groupe de pèlerins fort d'une soixantaine de
personnes, accompagné d'un petit contingent d'hommes d'armes, arrive en
ville. Le soir même, le Veneur demande l'avis de tous : (je connais les
règles aussi bien que vous, Nous ne devons pas mettre la Caravane en
danger en y mêlant des errants....Mais les circonstances sont
particulières... et les règles sont faites pour être transgressées en
Certaines occasions. Si nous les accompagnons, nous formerons un groupe
assez important pour ne plus craindre d'agression extérieure. Mais nous
nous mettons à la merci d'une imprudence de la part de l'un d'entre
nous. Bien entendu, je compte sur vous pour que cela n'arrive pas,
mais... je vous écoute ». Le débat sera houleux, et l'avis des PJ
écouté avec intérêt. En définitive, c'est la solution dangereuse qui
sera retenue. Les pèlerins sont d'accord. Ils partent le lendemain
matin. Avec eux, la Caravane et les divers isolés qui remplissaient les
auberges et qui n'attendaient qu'une telle occasion, la troupe compte
près de deux cents personnes, dont bon nombre de combattants entraînés.
Il faudrait être un routier singulièrement courageux pour s'attaquer à
une telle colonne. Le trajet ne durera qu'une petite semaine, au grand
soulagement de tous les questeurs. La plupart des nuits se passent à la
belle étoile. Quant aux journées, elles sont occupées par la résolution
des multiples problèmes logistiques que pose le déplacement d'une telle
foule. II faut que tout le monde marche au même rythme, en suivant un
itinéraire où les chariots puissent passer, que tout le monde ait à
manger, etc. Tout se déroule à merveille. La plupart des pèlerins
respectent le désir d'intimité des saltimbanques. Mais il reste
toujours un petit groupe de personnes trop curieuses pour leur propre
bien...
Les pèlerins
Voici quelques membres de la troupe. A vous de les présenter aux
personnages, et de les animer.
- Guillaume le Gris, 30 ans, sergent commandant de l'escorte.
Il a déjà quinze ans de guerre derrière lui. Il a alternativement
travaillé pour l'un et l'autre camp. Dans les périodes creuses, il fait
comme les autres: il pille ou joue au mercenaire, selon les occasions.
Ses hommes l'adorent. C'est un excellent professionnel. Il est
taciturne, mais désagréablement observateur. De plus, il s'est mis en
tête d'armer les hommes de la Caravane et d'en faire des guerriers...
- Paul, 62 ans. Un vieil homme qui se tient encore très
droit. Il reste muet sur son passé, mais à en juger d'après des
réflexions qui lui échappent parfois, c'était un militaire. Certains
disent même qu'il est sans doute noble. Quoi qu'il en soit, il fait le
trajet en chemise et pieds nus. Sa présence a un avantage pour la
Caravane: son ou ses crimes suscitent énormément de curiosité, et
détourne l'attention générale de certains étranges animaux savants...
- Michel le Nerra, 43 ans. Un marchand de draps, originaire
du Midi. Il est accompagné de sa femme Louise et de leur plus jeune
fils, Charles (6 ans; une vraie peste.) C'est un brave homme, mais il a
tendance à s'écouter parler. Il s'était promis il y a dix ans d'aller
au Mont, il tient parole.
- Dame Violette, 32 ans. Une fort belle veuve qui va prier
saint Michel de lui trouver rapidement un nouvel époux. Fidèle adepte
du précepte du Aide toi, le Ciel t'aidera, elle regarde tous les hommes
d'un œil intéressé. Comme de bien entendu, elle jettera son dévolu sur
l'un de nos questeurs. Comment l'éloigner sans lui faire de peine ! Et
si l'imprudent troubadour cède, comment lui faire comprendre qu'il ne
saurait être question de mariage ?
