Article paru dans Casus Belli HS N° 15

Cette aventure, prévue pour un groupe de 4 ou 5 voyageurs, peut être jouée avec les règles complètes de Rêve de Dragon, ou celles d'Oniros, sa version d'initiation au jeu de rôle. Aucune compétence n'est spécialement requise.
La présence de haut-rêvants est facultative, de même que celle de combattants.
Introduction
Tout commence en vue du petit village de Muset. Les voyageurs n'ont aucune connaissance de la région, soit qu'ils viennent de sortir du gris rêve, soit qu'ils ont été victimes d'une déchirure du rêve. Dans tous les cas, ils ont cheminé une bonne partie de la journée et l'on peut supposer qu'ils ont hâte de parvenir à un lieu civilisé, ne serait-ce que pour se renseigner sur la région. Au choix du gardien des rêves, ils ont pu errer dans les collines au nord du village, en sorte de tomber sur celui-ci en fin de journée, ou déboucher sur la route et décider de l'emprunter. S'ils suivent la route vers l'ouest, supposé qu'ils l'ont découverte entre Perkal et Muset, et inversement, entre Lilac et Muset s'ils la suivent dans l'autre sens. Il est enfin suggéré que le temps soit mauvais, quelle que soit la saison : température plutôt fraiche, averses, rafales, etc. Il est en effet indispensable que les voyageurs requièrent l'hospitalité du village plutôt que de camper à la dure, et ce faisant, puissent entendre parler de la maison des voyageurs hantée.
 

Muset
Muset est un petit village agricole composé d'une vingtaine de fermes et de leurs dépendances, granges, étables, bergeries, etc. Tout autour, les terres cultivées bien entretenues attestent une certaine prospérité. Les maisons du village sont toutes des constructions assez basses, d'un seul niveau, coiffées d'un épais toit de chaume. En pierre pour la plupart, elles ont l'air solide, mais sans grâce ni ornementations superflues, à l'exception d'une seule, construite en bois, haute d'un étage en plus de son rez-de-chaussée, entourée d'un balcon aux rambardes sculptées. Il s'agit de la maison des voyageurs. Cette maison n'est pas située au centre du village, mais légèrement en retrait à l'un des bouts de l'agglomération, donnant sur la route. Au choix du gardien des rêves, la maison des voyageurs peut être située à l'est ou à l'ouest, côté Perkal ou côté Lilac, tout dépendant par où arrivent les voyageurs. Il est en effet conseillé que ce soit la première maison qu'ils aperçoivent en découvrant le village, de façon à en être d'autant plus frappés que le reste des habitations est d'un style sans commun rapport. (Le plan exact du village est laissé à la discrétion du gardien des rêves).

L’accueil
Il est environ mi-Epées lorsque les voyageurs pénètrent dans Muset. Les villageois sont occupés aux dernières tâches du jour : rentrer les bêtes, les abreuver, les nourrir, etc., et le contact peut s'opérer sans difficulté, les voyageurs sont accueillis sans crainte ni surprise, de toute évidence, la coutume du voyage est ici une chose connue. Après les présentations d'usage, ils peuvent obtenir les premiers renseignements sur la région, à commencer par le nom du village, puis on les adresse à Zanith, l'hôtesse de la maison des voyageurs. Cette dernière est une femme de soixante ans, petite et ronde, aux cheveux blancs comme neige. Avertie de la présence des voyageurs, elle accourt en compagnie de son petit-fils, Eris, un jeune homme de dixsept ans, pour les prendre en charge.
Habituée aux voyageurs, Zanith ne s'étonne pas que ces derniers ne sachent rien de la région (il est bien connu que les voyageurs cheminent tout autant dans leur rêves que sur les routes et sont toujours plus ou moins perdus !), et tout en les renseignant (selon les questions posées), elle annonce que l'on respecte à Muset la coutume de loger gratuitement les voyageurs et de leur offrir le souper. Sur quoi elle déclare qu'elle va aller chercher les clés pour leur ouvrir la maison des voyageurs, puis Eris leur apportera à boire dans la salle du bas, ainsi qu'une bonne marmite de soupe accompagnée de pain frais, puis... Ici, l'hôtesse se trouble légèrement. « Puis, ajoute-t-elle, on vous trouvera bien un coin de grange pour passer la nuit. Je vais demander au père Mieuvel, il acceptera sûrement de vous loger dans son grenier. »

