Le sujet
Ce scénario souligne à sa façon la question que peuvent se
poser les haut-rêvants d’Hypnos : les créatures invoquées
préexistent-elles à l’invocation ou sont-elles créées, ex nihilo, par
celle-ci ? Quand on invoque un guerrier sorde, par exemple,
déplace-t-on un personnage depuis une certaine cité existant
réellement, un personnage avec sa vie, son passé, pour l’amener jusqu’à
soi « à travers les rêves » ? Ou bien doit-on considérer la cité
Sordide comme un concept abstrait, et le guerrier sorde une création
instantanée des Dragons ? En réalité, puisqu’il s’agit de rêve et
puisque celui-ci est une création permanente, les deux réponses se
valent. Considérez le rêve comme une scène de théâtre sous le feu des
projecteurs où plus rien n’existe, plus rien n’est vrai, dès que l’on
rentre dans les coulisses obscures. Telle est la vérité du guerrier
sorde : il vient des coulisses et il y retourne.
Il n’empêche que, le temps qu’il se trouve sur la scène, le
guerrier sorde est réel, aussi réel que les personnages des joueurs, à
tel point que la substitution est tentante. Telle est l’idée de départ
de ce scénario : pour une fois, ce sont les personnages des joueurs qui
vont être invoqués.
Seulement, comme ce n’est pas possible, pour les raisons exposées
ci-dessus, il ne s’agira que d’une pseudo-invocation. Le haut-rêvant
responsable du processus ne fait que commettre un échec total, lequel
crée une déchirure du rêve, laquelle s’avère être jaune - déchirure
d’arrivée. Or une déchirure d’arrivée possède forcément un envers,
mauve, quelque part dans un autre rêve. Supposons maintenant que
d’innocents voyageurs se retrouvent entraînés dans cette déchirure
mauve... et les voilà devant le haut-rêvant, lequel est paradoxalement
persuadé d’avoir réussi son invocation.
Ce paradoxe ne sera pas le seul. Invocation ou pseudo-invocation,
le reste du scénario sera de la même eau. Les Groins qui menacent le
village se révéleront n’être pas tous authentiques; quant à la légende
qui fait peser l’angoisse, les voyageurs découvriront peut-être qu’elle
n’a pas plus de bien-fondé que le reste. Mais ce faisant, ayant délivré
le village et supprimé la menace, n’auront-ils pas précisément accompli
ce pourquoi ils ont été appelés, validant, ultime paradoxe, la réalité
de l’invocation ?
L’invocation
C’est la nuit, les voyageurs ont dressé leur camp et dorment
près du feu. A un moment où le veilleur rajoute une brassée de bois au
feu de camp, une gerbe d’étincelles violettes jaillit des flammes,
moirant l’air ambiant de reflets mauves. Que s’est-il passé ?
Qu’a-t-il mis dans le feu ? On ne le saura jamais. La moirure mauve
s’accompagne d’une terrible impression de vertige. Les dormeurs ont
tout juste le temps de se réveiller et de bondir sur leur équipement,
le vertige s’accentue, et c’est parti...
Il s’agit évidemment d’une déchirure du rêve.
Quand le vertige se dissipe, le mauve a été remplacé par du jaune.
Il fait toujours nuit, mais les voyageurs se trouvent maintenant sur
une place de village éclairée par des torches. A quelques pas de là,
cinq « villageois » les observent avec attention, quatre hommes et une
femme. Aucun n’a l’air armé. Puis l’un d’eux les désigne d’un large
mouvement de manche et annonce avec jubilation: « Messires, mon génie
vient d’opérer : voici les champions de Toujours ! » Celui qui
vient de parler est un petit homme ventripotent, d’une quarantaine
d’années, vêtu d’une longue tunique jaune (genre soutane) brodée de
motifs violets, un peu trop moulante pour son embonpoint quoique
pourvue de manches exagérément amples. Le personnage est à la fois
ridicule et prétentieux. Surtout qu’il rajoute, en continuant de
désigner les voyageurs : « Ces champions sont liés à ma volonté par un
pacte indéfectible, prêts à mourir pour défendre le village ». Ce
à quoi, les quatre autres murmurent d’approbation.