- Frère Jérôme et frère Sébastien. Une paire de moines
engoncés dans des frocs noirs. Physiquement, ils se ressemblent un peu
: ils sont aussi ordinaires l'un que l'autre. Mais là où le premier est
un individu paisible, heureux de voir chacun faire son salut comme bon
lui semble, le second est un parfait fanatique. Pour frère Sébastien,
on ne prie jamais assez souvent, ni assez longtemps. II s'indigne quand
on n'assiste pas aux messes qu'il donne tous les matins avant le
départ. Il fulmine contre les « tièdes » qui ne communient qu'une fois
par an (le minimum fixé par l'Eglise). Quant aux confessions, elles ne
sont jamais assez sincères, ni assez publiques. Frère Jérôme a beaucoup
de mal à le calmer. Quant aux questeurs, frère Sébastien devrait les
terroriser. Il n'est pourtant pas si dangereux que ça. Il est tellement
occupé à lire sa Bible et composer mentalement de fort beaux sermons
sur l'Enfer qu'il serait presque possible de se transformer sous son
nez sans qu'il remarque quoi que ce soit. J’insiste : presque.
- Les autres pèlerins forment un groupe bigarré, allant du
hobereau originaire d'une province reculée au demi fou qui parle
quotidiennement à St-Michel, quand ce n'est pas à Jésus. Amusez-vous un
peu... De plus, de loin en loin, des nouveaux viennent se joindre au
groupe. A l'arrivée au Mont, le groupe a grossi d'une cinquantaine de
personnes supplémentaires. Soit dit en passant, les personnages doivent
guetter les bandits. Vous pouvez parfaitement sortir un faux pèlerin de
votre manche. Il se contentera d'espionner, et disparaîtra
tranquillement au bout de trois ou quatre jours. Que les questeurs le
repèrent ou pas, son rapport sera le même: ils sont trop nombreux pour
qu'une attaque soit possible.
Le Mont
L'Île rocheuse, au milieu de
la baie, est déjà un spectacle magnifique. Mais l'immense abbaye
accrochée au sommet en fait l'un des plus beaux monuments du monde. A
partir du moment où ils le verront dans le lointain, il faudra près
d'une demi-journée aux pèlerins pour arriver au bord de la mer. La
côte, presque déserte d'habitude, est couverte d'une véritable forêt de
tentes. La Merveille, l'immense hôtellerie de l'abbaye, n'a pas suffi
pour accueillir tout le monde. La Caravane quitte avec soulagement ses
encombrants compagnons, et se trouve un emplacement abrité, au milieu
des dunes. Le Veneur part vaquer à ses mystérieuses affaires. Il ne
reviendra pas avant la fin du scénario.
L'Initié s'arrange pour organiser plusieurs représentations.
Les pèlerins ont beau être en quête d'absolu, cela ne les empêche pas
d'apprécier les tours des saltimbanques. Un personnage attentif
pourrait repérer un jeune homme barbu, qui est au premier rang à toutes
les représentations. Réflexion faite, il était déjà parmi les pèlerins,
et il faisait partie des curieux qui tournaient autour de la Caravane.
D'ailleurs, il continue. Son petit manège se prolongera plusieurs
jours, de moins en moins discrètement, jusqu'à ce que les PJ y mettent
un terme. Il se laisse arrêter sans résistance. Il répond aux questions
très simplement. II prétend s'intéresser aux animaux depuis qu'il est
tout petit, et vouloir apprendre les tours de dressage. La plupart des
personnages ont un baratin tout prêt pour ce genre de problèmes, depuis
le temps, mais il reste toujours quelques distraits qu'il est possible
de prendre au dépourvu... Il paraîtra gober ce qu'on lui raconte, et
disparaîtra pour un jour ou deux.
Il est possible de profiter du répit pour achever le
pèlerinage. Des nuées de barques font la navette entre le Mont et le
camp des pèlerins. Il est malheureusement impossible de le décrire en
détail : un volume n'y suffirait pas. Si vous avez envie de faire faire
un peu de tourisme à vos joueurs, documentez-vous vous même. Le barbu
fera sans doute une ou deux apparitions, de loin. Il a l'air de
surveiller les personnages, mais la foule est assez dense pour lui
permettre de s'esquiver à chaque fois qu'ils veulent s'approcher de
lui.