Les réticences
C'est ainsi que les voyageurs apprennent l'existence d'une maison des voyageurs à Muset; et plus encore, qu'ils découvrent qu'il s'agit de l'élégante maison de bois sculpté qui se tient à l'entrée du village, la bizarrerie de la proposition de Zanith ne devrait alors manquer de les frapper : pourquoi diner dans la maison des voyageurs et aller coucher dans une grange ? C'est toutefois à eux de poser la question. Non seulement Zanith n'abordera pas le sujet spontanément, mais sera même réticente à donner des explications.
C'est ici un moment de jeu de rôle délicat pour le gardien des rêves: il faut qu'il se laisse arracher les informations, comme à regret, tout en suscitant la curiosité des joueurs pour leur donner l’envie d'en savoir plus. Si les voyageurs acceptent sans sourciller de dormir dans un coin de grange alors qu'il existe une si belle maison des voyageurs - d'autant qu'elle est expressément désignée comme telle -, ils passeront complètement à côté du scénario.
« La vérité, avoue finalement Zanith, c'est que la maison des voyageurs est hantée. Tant qu'il fait jour, il n'y a rien à craindre, c'est pourquoi on pourra vous y servir à dîner; mais dès la tombée de la nuit, il si passe des choses terrifiantes. Pour votre sécurité, mieux vaut coucher ailleurs. »

La maison des voyageurs
Les renseignements suivants peuvent être obtenus en continuant d'interroger Zanith ou n'importe quel autre villageois.
La maison des voyageurs de Muset date d'une soixantaine d'années. Elle fut bâtie par un voyageur nommé Martelon, qui avait été maitre charpentier avant de se lancer sur les routes. Mattelon était arrivé au village en piteux état : lui et ses compagnons avaient été attaqués par des Groins dans la forêt d'Eskamoth, les villageois les soignèrent, et c'est pour les remercier que Martelon décida de leur offrir une maison des voyageurs aussi belle que possible et digne de leur hospitalité. Avec ses compagnons, il mit près de deux ans à la bâtir. Cela fait, estimant avoir payé sa dette, il repartit vers la cité de Biscorne et on n'entendit plus jamais parler de lui. La maison des voyageurs remplit alors son office et personne n'eut à s'en plaindre pendant les dix années qui suivirent. Puis les choses changèrent brusquement il y a environ cinquante ans. Une nuit, les voyageurs qui y couchaient s'en échappèrent en hurlant. Ils racontèrent que les meubles s'étaient mis à bouger tous seuls, puis qu'ils avaient senti des « choses », et la terreur les avait submergés.
On pensa que c'étaient des voyageurs fragiles. Mais la même mésaventure arriva aux voyageurs suivants, qui déclarèrent que la maison était hantée.
Après leur départ, un villageois courageux se porta volontaire pour passer la nuit dans la maison et vérifier ce qui s'y passait. Mais quoiqu'il fût renommé pour son courage, on l'entendit hurler à son tour, et, blêmir comme un linge, il affirma que quelque chose avait voulu lui « dévisser les oreilles ». Depuis ce jour, plus aucun villageois n'osa séjourner dans la maison durant la nuit. De jour, en effet, la maison semble inoffensive.
Cela remonte donc à cinquante ans. Zanith n'avait que dix ans à l'époque, et Rascombe, l'Ancien du village (qui tient le rôle de chef), avait tout juste vingt ans. Il est le seul villageois encore en vie à avoir connu Martelon et à avoir vu bâtir la maison, mais il n'était lui-même qu'un gamin de dix ans. Quant au courageux volontaire, un certain Panir, voilà déjà vingt ans qu'il est décédé de sa belle mort.
Au fil des ans, il y eut nombre de voyageurs suffisamment déraisonnables ou incrédule; pour insister à passer la nuit dans la maison, et tous s'en enfuirent épouvantés.


Alors l'hôtesse de conclure : « En ce qui vous concerne, j'espère que vous aurez davantage de bon sens ! »
Il s'agit évidemment d'un défi. Si les voyageurs suivent sagement les conseils qu'on leur donne, ils passeront à côté de l’histoire.
Mais il y a gros à parier (et à espérer) qu'ils se sentiront piqués au vif, et qu'au moins l'un d'entre eux, ne serait-ce que par curiosité, n'aura de plus grande envie que de se montrer « déraisonnable ». Soupirant et hochant la tête, Zanith leur fera alors faire le tour du propriétaire, à la faveur des dernières lueurs du jour, puis les laissera s'installer.

Description des lieux
Toujours bien entretenue (malgré son inutilité), régulièrement repeinte d'un camaïeu de beige et de brun, la maison est entièrement en bois, y compris le toit fait d'un assemblage de plaquettes goudronnées en guise de tuiles. Quoiqu'on y loge peu, elle est propre et balayée.