Les minutes qui suivent risquent naturellement d’être un peu
confuses, le temps que le quiproquo se fasse jour (en ce qui concerne
les voyageurs, du moins). Mais de questions en insatisfaisantes
réponses, les faits suivants devraient se révéler assez vite.
L’homme à la tunique jaune se nomme Fumebel, c’est un haut-rêvant,
il vient d’accomplir une invocation : l’invocation des champions de
Toujours; et il semblerait que les voyageurs soient les champions en
question. (Auraient-ils réellement été invoqués ?...)
La scène a lieu au nord-est du village, devant la tour de Fumebel.
La villageoise, une solide femme de cinquante ans, se nomme Mélonne;
c’est la tenancière du Poivre chaud, l’unique taverne. Les trois autres
sont Mahiok, le forgeron, Zarud le meunier, et Panar, le boulanger.
Taratatam (c’est le nom du village) est attaqué par des Groins, Ils ont
envoyé un message au bout d’une flèche. C’est Badeluque (nom d’un
villageois) qui l’a reçue et il est dans un état grave. Les Groins
veulent qu’on leur livre trois filles. Sinon ils menacent de briser la
« Triple Cire » et de libérer les « thanatroces ».
« Il n’est pas question qu’une seule fille du village serve de
jouet aux Groins, déclare Mélonne. Et comme aucun homme ne se sent
l’envergure de prendre les armes, nous sommes venus trouver Fumebel,
notre haut-rêvant.
— Et c’est à mon seul génie draconic que vous devez d’exister !
rétorque ce dernier en bombant le ventre. Depuis quand les invocations
se permettent-elles de rouspéter ?
— Il va bientôt faire jour, suggère alors le boulanger, et il
serait peut-être temps que les « champions » se mettent au travail... »
Ce qui a toutes les chances de relancer le quiproquo.
Cependant, la nuit s’éclaircit. C’est le tout début de l’heure du
Vaisseau d’une journée de printemps, le 10’ jour de la Sirène par
exemple. Comme la situation, elle, ne semble pas près de s’éclaircir,
Mélonne propose que tous se rendre chez elle, au Poivre chaud. Là,
devant une chope de bière étonnamment poivrée, peuvent suivre des
explications plus détaillées.
La région
Taratatam est situé au beau milieu des collines de Poivre.
C’est une région de vallonnements coupés de ravines et de brusques
escarpements où la roche nue se dresse en falaises. Au demeurant
fertile, le pays est parsemé de bois, et les pentes des collines font
de verts pâturages. De nombreuses sources jaillissent du sol, mais
toutes ont un point commun : quoique potable, leur eau possède un goût
indéniablement poivré.
Au nord s’étend la grande forêt des Turlupins, sans limites
connues. Elle doit son nom aux êtres qui la hantent, décrits comme de
petits humanoïdes, quoique personne n’ait jamais eu l’occasion de les
détailler de près. Ce qui est sûr, dit-on, c’est que quiconque s’endort
sous l’ombrage de la forêt a toutes les chances de se réveiller tout
nu. (Si besoin, improviser les Turlupins comme une variété de lutins —
voir Miroir N° 4).
A l’est commencent les marais de Belcanto, qui doivent leur nom à
la cité du même nom, supposée encore plus à l’est, une cité de
chanteurs. Personne ne sait où elle se trouve réellement car personne
n’est jamais revenu des marais. Et pourtant, il arrive que la brise
apporte des bribes de chants d’une beauté si prenante qu’elle donne
l’irrésistible envie de les rejoindre. En réalité, le voyageur découvre
à ses frais que les marais pullulent de sirènes.