Il reviendra à la Caravane assez vite. Cette fois, il cherche
à aborder un des personnages seul à seul, avec des mines de
conspirateur. Il a l'air tendu, nerveux, l'allure de quelqu'un qui va
brûler ses vaisseaux. « Je vous ai menti la dernière fois, dit-il.
J'aime les animaux, bien sûr. Mais ce sont les rêves. Je rêve que j'en
suis un. Un loup. Je cours dans la forêt, je chasse... le ne me
souviens pas bien, mais je sais que votre caravane a quelque chose à
voir avec eux... Et vos visages me disent quelque chose... »
Garou latent ou imposteur ? Voilà un problème délicat pour
vos joueurs. Le Veneur est le seul qui pourrait trancher d'un coup
d'œil, et il est absent. Quant à notre énigmatique barbu, il s'agit
bien entendu du petit Yves. Il a eu le temps de grandir. De grandir
chez les Tsiganes, auprès d'une mère qui a rejeté la Caravane... mais
qui ne vieillit toujours pas, et qui parait maintenant plus jeune que
lui. Il lui reste quelques souvenirs confus, ajoutés à quelques bribes
d'information que sa mère a laissé échapper de temps en temps. Et puis,
il l'a suivie, une nuit. Et il l'a vu se transformer. Il ne lui en a
rien dit. Il est assez intelligent pour avoir compris bien des
choses... et il est en train de tenter de s'infiltrer.
Nouvelle option cruelle
Xavier, son père, pourrait bien être tout juste revenu d'un
voyage. En pratique, cela signifie que vous aurez à truquer les dés,
mais quelle importance ? Par contre, pour une raison de cohérence
évidente, veillez à ce que Xavier n'ai pas plus de dix-huit ou dix-neuf
ans. Sinon, vous l’amèneriez à renaître... avant sa mort. Son fils et
lui se ressemblent. Orchestrez une ou deux confusions (de nuit, les PJ
prennent Xavier pour le mystérieux rôdeur barbu) et laissez l'idée
faire son chemin dans la tête de vos questeurs, Yves s'attend plus ou
moins à retrouver un père de son âge. Il sera sans doute beaucoup,
beaucoup moins surpris que Xavier. Si ce dernier est un PJ ne vous
gênez surtout pas pour mettre la rencontre en scène. Cela se passera
mal. Yves est agressif, résolu à savoir - pourquoi sa mère l’a-t-elle
quitté ! Ou pourquoi les a-t-il abandonnés ! Pourquoi ne
vieillissent-ils pas ? Etc. Réponses que Xavier ne peut lui donner,
sous peine de trahir ses amis... Si vous vous débrouillez bien, vous
n'aurez pas besoin de grand-chose pour que cela se termine par des
cris, voire des coups...
Sus à l'errant
La seule et très hypothétique possibilité qu'ont les questeurs
de s'assurer de la véracité de son histoire passe par la Chimère et le
Royaume du Rêve. Il devrait être possible, par exemple, de lui faire
rêver les scènes qu'il a décrit - une vie de loup. Et visiblement, il
ne réagit pas comme un loup. Mais vous devrez créer cet épisode sur
mesure, avec vos joueurs et en fonction d'eux. Que ce soit à cause de
cela ou d'une explication violente avec Xavier, Yves partira un matin.