  1. Préau. Ouvert sur l'extérieur, le préau est situé sous la chambre longue et le bureau.
    De gros piliers de bois supportent la partie supérieure de la maison comme des pilotis.
  2. Salle à manger. C'est dans cette salle qu'Eris servira le dîner des voyageurs. Les deux portes, donnant respectivement sur le préau et sous le grand balcon, sont usuelle-ment verrouillées (difficulté -3).
    La fenêtre n'a pas de vitrage, rien qu'un volet de bois. Pour tout ameublement, la salle contient deux tréteaux et des planches (pour servir de table) et une demi-douzaine de tabourets.
  3. Cuisine. Depuis la « hantise », la cuisine est désaffectée et ne contient plus aucun matériel, à l'exception d'un fourneau de briques, à gauche de l'escalier, sous une hotte de bois communiquant avec la cheminée. Le fourneau est propre, sans aucune cendre; les repas des voyageurs sont préparés chez Zanith. L'escalier fait un mètre de large.
  4. Petit salon. L'escalier de la cuisine débouche directement dans cette pièce, meublée d'un tapis de laine sur le sol, d'une table ronde, de quatre chaises et d'un fauteuil à bascule. Un petit bougeoir avec une bougie neuve est posé sur la table. La porte donnant sur le grand balcon est constituée de deux parties, inférieure et supérieure, comme une porte d'écurie.
    On peut l'ouvrir entièrement pour sortir, ou n'ouvrir que la partie supérieure en guise de fenêtre. L'ensemble est fait de bois plein, sans vitrage. Toutes les portes de l'étage sont sur ce même modèle. Noter que l'accès aux autres pièces se fait obligatoirement via le grand balcon.
  5. Chambre carrée. Sept lits meublent cette chambre, cadres de bois supportant une literie constituée d'une paillasse, d'une paire de draps, d'un oreiller et d'une couverture. Le tout est propre. Sur chaque mur, une longue étagère de rangement surplombe la tête des lits. Sur chaque étagère est posé un petit bougeoir avec une bougie.
  6. Chambre longue. Pièce meublée de cinq lits (semblables aux précédents), d'un coffre de rangement (vide), d'un banc et d'une étagère. Il y a également un bou-geoir et une bougie. Cette pièce repose « sur pilotis » au-dessus du préau.
  7. Bureau. Le bureau termine la partie de la maison « sur pilotis ». Martelon voulait que les voyageurs aient un lieu pour lire ou méditer en paix, d'où l'idée du bureau. On y trouve une table, deux chaises et un lutrin. Des rayonnages tapissent tous les murs, mais vides de livres et du moindre parchemin. Il n'y a ni bougeoir ni bougie. Noter enfin que le bureau n'est accessible que via la chambre carrée et le petit balcon.
  8. Grand balcon. Desservant le petit salon et les deux chambres, le grand balcon est à ciel ouvert. Il fait 2 m de large, avec une rambarde haute de 1m.
  9. Petit balcon. Mêmes caractéristiques.
Le fantôme
La maison des voyageurs de Muset est réellement hantée. Son fantôme, toutefois, n'est pas une entité de cauchemar usuelle, telle que ces entités sont décrites dans les règles. Il ressemble beaucoup plus à un fantôme « classique », comme ceux que certains affirment exister réellement dans notre monde. Comment une telle chose est-elle possible dans le monde de Rêve de Dragon ? La responsabilité en incombe évidemment à Thanatos.
La vérité, qui sera révélée par le fantôme lui-même - seul moyen de la découvrirent - est la suivante.
Osnar Maragua (c'est le nom du fantôme) était un voyageur. Il voyageait avec deux compagnons, des frères jumeaux, Elkor et Bastim Klamoti. L'entente entre eux était assez bonne jusqu'au jour ou, s'étant retrou-vés dans une sombre forêt, ils découvrirent une sorte de cairn à demi enfoui sous la mousse. Quoiqu'Osnar fût d'un avis différent, les deux autres décidèrent de voir ce que ces pierres dissimulaient et mirent à jour une sépulture.
La tombe contenait un squelette, avec, pour tout objet, un anneau d'or nanti d'une gemme à l'éclat sombre, passé à l'un des doigts du mort. Fascinés par l'éclat du bijou, les trois hommes commencèrent par se disputer pour savoir qui en aurait la garde, puis se départagèrent en tirant à la courte paille. C’est ainsi que la bague échut à Osnar Maragua. Il ignorait, de même que ses compagnons, que la bague possédait un monstrueux pouvoir thanataire, véritable entité en elle-même. A l'instant même ou il la passa à son doigt, Osnar fut enchaîné aux forces noires du cauchemar.
La forêt en question était la forêt d'Eskilmoth, le soir même, les trois voyageurs arrivèrent en lisière. puis découvrir le village de Muset et son accueillante maison des voyageurs, où ils furent aimablement invités à passer la nuit. Or la bague demandait déjà une victime, elle avait déjà condamné son nouveau propriétaire. Les deux frères parurent soudain frustrés par le résultat du tirage au sort. Ils demandèrent à Osnar qu'on le recommençât; et celui-ci, bien évidemment, refusa. Alors, tandis qu'Elkor retenait l'attention d'Osnar, Bastim se saisit du lourd chandelier de fer forgé qui se trouvait sur la table et lui en fracassa le crâne. Osnar tomba raide mort. Et l'un des jumeaux (peu importe lequel) s'empara de la bague qu'il mit (plus prudemment) dans sa bourse. Le crime eut lieu dans le bureau. Le chandelier, l'arme du crime, représentait un poing dressé, avec un socle au niveau du poignet, et entre les doigts serrés, une cavité permettant d'y ficher la bougie.
Au matin, les deux frères quittèrent le village en emportant le mort avec eux, le soutenant chacun d'un bras sous les aisselles.
Aux villageois étonnés, ils répondirent avec force clins d'oeil que leur compagnon avait passé une mauvaise nuit, et, pas tout à fait dans son assiette, avait encore besoin de récupérer. Le chef du village Crut à une indisposition de haut-rêvant (il y en avait souvent parmi les voyageurs) et les laissa partir. Dans leurs bagages, les assassins emportaient également le chandelier en forme de poing, encore couvert de sang, soustrayant ainsi tout indice de leur crime. Dès qu'ils furent loin du village, ils abandonnèrent le corps dans un sous-bois, et continuèrent leur route vers la cité de Biscorne. Arrivés à la cité, ils revendirent le chandelier à un brocanteur, et, en ce qui concerne notre histoire, peu importe ce qu'ils sont devenus depuis. Cela se passait il y a cinquante ans.