Au sud, c’est le vaste désert de Salamalek, région de caillasses
et d’épineux, à la faune essentiellement composée, outre quelques
rongeurs paranoïaques, de vautours affamés, de serpents et de
scorpions venimeux. Salamalek, la grande cité au bord du désert, est à
plus de 200 kilomètres par la piste Rouge, une ancienne route de brique
dont l’ocre tranche sur la grisaille du désert.
Flaj, seul voisin de Taratatam, est une bourgade un peu plus
importante, devant sa pérennité aux rares caravanes qui remontent
encore la piste Rouge.
Le Grand Éternuement
Les villageois expliquent le goût poivré de l’eau par le fait
que le sous-sol de la région est riche en gisements de poivre.
Autrefois, ces gisements étaient exploités et Taratatam n’était pas
l’unique village des collines comme il l’est aujourd’hui. Le poivre
était exporté dans toutes les directions et le pays était riche. Mais
tout doit se payer un jour, continuent-ils sentencieusement. Tout ce
poivre extrait de la terre finit par incommoder les Dragons qui sont
les Grands Rêveurs du monde, et ils se mirent à éternuer.
Il n’y eut d’abord que quelques mines qui s’écroulèrent. Puis,
comme l’avertissement n’était pas compris, les Dragons y allèrent pour
de bon : et ce fut le Grand Eternuement.
Ce fut si fort et le Grand Eternuement fut si communicatif que
même les Dragons enrhumés se réveillèrent. Tout vola en éclats et ce
fut le Temps des Larmes.
Aujourd’hui, les temps sont redevenus clairs, mais la richesse a
disparu. La terre a toujours l’odeur du poivre, mais il n’y a plus de
mineurs. Les pentes des collines se sont couvertes de champs et de
pâtures à moutons. (A l’évidence, cette légende est la version locale
du Grand Réveil de la fin du Second Age.)
La Triple Cire
Mais pourquoi Taratatam a-t-il survécu ? « Parce que nous avons
une mission, répondent les villageois : nous devons veiller sur la
Triple Cire. Car voyez-vous, continuent-ils, il s’est passé des choses
durant le Temps des Larmes, après le Grand Éternuement, car les
haut-rêvants qui survivaient encore n’étaient pas tous bons comme
Météor ou comme Fumebel. Il y en avait qui étaient à la fois mauvais et
fous à lier. Et ils ont suscité des choses de cauchemar avec pour but
d’achever ce que le Grand Eternuement avait pu épargner. Ces choses, on
les appelle des atrocités thanataires ou encore simplement des
thanatroces. D’autres haut-rêvants ont bien tenté de lutter. Mais aucun
ne put détruire les thanatroces. Tout ce qui put être fait, ce fut de
les enfermer au fond des mines en barrant les issues par des
sortilèges. C’est ainsi qu’à une demi-heure (draconique) de marche de
Taratatam se trouve encore l’entrée d’une ancienne mine : Tharna. Les
doubles portes en sont fermées depuis le Temps des Larmes et scellées
par un triple cachet de cire portant des symboles anciens. Et il est
dit que tant que les cachets seront intacts, les thanatroces qui rôdent
derrière resteront prisonnières. C’est pourquoi nous avons institué la
Triple Garde : trois villageois qui veillent en permanence à ce que
personne, par mégarde ou malveillance, ne brise la Triple Cire. Car si
cela devait arriver, l’horreur s’abattrait non seulement sur le
village, mais sur toute la région, et le peu à avoir survécu au Temps
des Larmes serait détruit. Il y a longtemps que la Triple Garde a été
instituée, puisqu’elle existait déjà avant Météor. Chaque homme du
village y participe, par périodes de trois jours, un homme étant relevé
chaque matin. L’homme de relève quitte le village vers la mi-Vaisseau
pour arriver à Tharna vers le début Sirène. Outre la relève, il apporte
les provisions du jour. Celui qu’il remplace est quant à lui revenu au
village vers la mi-Sirène. A Tharna, les gardes logent dans les
antichambres de l’entrée, juste avant la grande double porte, et sont
armés de lances ».
Armes purement décoratives, en vérité, car personne à Taratatam ne sait
vraiment s’en servir.