Selon toute probabilité, il proférera un certain nombre de menaces à
haute et intelligible voix, qui démontrent clairement qu'il en sait
beaucoup trop. Après quoi, il s'éloigne... Si des personnages nerveux
essayent de l'attraper, arrangez-vous pour qu'il leur échappe (un petit
groupe de passants innocents vient faire écran, il arrive au village de
tentes ...). C'est une catastrophe de première grandeur : un errant qui
sait, en liberté et a priori plein de mauvaises intentions ! Les PI
peuvent décider d'agir d'eux-mêmes, S'ils sont un peu amorphes,
l'Initié leur demandera de le retrouver et de le convaincre de garder
le secret. A eux de jouer ! Xavier sera là, bien sûr,
Contrairement à celle d'il y vingt ans, cette poursuite-là
sera un vrai calvaire. Yves s'attend à être traqué par des créatures
dotées d'un excellent flair: aussi prend il grand soin de longer la
grève, avec : les pieds dans l'eau la plupart du temps. S'il a le
temps, il se rasera la barbe (ce qui le fait ressembler encore
davantage à Xavier). Il essaye de rester au milieu de groupes, pèlerins
sur le départ d'abord, villageois et pêcheurs ensuite. A condition de
faire vite, de se donner du mal et d'être ingénieux, il sera toutefois
possible de ne pas le perdre. Des PJ intelligents se renseigneront sur
l'éventuel passage dans la région d'une caravane de gitans... qui sont
justement passés voici peu. C'est le premier obfectif d'Yves. Il
l'atteindra très vite. Ils sont à moins d'une journée de marche du
Mont. Veillez à ce qu'il ait une certaine avance...
La traque
Tôt ou tard, la poursuite mène les questeurs au camp des
Tsiganes, les chariots n'ont pas changé, contrairement à leurs
occupants. Des gens que les personnages ont connus petits sont
maintenant dans la force de l'âge. Des adultes d'il y a vingt ans, il
en reste bien peu : une poignée d'anciens ravagés par la vieillesse.
Ils sont totalement fermés et hostiles. Pas parce que les PJ n'ont pas
vieilli, mais parce qu'ils sont à la poursuite de deux membres de la
tribu. Ceci dit, la loi du silence n'est jamais totalement appliquée.
Sur la centaine d'adultes que compte de groupe, il y en aura bien un ou
deux qui se souviendront avec émotion de celui ou celle qui l'a fait
sauter sur ses genoux, il y a bien longtemps. Il faudra plusieurs jours
pour renouer des liens d'amitié avec ceux-là, mais cela reste faisable.
Il ne leur restera plus qu'à faire comprendre qu'ils ne veulent aucun
mal à Yves pour obtenir un ou deux renseignements.
- Il est venu et reparti presque aussitôt
- Sa mère l'accompagne. Oui, elle est toujours des nôtres, et
elle n'a pas vieilli non plus. Ce doit être une puissante sorcière.
C'est une très brave femme, et nous la respectons.
- Ils ne savent pas où ils sont allés, Ils ont fait leurs
adieux comme s'ils partaient pour toujours... D'ailleurs, leur roulotte
est presque vide,
A partir de là, la chasse se complique encore. D'autant que
les PI demanderont sans doute aux gens s'ils ont vu passer un couple...