La hantise
Étant mort sous l'emprise de l'entité thanataire, Osnar Maragua ne s'est pas réveillé dans un autre rêve comme fait normalement tout individu qui meurt. Les Dragons qui le rêvent continuent de le cauchemarder, à demi dans les limbes, ni mort ni vivant. Fort est leur désir de se libérer du cauchemar pour repartir d'un rêve neuf, mais leur attention est restée cristallisée sur l'arme et le lieu du crime, le bureau de la maison des voyageurs et le chandelier en forme de poing. Ces deux éléments étant désormais dissociés, il en résulte comme une déchirure dans leur rêve, une incertitude, une permanente angoisse. C'est ainsi qu'ils ne sont ni tout à fait endormis ni tout à fait réveillés, et que le rêve d'Osnar Maragua n'est plus qu'une interminable douleur à l'état brut.
Il existe toutefois une solution à cet état de chose, un remède dont ce qui constitue dé-sormais le rêve d'Osnar Maragua possède une obscure conscience : il faudrait que le chandelier funeste réintègre sa place sur la table du bureau. Cela étant, avec l'impression que rien ne s'est jamais produit et que tout est redevenu comme avant, les Grands Rêveurs pourraient se ressaisir, et, l'espace d'un instant, regrouper assez de force pour rompre enfin les chaines du cauchemar. Cette solution est effectivement la bonne et l'unique; pour mettre fin à la hantise, il faut rapporter le chandelier dans le bureau.
Pour cette raison, la nuit, la présence d'Osnar Maragua se fait toujours sentir au premier étage de la maison, dans toutes les pièces, pas seulement le bureau, ainsi que sur les balcons. Dès qu'il sent des vivants, il fait tout pour les terroriser. Son but, cependant, n'est pas la méchanceté pure, mais de réussir à s'incarner suffisamment pour pouvoir communiquer avec eux, leur expliquer son histoire et implorer leur aide.
Le problème est qu'il n'a à sa disposition que la terreur et la violence. L'inconvénient de cette méthode est également que, Jusqu'à présent, aucun voyageur n'a eu l'envie d'attendre jusqu’au bout.
Tous ont quitté la maison dès les premières manifestations.
Nos voyageurs auront-ils quant à eux plus de cran ? (Ce scénario a été testé deux fois, et dans les deux cas les joueurs ont été assez fous pour rester).