Les faits
Avant hier, c’était le tour de Gribal de partir pour Tharna,
relevant le fils Ratuf. Il est parti normalement, à la mi-Vaisseau,
avec le sac à provisions. Mais fin Couronne, le jeune Ratuf n’était
toujours pas rentré. Début Dragon, le chien de Badeluque, le berger,
rentre tout seul au village en aboyant comme un forcené. On comprend
qu’il est arrivé quelque chose et on finit par découvrir son maître, au
bas du pré nord, avec une flèche dans la poitrine, un bout de parchemin
enroulé près de l’empenne. Il avait perdu beaucoup de sang, et il n’a
eu que la force de murmurer : « Les Groins... » Avant de tomber
inconscient. Depuis, il ne va toujours pas mieux malgré la potion de
Fumebel. Sur le parchemin, il y avait écrit : « Livrez-nous trois
filles fessues ou nous brisons la Triple Cire. Signé : des Groins qui
ne plaisantent pas ». L’alerte aussitôt donnée, tout le monde est
rentré au village et la grande porte a été fermée. La nuit est tombée
sans aucune nouvelle de Ratuf ni d’aucun autre de la Triple Garde. La
journée du lendemain (hier) s’est passée dans l’angoisse à attendre des
nouvelles. Les Groins ne se sont pas manifestés, mais la Triple Garde
non plus, faisant craindre le pire. Mais que faire contre une horde de
Groins ? Les Taratataméens sont des paysans, pas des guerriers. Durant
la seconde nuit, un conseil a réuni les principaux villageois, à savoir
Mélonne, le forgeron, le meunier et le boulanger, avec pour conclusion
que seul Fumebel, leur haut-rêvant, pouvait les tirer d’affaire, Il y
avait eu un précédent une quarantaine d’années auparavant, quand des
Groins (toujours eux !) s’en étaient pris à une bergerie. Météor avait
réglé l’affaire en invoquant un guerrier de métal qui avait promptement
mis les pillards en déroute.
Fumebel a hoché la tête et promis d’invoquer des « champions
de Toujours », ainsi nommés a-t-il ajouté avec un sourire
condescendant, parce que le rêve du haut-rêvant doit établir un contact
avec une zone mentale de son génie draconic appelée désolation de
Toujours.
Puis, au pied même de la tour, en présence des témoins, l’invocation a
eu lieu… provoquant l’arrivée des voyageurs.
Fumebel
De mémoire de Taratataméen, il y a toujours eu un haut-rêvant
dans la tour carrée; cela va de paire avec le fardeau de veiller sur la
Triple Cire. C’est le conseiller, celui « qui sait », et l’on se
sentirait perdu sans lui. Il faut dire que Météor, le prédécesseur et
maître de Fumebel, était particulièrement bon, et il a vécu si vieux
qu’il a vu naître tous les Taratataméens actuels, en sorte qu’aucun
d’eux n’a réellement connu d’autre haut-rêvant à part Fumebel.
Mais Météor est mort l’hiver dernier, d’un méchant coup de froid
que même ses meilleures potions n’ont pu guérir. Son disciple lui a
succédé et la tour de Météor a été rebaptisée tour de Fumebel.
Or comme on l’a certainement deviné, Fumebel est nul exécrablement
nul. A peine en place, il a voulu créer une petite zone d’Air en feu
pour allumer son brasero et n’a réussi qu’à mettre le feu à la tour,
détruisant dans l’incendie tous les livres de Météor, parchemins et
archives, notamment des documents précis sur les thanatroces et la
Triple Cire. Depuis, il n’a eu aucune occasion d’exercer, hormis
enchanter une potion pour Badeluque, qui n’a fait aucun effet.
L’invocation des champions de Toujours est son troisième acte magique.