Alors que Catherine a décidé de voyager sous sa forme animale,
précisément dans l'espoir de dérouter les poursuivants. Et si beaucoup
de gens ont vu un fauconnier qui partait vendre son oiseau au seigneur
de la ville voisine, ils ne penseront certainement pas à le dire aux
questeurs, à moins qu'ils ne posent des questions sur un homme et un
animal (et vingt ans après, qui se souvient encore de la forme de
Catherine ?), Cela dit, Yves est maintenant trop angoissé pour se
soucier de dissimuler ses traces, et nos héros gagnent régulièrement
sur eux. Au bout d'un ou deux jours infiniment désagréables, les
personnages arriveront dans un petit port fortifié, directement sur les
talons de leur proie. Les patrons de barque sont justement en train de
parler du fauconnier qui est monté sur la barque du Gros Jacques. Ce
dernier est un pêcheur qui vient de temps en temps ici vendre son
poisson (il fait aussi un peu de contre bande). Comme le dit très
flegmatiquement le vieux pêcheur qui répare ses filets sur le quai; «
Ben, on lui a dit que c'était pas une bonne idée de partir avec
Jacques, à vot'copain, mais il a rien voulu savoir. Ya une tempête qui
se prépare, et Jacques est jamais qu'un cochon de goddam qu'est même
pas foutu d'arrimer correctement ses voiles. Mais bon, l'avait l'air
pressé de mourir. Oh, y sont pas loin. V'voyez le petit point, là-bas
au fond ? Ça doit être eux. »
En mer
Plusieurs options sont possibles, la plus rationnelle est de
trouver un autre marin disposé à tenter le coup. Ils sont tous d'accord
sur un point : même avec cette avance, ils peuvent rattraper Jacques
avant la nuit. En revanche, certains pensent que la tempête ne va pas
tarder, alors que d'autres soutiennent qu'elle n'éclatera que le
lendemain. Il est également possible pour un oiseau de se lancer tout
seul à la poursuite de Jacques el de ses passagers. Cette solution
présente deux inconvénients de taille; Cela divise le groupe et
l'oiseau est limité à un rôle d'observation, Ah, et puis: aucun des
volants de Hurlements n'est un oiseau de mer. Ils vont se sentir
nerveux, à l'idée qu'il n'y a aucun perchoir en bas... Enfin, reste le
cas d'un Chevalier de l'Eau qui se transférerait dans un poisson. Les
problèmes sont les mêmes que dans l'hypothèse précédente. Oh,
j'oubliais: il est également possible qu'ils se disent, « après tout,
la tempête réglera ça à notre place. Bon débarras. » C'est déplaisant,
et assez insatisfaisant du point de vue dramatique. Dans ce cas, Xavier
saute dans la barque la plus proche et commence à ramer... La course
entre les bateaux devient vite une lutte désespérée contre la tempête
qui, bien entendu, a eu le mauvais esprit de se conformer aux
prévisions les plus pessimistes. Ce n'est jamais qu'un gros orage avec
un peu de vent. A terre, ce ne serait rien du tout. Mais ici, cela
prend vite des allures de cataclysme. Profitez de l'occasion pour
confronter les personnages à un milieu qui ne leur est pas familier.
Faites-leur très peur pendant quelques minutes en décrivant
méticuleusement les creux de plusieurs mètres, les masses d'eau énormes
qui s'écrasent dans un bruit de tonnerre, leur coque de noix qui manque
de chavirer à chaque seconde, leur pilote blême de peur... Les deux
embarcations finissent par se rejoindre. Le faucon tourne autour du
mât, en poussant des cris qui paraissent curieusement désespérés. C'est
alors qu'ils entendent le bruit du ressac. Ce qui veut dire la terre...
et des récifs.
A vous de mettre en scène le
naufrage de façon spectaculaire, avec si possible peu de jets de dés,
et quelques bonnes occasions de se conduire en héros (ou simplement de
sauver sa peau, ce qui n'est déjà pas si mal). Yves passe par-dessus
bord. Catherine reprend forme humaine et plonge pour l'empêcher de
couler. Le pilote des PJ s'assomme contre un rocher. Il faudra le
soutenir jusqu'à la grève. Et ainsi de suite. Après quelques minutes
confuses et terrifiantes passées à lutter contre l'océan, tout le monde
arrive sur la plage. Il y a beaucoup de contusions, probablement un ou
deux bobos plus graves, mais rien de dramatique (à moins, bien entendu
que vous n'ayez d'autres idées, ou qu'ils aient été vraiment très
mauvais).