La règle du jeu
A chaque manifestation terrifiante, demander à chaque personnage témoin, ou directement victime, un jet de Volonté. La difficulté de ces jets est variable (voir ci-après); si les règles complètes sont utilisées, ne pas oublier également d'indure le Moral. Si le jet réussit, le personnage s'en tire quitte d'une bonne trouille (pur jeu de rôle); s'il échoue, sa terreur est telle qu'il a l'impression de se vider comme d'une partie de sa substance. En termes de jeu, il perd 1 point de vie (et 2 points d'endurance). Ne pas oublier à la manifestation suivante, que chaque point de vie manquant est autant de malus au jet de Volonté. Parallèlement, le fantôme thésaurise les points de vie perdus pour recréer sa propre substance. Au septième point obtenu, venant d'un même ou de plusieurs personnages, il sera suffisamment incarné pour cesser ses manifestations terrifiantes, d'une par, et de l'autre pour communiquer normalement.
Il racontera son histoire, l'état de non rêve dans lequel il est enchaîné, et quel peut en être le remède. Il décrira précisément le chandelier de fer forgé en forme de poing; mais son histoire s'arrête au coup reçu sur la tête, il ignore ce que sont devenus ses assas-sins et ce qu'il est advenu du chandelier. Il n'a pas même la notion du temps et ne réalise pas que cinquante ans se sont déjà écoulés.
Le pouvoir du fantôme s'étend à tout le premier étage, mais lui-même ne prendra corps que dans le bureau lieu du crime.
Au premier point de vie accaparé, il se manifestera comme une vague silhouette transparente, un ectoplasme dont les contours seront de plus en plus nets à mesure qu'il approchera du septième point de vie. Alors, il apparaîtra comme un fantôme normal, capable de parler.
Pour que les voyageurs s'en rendent compte, il faut évidemment que l'un d'entre eux, au moins, ait l'idée d'aller dans le bureau. S'ils restent dans une autre pièce, ils pourront toutefois entendre une voix crier : « Je suis Osnar Maragua » et en identifier la provenance comme étant le bureau. A eux d'aller voir. Mais rappelons que le fantôme n'aura de voix qu'au septième point de vie volé.
Alors, si les voyageurs acceptent de lui venir en aide, leur mission sera simple (dans son libellé du moins) : retrouver le chandelier fatal, où qu'il puisse être, et le rapporter dans le bureau. C'est tout.

Détection et lecture d'aura
Ces rituels ne pourraient s'appliquer qu'à l'ectoplasme en train de se former; il n'y a aucune aura ailleurs dans la maison.
Mais pratiquement, tout haut-rêvant tentant de monter en TMR sera immédiatement victime d'une manifestation, l'obligeant à rompre sa concentration. le fantôme ne peut pas être annulé par la voie usuelle.

Les manifestations
Les manifestations peuvent être de deux ordres : générales (Volonté à 0) ou intimes (Volonté à –5). les manifestations générales ne s'appli-quent à personne en particulier, les mani-festations intimes visent précisément un voyageur (voir ci-contre).
Au gardien des rêves de juger de leur alter-nance, de leur fré-quence, de même que de la victime des ma-nifestations intimes. Il est suggéré que ce ne soit pas toujours le même personnage, mais que chacun ait sa part. Le gardien des rêves peut également rajouter ses propres idées à la liste suivante. Soulignons enfin que dans les manifestations de style « torture », aucun dommage n'est réellement subi. Dans tous les cas, ce n'est que la peur insoutenable qui affaiblit le personnage et lui fait perdre un point de vie.

Manifestations générales
  • Brusque impression de froid glacial.
  • Une bougie s’éteint sans qu'il y ait de courant d'air.
  • Une porte fenêtre s’ouvre ou se referme sans motif.
  • Un objet se déplace spontanément de quelques mètres.
  • Un lit se met à tressauter sur place.
  • Une dague quitte spontanément un fourreau pour venir se planter dans une cloison à 2 cm de la tête d'un personnage.
Manifestations intimes
  • La victime sent :
  • Une main lui caresser les cheveux.
  • Une haleine fétide lui souffler au visage.
  • Des doigts crochus lui pincer le derrière.
  • Des dents lui mordre les oreilles.
  • Une lime lui limer les dents.
  • Une pince lui tordre les orteils.
  • Des bras la saisir pour le faire passer par-dessus la rambarde (uniquement si la victime est sur un balcon et heureusement sans succès).
  • Une chose vivante griffer son estomac depuis l’intérieur.