Est-il besoin d’en dire plus ? Fumebel est non seulement inefficace,
mais dangereux. Tout ce qu’il tentera résultera automatiquement en un
« échec total ». (Ses caractéristiques ne sont donc pas fournies
puisque sans importance.) Au demeurant, jouissant de l’aura de prestige
qui entourait son maître, il est vaniteux et un tantinet despotique
dans ses relations avec ses concitoyens. Ceux-ci, qui ne se sont pas
encore rendu compte de la différence avec Météor, lui font aveuglément
confiance.
Taratatam
Taratatam est un petit village agricole bâti de pierre et
d’ardoise, perché au sommet d’une colline. Sans être véritablement
fortifié, il est défendu par le fait que toutes les maisons du pourtour
se joignent et ne présentent à l’extérieur que des murs aveugles. Il
compte environ cinq cents habitants. La tour de Fumebel (1) carrée,
haute de 15 m, est fermée par une solide porte toujours verrouillée
(difficulté 4). Si les voyageurs voulaient l’investir, au gardien des
rêves d’en improviser l’intérieur. Soulignons toutefois que Fumebel ne
resterait pas passif devant l’invasion et que ses fumbles pourraient
s’avérer plus « efficaces » que des sorts réussis.
La place centrale (2), ombragée de grands châtaigniers, est
pourvue d’une fontaine en son centre (d’eau poivrée bien sûr). On y
trouve la Taverne du Poivre chaud (3), tenue par Mélonne aidée de sa
servante Luise. La bière (poivrée) coûte 2 PE la chope (25 cl, force
2), et un repas moyen (3 sust) 1 PB. Les combles, auxquelles on accède
par une échelle dans la cour, sont jonchés de paillasses où les
voyageurs peuvent dormir gratuitement.
Les autres principaux lieux du village sont la forge (4), la
boulangerie (5) où est cuit tout le pain du village, et le moulin (6)
où est moulu le grain.
La tour ronde de l’angle sud-ouest (7) est un clocher. La légende
veut que sa grosse cloche de fer se mette en branle d’elle-même si les
thanatroces sont libérées. C’est à son pied que donne la grande porte
du village (8). La porte Meunière (9), accès sud-est, est une poterne à
un seul vantail. C’est par là qu’on se rend à Tharna.
Alternatives
Les voyageurs peuvent entrer dans la mystification et accepter
spontanément le rôle de champions de Toujours. C’est le plus simple
quoique le moins probable.
Ils peuvent s’en désintéresser complètement et quitter le village.
C’est également peu probable, mais on ne sait jamais. Dans ce cas, au
gardien des rêves de choisir : soit il laisse tomber, et le scénario
est fini. Soit il modifie l’histoire et improvise une version
alternative où les thanatroces existent réellement. A peine les
voyageurs se sont-ils éloignés du village que la cloche se met en
branle. Et bientôt, qu’ils le veuillent ou non, les entités de
cauchemars (chiens de la mort, quauquemaires, etc.) déferlent sur
eux... Mais le plus probable est encore qu’ils acceptent de s’occuper
des Groins en échange d’une récompense. Ce que le conseil ne voudra
pas entendre. A toute demande d’honoraires, on leur dira : « On n’est
pas haut-rêvants, nous, on ne sait pas comment ça fonctionne. Il faut
voir ça avec Fumebel ».
Or aussitôt son échec accompli, Fumebel se sera enfermé dans sa
tour pour dormir (récupérer son rêve) avec défense de le réveiller. Si
les voyageurs le réveillent quand même, en hurlant devant sa tour par
exemple, il paraîtra à sa fenêtre et s’écrira avec force mouvements de
manche : « Allez-vous en ! Je vous révoque ! » Et aux
villageois présents, il expliquera que les voyageurs sont des
imposteurs qui ont « Iniquement abusé son génie draconic ».