L'explication finale
Quel meilleur endroit pour une conversation de ce genre qu'une
plage balayée par le vent, la pluie et les vagues ? En plus, tout le
monde est sur les nerfs... Une partie de vos joueurs espérera sans
doute vaguement que le Veneur arrive, révèle Yves et ramène tout le
monde dans un endroit chaud et sec. Ben non. Pas cette fois. Yves est
et restera un errant. Et pour le moment, il n'a rien perdu de son
potentiel de nuisance. Il parlera assez peu, d'ailleurs. Le grand,
l'immense premier choc sera, comme de juste, les retrouvailles entre
Xavier et Catherine. Si Xavier est un PJ et que le joueur qui l'incarne
arrive à trouver quelque chose d'intelligent à dire, félicitez-le de ma
part. Sinon, il restera presque muet. Quant à Catherine, elle passera
par la joie (« il est vivant »), la stupeur (« mais je l'ai vu mort !
») et la colère (« ce doit encore être un tour de l'autre vieux sorcier
! »). À partir de là, tout repose sur les talents d'acteurs de vos
joueurs. A eux d'essayer de lui expliquer la situation après tout, elle
est des leurs, même si elle a quillé la Caravane il y a vingt ans -,
sans trop lui en dire: elle a toute son initiation devant elle. Bref,
la quadrature du cercle. Une fois qu'elle sera un peu calmée, il faudra
envisager rationnellement l'avenir de la famille. Même en supposant que
Xavier et Catherine veuillent rentrer à la Caravane, il reste Yves. II
va avoir besoin de temps pour retrouver un peu d'équilibre, accepter
que la Caravane lui soit définitivement fermée et commencer à vivre sa
propre vie. Il faudra l'y aider (et surtout, lui faire jurer le secret
sur tout ce qu'il sait). Quant aux esprits brillants qui décideraient
de leur propre chef de le ramener à la Caravane, arguant « qu'avec tout
ce qu'il sait, il vaut mieux que nous l'ayons sous la main », ils ont
tout faux. Yves n'est pas stable. Qu'est- ce qu'il deviendrait s'il
devenait le seul mortel ordinaire d'une caravane de quasi-immortels,
vieillissant et vieillissant jusqu'au jour où il semblera être le père
de ses parents ? Ce que les personnages peuvent espérer de mieux, c'est
un Yves stabilisé, fixé quelque part et prêt à aider la Caravane quand
par hasard elle passera dans la région. Ce serait déjà un beau
résultat. Une fois les passions humaines et les éléments apaisés, il
faudra encore retrouver le village et rentrer à la Caravane.
Le Veneur est de retour, lui aussi, et tout le monde repart le
lendemain vers d'autres voyages...
Sans vous noyer dans une documentation indigeste, voici
quelques ouvrages que je vous conseille chaudement si vous voulez
préparer un peu ce scénario.
Sans vous noyer dans une documentation indigeste, voici
quelques ouvrages que je vous conseille chaudement si vous voulez
préparer un peu ce scénario.
Quand il s'agit, comme cette fois, d'une histoire datée avec
précision, et qui laisse une large place à l’ambiance et au « tourisme
», mieux vaut avoir un certain nombre de données et de descriptions
toute prêtes. Prenez votre temps, ne plongez pas les joueurs
immédiatement dans l'action, laissez leur le temps de découvrir leur
environnement. Ceci dit, vous connaissez vos joueurs mieux que moi. Si
vous pensez que cela risque de les ennuyer de passer trois semaines à
Paris au début du XVe' siècle, condensez-les en trois phrases et tant
pis pour eux ! Même chose pour l'épisode du mont St-Michel. Qu'ils
visitent, qu'ils prient s'ils en ont envie, qu'ils se laissent
surprendre par la marée ... bref, qu'ils se donnent un peu de mal pour
exister hors du scénario !