Début de piste
Ayant communiqué avec les voyageurs, l'ectoplasme ne tardera pas à s'effacer, sur quoi le reste de la nuit sera tranquille.
Dans tous les cas, toutefois, le phénomène repartira à zéro dès la nuit suivante, et ainsi de suite. Peut-être les voyageurs s'y pren-dront-ils en plusieurs nuits pour arriver à la clé du mystère. (les points de vie perdus sont normalement récupérables).
Les manifestations ayant commencé il y a cinquante ans, il ne sera pas difficile de déduire que le crime remonte à cette époque. Cela dit, interroger les villageois ne mènera pas à grand-chose; soit ils n'étaient pas nés, soit ils étaient trop jeunes pour avoir noté quoi que ce soit.
Seul Rascombe, qui est aujourd'hui l’Ancien du village, pourra fournir quelques maigres renseignements, et encore faudra-t-il qu'on l'aiguille sur la piste de ses souvenirs.
La piste est mince, mais c'est la seule. Si le chandelier doit être retrouvé, ce ne peut être qu'en direction de la cité.

La région
Le village de Muset est distant d'une cinquantaine de kilomètres de la cité de Biscorne.
Une route bien entretenue y conduit, longeant les bords d'une petite rivière, la Verde. Au nord de la route et de la rivière s'étend un pays de collines; le Vauderval.
C’est une région fertile, principalement de pâturages destinés à l'élevage des bovins. Le Vauderval comprend de nombreux autres villages que ceux mentionnés sur la carte, desservis par des chemins secondaires ralliant la grande route et, finalement, la cité de Biscorne, capitale du pays.
La Verde est une rivière de 20 m de large en moyenne, peu profonde, parsemée de bancs de sable et aisément traversable à gué. De l'autre côté, au sud, s'étend la profonde forêt d'Eskamoth aux limites inconnues. Les riverains traversent parfois la Verde pour se rendre à la lisière de la forêt, quand ils ont besoin de gros bois (ce fut le cas pour Martelon), mais sans oser s'aventurer plus loin. Les voyageurs qui en proviennent, généralement blessés et affaiblis, parlent unanimement de Groins, de Chafouins, d'Ogres et de Chèvres-Pieds, de monstrueux crabes sylvestres, de lapins tueurs et de sangliers à défenses de sabre. (Au gardien des rêves d'improviser tout ce petit monde si les voya-geurs avaient l'idée de visiter la forêt).
A l'est, dans la partie du Vauderval la plus escarpée, Perkal est un village du même type que Muset, sauf qu'il n'y a pas de mai-son des voyageurs. La vie y est tranquille et sans histoire. A l'ouest, c'est la même chose pour le village de Lilac.
La doyenne de Lilac, une certaine Ménéhould, âgée de près de quatre-vingts ans, peut se souvenir du passage des frères Klamoti si, comme pour son collègue de Muset, on sait aiguiller ses souvenirs.
Oui, deux voyageurs qui se ressemblaient comme des jumeaux - le fait avait frappé la jeune femme qu'elle était à l'époque -, mais ils n'étaient que deux, pas trois. Le plus singulier était qu'ils ne cessaient de se chamailler il propos d'une petite bourse, qu'ils por-taient ensemble, chacun la tenant par un des cordons ! Ils venaient de Muset et ont continué vers Biscorne. Ménéhould, par contre, n'a jamais vu ni entendu parler du chandelier en forme de poing.
A l'ouest, les collines du Vauderval s'estompent progressivement pour donner naissance à une grande plaine. C'est là, dans une boucle de la Verde, devenue plus profonde et plus rapide, que se dresse la cité comtale de Biscome - théâtre de la seconde partie de cette aventure.
Le voyage jusqu'à la cité devrait normalement être sans histoire, à moins que le gar-dien des rêves ne désire l'épicer d'une ren-contre de son cru, comme par exemple des Groins en maraude hors de la forêt.

Biscorne
Entièrement ceinte de remparts crénelés, la cite de Biscome est une importante place commerciale et artisanale. Ses rues, ses places, ses échoppes, ses auberges et tavernes, sont nombreuses; et le premier sentiment des voyageurs en y arrivant devrait être un profond découragement.
Comment, cinquante ans plus tard, retrouver trace du chandelier volé, à supposer qu'il soit bien parvenu jusque-là ?
En termes de scénario, la chance sera évidemment du côté des voyageurs; mais tandis qu'ils franchissent les portes et s'acquittent de la taxe d'entrée, il est évident qu'ils l'ignorent encore.
Laisser les voyageurs découvrir la ville, trouver une auberge, s'y installer, puis commencer leur enquête. Il est également probable qu'ils désirent faire des achats, renouveler leur équipement. Les échoppes et les marchés fournissent tous les articles standard aux prix indiqués dans les règles. Pour décrire et faire vivre la cité, utiliser les indications suivantes, regroupées par localisations.