Puis au début de l’heure de la Couronne, il tentera de rattraper
la situation en invoquant un guerrier sorde. Celui-ci, naturellement,
échappera à son contrôle et se mettra à massacrer les villageois
systématiquement, jusqu’à ce qu’on l’élimine. (Note: ceci n’aura
toutefois lieu que si les voyageurs sont encore au village. S’ils sont
déjà partis s’occuper des Groins, annuler cet événement)
Mélonne
Mélonne est la plus clairvoyante de tous et sera la première à
soupçonner que Fumebel n’est pas aussi doué qu’il le prétend. Si
l’événement du guerrier sorde a lieu, ses soupçons se transformeront
en certitude; et si ce sont de surcroît les voyageurs qui l’éliminent,
cela la convaincra de leur identité réelle.
D’esprit pratique, elle leur fera aussitôt une offre pour qu’ils
s’occupent des Groins au plus vite.
Personnellement, elle leur offrira gîte, couvert et boisson
gratuits pour tout le temps qu’ils resteront au village, et promettra
de faire pression sur les autres pour qu’ils fassent également un
geste. Elle ne pourra promettre plus. Son fils, Milos, se portera
volontaire pour les guider jusqu’à Tharna. C’est un jeune homme de
vingt ans, courageux quoique piètre combattant. Notez qu’il sera
volontaire dans tous les cas, c’est-à-dire même si les voyageurs
acceptent d’emblée de s’occuper des Groins. Ce sera le seul villageois
assez brave pour oser sortir des murs.
Les Groins
Les Groins sont les plus bestiaux et les plus obsédés des
humanoïdes. Qu’ils demandent qu’on leur livre des filles (fessues ou
pas) n’a donc rien d’étonnant. En revanche, Les voyageurs peuvent se
demander pourquoi trois, et surtout s’étonner du fait que ces Groins
sachent écrire.
La réponse est d’une part qu’ils ne sont que trois et qu’ils
veulent une fille chacun, d’autre part que l’un d’eux n’est pas un vrai
Groin. Le chef de la petite bande, Wilfried de Zlof est un Humain, un
haut-rêvant albinos, tellement dégénéré que, non content de s’acoquiner
avec des Groins, il se prend lui-même pour un Groin. Pour parfaire
l’identification, il porte en permanence un masque de Groin. Les deux
autres sont ravis de l’association. D’une part parce que Wilfried les
égale en turpitude, d’autre part parce qu’en tant que haut-rêvant, il
leur apporte un soutien non négligeable.
Le trio est arrivé par hasard à la mine de Tharna, où les gardes
épouvantés leur ont tout expliqué sur la Triple Cire, en les suppliant
de ne surtout pas y toucher. Les Groins ont patiemment écouté les
explications, puis sans broncher, ont massacré tout le monde. Mais au
moment où l’un d’eux s’apprêtait à briser les sceaux, Wilfried s’est
écrié :
« Attendez ! J’ai une meilleure idée !... »
On sait déjà laquelle. Et c’est précisément pour ce genre de
trouvailles que les deux autres adorent leur chef.
Depuis, les Groins patientent. Wilfried est sûr que les villageois
finiront par craquer et il n’a aucun plan en cas de refus. Dégénéré
peut-être, mais haut-rêvant tout de même, il sait que si les sceaux
sont brisés, lui et ses Groins seront les premières victimes. L’un
d’eux surveille la vallée en permanence, prêt à signaler l’arrivée des
filles. Inutile de dire qu’ils se battront avec une férocité qui n’aura
d’égale que leur frustration. Ils sont armés de masses lourdes et de
boucliers.
Wilfried a utilisé sa dernière flèche pour le message et ne se
servira donc pas de son arc, Il ne se battra au contact que contraint
et uniquement pour défendre sa peau, pas celle de ses Groins. Il compte
avant tout sur ses sorts en réserve. Si les choses vont mal, il fuira
de préférence.
Ses caractéristiques de haut-rêvant sont sans importance. Il
possède deux Non-agressivité en réserve et ne lancera que ces sorts-là
au cours du combat. Inutile de jouer son périple en TMR, supposé sans
problème. Toutefois, les deux Non-agressivité ne pourront être lancés
qu’à trois rounds d’intervalle, portée maximale 20 mètres. Les deux
sont par Hypnos. Déterminer avec 1d12 l’heure de naissance pour
laquelle ils sont ciblés.