Lieu et action principaux
Journal d'un bourgeois de Paris, Livre de Poche,
collection lettres gothiques. Le plat de résistance de ce bonus. Ecrit
par un citoyen anonyme, ce gros volume couvre les années 1405 à 1449,
vues par les yeux d'un lettré, sans doute clerc et membre de
l'Université. Ses analyses sur l'Histoire qui se déroule sous ses yeux
sont complètement fausses (il est vrai qu'il est Bourguignon, et donc
pro-anglais), mais il a collecté une quantité de faits gigantesques,
dont beaucoup présentent un intérêt pour les maîtres de jeu amateurs de
données précises. Par exemple, ses lamentations sur la cherté de la vie
sont parfois un peu fastidieuses, mais comme il donne à l'appui de ses
dires le prix des principales denrées, on lui pardonne. Il s'intéresse
aussi aux exécutions, à la marche des opérations militaires, à la vie
de la famille royale, et bien entendu à tout ce qui peut se produire
d'inhabituel: épidémies, inondations, scandales, affaires
criminelles... C'est une mine de scénarios. Par exemple, l'épisode des
Tsiganes est tiré des entrées 466-469 du journal, sans que j’ai eu à
ajouter grand-chose. Si vous avez envie de respecter l'histoire dans le
détail, sachez qu'ils sont arrivés à Paris le 17 août 1427, et qu'ils
en sont repartis le 8 septembre. De même, j'ai appris par lui
l'existence du pèlerinage au mont St-Michel et le fait qu'il ait attiré
énormément de monde dans les années 1440 (la saint Michel se célèbre,
deux fois l'an: les 8 mai et 29 septembre). Et il y à près de 900
autres paragraphes, qui n'attendent que vous... la langue n'a pas trop
vieilli, le texte reste lisible par tout le monde, à condition de se
reporter de temps en temps aux notes. Ajoutez à cela un dossier
historique bien fait, avec chronologie, cartes, plans, liste des
personnages principaux et du vocabulaire, et vous avez de quoi
patienter en attendant un éventuel Hurlelune consacré au XVe siècle…
Plan de Paris à la fin du XIVe siècle, presses du
CNRS, disponible dans les FNAC et certaines librairies. Une grande
carte en couleur, qui fera le bonheur de ceux qui n'arrivent pas à
jouer sans avoir une représentation du terrain sous les yeux. Elle ne
doit plus être totalement juste pour le scénario, qui se déroule une
trentaine d'années après, mais la passion de l'historicité a ses
limites, la fonction des principaux bâtiments est indiquée, ce qui
réserve parfois quelques surprises (saviez-vous que la forteresse du
Temple était le siège du Grand Prieuré des hospitaliers, à cette époque
?) Sans être indispensable (d'autant qu'elle est assez chère !), elle
peut être très utile.
Le mont St-Michel, Découvertes Gallimard. Si vous avez
envie de détailler un peu l'épisode du Mont et de le présenter de
manière plus complète à vos questeurs (et que diriez-vous d'une petite
course poursuite dans les rues du village entre le barbu el les
personnages !), vous devriez acheter ce petit livre, l'iconographie est
particulièrement abondante, ce qui est toujours utile comme support aux
descriptions, d'autant qu'il présence certains coins mal connus de
l’île. Sinon, n'importe quel guide touristique de Normandie lui
consacre au moins un chapitre. Et pour vous procurer des idées
scénarios intermédiaires entre les deux épisodes:
En BD, la série Jhen de Jacques Martin, est tout à fait
recommandée.
Bien sûr, l'histoire évolue autour du personnage de Gilles de
Rais à la fin de sa vie, ce qui n'est pas tout à fait dans la
fourchette 1420 - 1440, mais les reconstitutions de décors, de costumes
et des mentalités sont de qualité, De quoi fixer les idées aux joueurs
qui voudraient savoir à quoi ressemble l'intérieur de telle auberge, ou
quelle tête a tel PNJ ...
Enfin, bien que ce soit un peu dense, La guerre de Cent Ans,
de Jean Favier, chez Marabout ou Fayard. Je ne vais pas m'attarder
dessus, j'en ai déjà parié il n'y a pas bien longtemps dans les Inspi
Universalis de Casus Belli. Disons juste qu'il y a de quoi se faire une
culture sur le sujet, et sans doute concocter pas mal de scénarios...
Musique d'ambiance. Si vous tenez à sonoriser, Malicorne et Tri
Yann feront l'affaire.