  1. Porte bovine. l'une des trois portes de la cité, située au sud. C'est par là qu'entreront les voyageurs. la porte doit son nom aux troupeaux qui constituent la principale ri-chesse de Biscorne. Salée ou séchée, la viande de boeuf est exportée plus au nord, notamment à Vermoude, une cité portuaire. Parallèlement, de nombreux artisans travaillent le cuir (peaussiers, maroquiniers, bourreliers) et celui de Biscorne est d'une qualité renommée.
    Parmi les bovins se trouvent également les taureaux destinés aux combats dans les arènes, la grande passion des Biscornus (cités de Biscome). Ouvertes de l'heure du Vaisseau à l'heure de la lyre, les portes sont gardées en permanence par des hommes d'armes arborant les armoiries des comtes de Biscorne : deux paires de cornes de sable en champ de gueules (noires sur fond rouge). Les gardes réclament une taxe d'entrée à tous les arrivants; 1 denier par jambe et par roue. Armés d'arcs, d'épées sordes, de boucliers moyens, et protégés de cuir & métal, les gardes sont laissés à la discrétion du gardien des rêves en cas de problème grave.
  2. Porte de Vermoude. Porte située au nord, près du château comtal, donnant sur la route de Vermoude.
  3. Porte basse. Porte est, donnant sur les villages de la plaine.
  4. Le château. le château comtal est une petite forteresse imbriquée dans les remparts de la ville. C'est la résidence de Baltuveau V, actuel comte de Biscorne, surnommé le Cramoisi à cause de la couleur de son teint, Batuveau a deux passions notoires : l'amour des courses de taureaux (il est propriétaire des meilleurs élevages) et la haine des haut-rêvants. Les deux ont en commun de se conclure dans les arènes. (les lois anti haut-rêvants ne sont pas un mystère, et les voyageurs en seront rapidement informés). Le château abrite enfin la majeure partie de la garnison, soit une troupe de trois cents hommes.
  5. Les arènes. Situées au centre de la place du même nom, les arènes sont une sorte de Colisée, un bâtiment rond, haut et massif. Elles peuvent accueillir près de deux mille spectateurs. Le prix des places varie selon l'emplacement, de 10 deniers (tout en haut) à 2 sols (au premier rang).
    Des combats ont lieu tous les jours à l'heure du Dragon, non seulement de taureaux, mais également de gladiateurs.
    Comme dit précédemment, c'est aussi là que finissent les condamnés. Tout autour, la place est bordée de tavernes et d'échoppes, notamment fripiers, brocanteurs, prêteurs sur gage. On parie gros sur les combats et nombre de Biscornus sont souvent à court d'argent frais.
  6. Auberge de la passoire. L'une des auberges de Biscorne, dont la particularité essentielle est de donner sur la place de la Porte bovine et d'être donc la première aperçue par les voyageurs. Ils s'y arrêteront probablement. La Passoire est tenue par une certaine dame Mihène, une veuve de quarante ans au visage empâté, constamment de mauvais poil. Elle est secondée par un valet de vingt ans, Miluk, au tempérament fugueur. De fait, Miluk n'est jamais là quand elle l'appelle, ce qui explique peut-être son humeur exécrable.
    L'auberge possède dix chambres toutes meublées de deux lits d'une personne; le prix est à l'occupant : 10d la nuit. Le vin et la bière sont à 1d la mesure, et 1e repas (3 sust) à 12d.
  7. Auberge du crin bleu. Située près de la Porte de Vermoude, face au château, c’est l'auberge la plus chic et la plus chère de Bis-corne : meubles cirés, murs soigneusement chaulés, sols carrelés dans les tons gris et bleu, lampes de cuivre en appliques bien astiquées, vases de fleurs, plantes vertes, etc. le patron, Arsim Nonante, vêtu d'un bel habit de velours brun, trône derrière un magnifique comptoir de bois sculpté, d'où il peut tenir à l'oeil aussi bien les clients que ses servantes.
    Ces dernières, Mélune, Bricotte et Fraiselle, parées de tabliers et de bonnets immaculés, toujours aimables et souriantes, résument le style de la maison, discret, efficace, stylé. Le Crin bleu possède six chambres à un lit de deux personnes et six autres à deux lits d'une personne. Le prix est de 30d par occupant et par nuit. Vin et bière sont à 3d la mesure. Un repas gastronomique (5 sust) revient à 30d.
  8. Auberge du Tabouret qui chante. C'est dans cette auberge, décrite plus en détail ci-après, qu'a finalement atterri le chandelier en forme de poing.
  9. Grand marché. C'est sur cette place que les paysans des environs viennent vendre leurs produits, tous les jours de l'heure de la Sirène à l'heure de la Couronne. Les artisans y ont également leurs étals : maroquiniers, potiers, vanniers, merciers, etc.
  10. Marché aux cornes. le marché aux cornes n'a lieu que quatre fois par mois, le jour du changement de lune. On n'y vend que des bêtes sur pied, essentiellement des bovins. Un taureau de combat en excellente condition peut valoir jusqu'à 40 sols.
  11. Étuves des Arènes. C'est le principal établissement de bains de Biscorne. On peut s'y baigner (en toute promiscuité) dans la mégabaque, une énorme baignoire de bois cerclée comme un tonneau, pouvant accueillir jusqu'à douze personnes, pour le prix de 10d; ou dans une stalle particulière pourvue d'un baquet plus modeste, au prix de 20d. La maison propose également les services d'un masseur et d'un barbier (10d chacun).
Principales rues. Les noms suivants sont destinés à pourvoir les adresses auxquelles les voyageurs ne manqueront pas d'être envoyés au cours de leur enquête. Ne sont donnés que quelques noms, au gardien des rêves d'en imaginer d'autres éventuellement.
  1. Rue des Arènes
  2. Rue des Orfèvres
  3. Rue des saignements
  4. Rue des Hautes Impasses
  5. Rue des Petites Impasses
  6. Rue des Flaques
  7. Rue des Amourettes
  8. Rue des Pantoufles