La mine
Tharna s’ouvre à flanc de colline. On accède à l’entrée par un chemin
en lacets bordé de hautes herbes et de buissons.
- Accueil macabre. En guise d’intimidation, les Groins ont
coupé les têtes des quatre gardes et les ont plantées sur des bâtons,
juste à l’entrée du chemin. Le reste des corps a été jeté dans un ravin.
- L’entrée de la mine est libre. C’est un orifice de 3 m sur 3,
donnant dans le flanc de la falaise.
- Au
fond de la première antichambre se dresse une grande double porte,
l’entrée véritable de Tharna. Les gonds sont visibles, indiquant que la
porte se tire, chaque battant possédant d’ailleurs un gros anneau pour
cela. La porte est hermétiquement close sans qu’il y ait de système de
fermeture visible, ni barre ni serrure. Un gros cachet de cire, de 10
cm de diamètre, portant des symboles obscurs, est apposé sur chaque
vantail et sur l’interstice entre les deux. Les trois sceaux sont
reliés par un cordonnet noir, formant un triangle. Les symboles ne sont
pas du draconic et aucun jet de Lire & Ecrire n’arrivera à les
déchiffrer. (Une raison de plus de maudire Fumebel d’avoir fait brûler
les archives s’y rapportant !) Détection d’enchantement renverra
toutefois une aura positive, mais Lecture d’aura magique se contentera
d’indiquer le Fleuve, sans autre précision.
- Corps de garde.
C’est dans cette seconde antichambre, pourvue d’un petit âtre, que
vivent les gardes. Ils y ont bat-flanc, tabourets, vaisselle, etc. Une
meurtrière permet de surveiller les arrivées, pas très visible de
l’extérieur à cause de la végétation.
- Au-delà de la grande
porte et de la Triple Cire, une interminable galerie de 6 m de large
sur 4m de haut, entièrement taillée dans la roche, s’enfonce sous la
colline. Tout est calme et silencieux, aucune thanatroce ni quelque
entité que ce soit...
Tharna et Nartha
Tharna est éloignée de 6 km du village. Le chemin est étroit
mais très passager. Milos, en bon guide, expliquera aux voyageurs tout
ce qu’il y a à savoir. C’est ainsi qu’aux deux tiers de la route, il
désignera un autre sentier, envahi d’herbes et descendant sur la
droite. « Ce chemin mène à Nartha, dira-t-il. C’est la seule autre mine
qui reste dans la région, mais c’est un lieu sans intérêt ».
Interrogé, il pourra répondre que Nartha n’est qu’une immense galerie
qui s’enfonce sous la colline. Seuls les gosses du village s’y rendent
parfois, pour se faire peur. Il y est lui-même allé, jadis, mais sans
oser s’enfoncer très loin. Nartha est bien plus éloignée du village que
Tharna.
En réalité, comme on le voit sur le plan, Tharna et Nartha ne sont
séparées que par un petit kilomètre. Si aucun villageois ne s’en est
rendu compte, c’est surtout que Nartha n’intéresse personne. Les deux
mines sont creusées dans la même colline, l’une au sud, l’autre au
nord. Et, comme on l’a déjà compris, Nartha n’est que l’envers de
Tharna.
On pénètre directement dans la grande galerie de Nartha, les
doubles portes ayant été arrachées depuis longtemps. La galerie
s’enfonce tout droit pendant 500 mètres, puis aboutit à un vaste cône
d’où partent une multitude de tunnels plus petits. Des ruines de
treuils subsistent encore sur les bords du cône. Il s’agit là de la
mine proprement dite, et l’air ambiant est tout piquant de poivre. Mais
juste avant d’arriver au cône d’extraction, on peut noter un passage
plus étroit partant perpendiculairement sur la gauche. Ce passage
latéral est d’autant plus notable que c’est le seul en 500 mètres de
galerie ! Ponctué d’escaliers et de pans inclinés, c’est un passage qui
monte. Puis, au bout de 400 mètres environ, on débouche sur ce qui
semble être la réplique parfaite de la grande galerie de Nartha, avec
le cône d’extraction à gauche, et l’interminable galerie à droite. Sauf
qu’au lieu de donner à l’air libre, elle est fermée à l’autre bout par
une grande double porte barrée, gonds non visibles. Deux personnages
costauds pourront sans problème soulever la barre et pousser la
porte... pour se retrouver, des débris de cire à leur pied, dans
l’entrée de la mine de Tharna.
Conclusion
Normalement, rien ne doit mener les voyageurs à Nartha, sinon
la curiosité ou une judicieuse intuition. Milos ne fera que mentionner
le chemin qui y mène, non pas tant pour souligner la présence de
l’autre mine, que pour préciser quel est le bon chemin, puis le combat
contre les Groins devrait accaparer totalement les voyageurs. En sorte
qu’il est fort possible qu’ils n’aillent jamais à Nartha et ne
découvrent jamais l’inanité de la légende.
S’ils la découvrent, l’histoire n’en sera que plus triste, pleine de
morts inutiles : les gardes, les villageois, les Groins.
S’ils ne la découvrent pas, en sera-t-elle pour autant plus gaie ?
S’ils décident d’aller encore plus loin et de purger le village de son
véritable danger, à leurs risques et périls.
Dans tous les cas, les villageois - plus ou moins déboussolés selon
ce qui aura été révélé où accompli - tiendront parole. Et pour avoir
occis les Groins, les voyageurs se verront offrir un équipement complet
de voyage : sacs, outres, provisions, cordes, torches, couvertures,
etc., avec un joli petit âne gris pour porter le tout sur son bât.
L’âne remuera ses grandes oreilles dans leur direction, semblant dire:
« Me jugerez-vous indigne d’être des vôtres ?... »
Denis Gerfaud
Plans : Denis Gerfaud
Illustration : Rolland Barthélémy
RENCONTRES
Milos ; Né à l’heure de la sirène ; 1m75 ; 72
Kg.
Taille 11 Volonté 11 Vie 12
Apparence 12 Intellect 10 Endurance 25
Constitution 13 Empathie 11 Vitesse 12
Force 12 Eloquence 11 +dom (11) 0
Agilité 12 Rêve 11 Protection 0
Dextérité 11 Mêlée 12
Vue 11 Tir 11
Ouïe 10 Lancer 11
Odorat 9 Dérober 11
Corps à corps niv 0 init 6 +dom (0)
Gourdin niv 0 init 6 +dom 0
Esquive niv 0
Discrétion, Escalade 0 ; Saut, Course, Srv en extérieur +3
Guerrier Sorde
Taille 12 Volonté 12 Vie 13
Constitution 13 Rêve 10 Endurance 25
Force 14 Mêlée 14 +dom (13) +1
Agilité 14 Dérober 11 Protection d6 +6
Epée large niv +6 init 13 +dom +4
Corps à corps niv +6 init 13 +dom (+1)
Bouclier niv +6
Esquive niv +6 (-6 malus armure)
Les Groins
Wilfried de Zlof ; Né à l’heure du Roseau
Grabide ; Né à l’heure du Vaisseau
Trouduk ; Né à l’heure du Faucon.
Taille 12 Volonté 10 Vie 12
Constitution 12 Rêve 11 Endurance 24
Force 14 Mêlée 11 Vitesse 12
Agilité 12 Tir 10 +dom (13) +1
Dextérité 10 Lancer 12 Protection d2
Perception 11 Dérober 10
Masse lourde niv +3 init 9 +dom +4
Corps à corps niv +3 init 9 +dom (+1)
Bouclier niv +3
Esquive niv +3
Discrétion, Escalade -2 ; Saut, Course 0 ; Srv en extérieur
+4
Utiliser les mêmes caractéristiques et compétences de combat
pour Wilfried. En cas de JR, considéré qu’ils ont tous 11 en rêve
actuel.
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