L'enquête
N'ayant que peu de temps à sa disposition, le fantôme d'Osnar Maragua ne se sera pas étendu sur les détails. Il aura mentionné la bague trouvée dans le tombeau comme étant la source de sa dissension, mais sans parler explicitement de son pouvoir thanataire. Des joueurs imaginatifs peuvent néanmoins se dire que ce qui s'est produit une fois a pu se produire une seconde, et orienter leur enquête dans ce sens. N'y aurait-il eu autrefois une dispute entre des jumeaux a propos d'une bague ? Peut-être en présence d'un joaillier au moment de la vendre ? Ou bien un meurtre ? Ou pire encore, en restant dans la même logique, un lieu de la cité qui serait prétendu hanté depuis environ cinquante ans ?
Cette piste, à supposer qu'elle soit suivie par les voyageurs, pose un problème délicat. Il y a bien aujourd'hui une histoire de fantôme quelque part dans la ville (seconde partie de l'aventure). Mais sans aucun rapport avec la bague. Pour que la surprise n'en soit que plus grande, cette seconde histoire doit rester confidentielle jusqu'à ce qu'elle soit révélée au moment opportun. la piste d'un éventuel fantôme n'aboutira donc à rien, ce qui d'ail-leurs n'a rien d'invraisemblable. Ce n'est que par le chandelier que les choses pourront se débloquer.
Laisser néanmoins les voyageurs agir à leur guise et courir les boutiques d'orfèvres, les auberges et les tavernes dans l'espoir (toujours déçu) d'un indice.
Pour la même raison que précédemment, faire en sorte que les voyageurs ne tombent pas par hasard sur l'Auberge du Tabouret qui chante. Ils ne doivent finalement la trouver qu'une fois mis sur la piste du chandelier. Pour les besoins de leur enquête, improviser s'il le faut d’autres auberges. Devant le nombre de ces établissements, il ne sera pas étonnant que Le Tabouret qui chante ait pu leur échapper, d'autant que la ville est grande et labyrinthique.

Iruld Noki
Iruld Noki est un jeune brocanteur installé place des Arènes. Âgé de vingt-cinq ans, doté d'un physique agréable, il a hérité depuis peu de la boutique de son oncle et a décidé de redonner du dynamisme à son négoce, que le défunt avait quelque peu laissé s’endormir. C'est ainsi qu’en faisant l'inventaire de ses biens, il a découvert une pleine malle d'objets divers, qui moisissaient dans la cave depuis au moins cinquante ans. Ces objets sont venus regarnir son étal, et il en a déjà vendu un certain nombre. Le chandelier en forme de poing était parmi eux.
Les voyageurs peuvent tomber sur cette piste le plus simplement du monde : en visitant les brocanteurs. La place des Arènes est le véritable centre-ville, et ils y passeront tôt ou tard, notant précisément les échoppes en question. Après un ou deux essais infructueux, faire en sorte qu'ils s'adressent à Iruld Noki.
Le jeune homme les écoutera en hochant la tête, puis s'écriera : « Pas de chance ! J'avais effectivement un chandelier correspondant point par point à votre description, mais je l'ai vendu il y a une semaine ! » Puis, pour faire bonne mesure (et ne laisser aucun doute), il racontera son héritage et comment l'objet croupissait à la cave depuis cinquante ans ! Normalement, les joueurs devraient alors commencer à piaffer d'impatience.
Le problème est qu'Iruld ne connaît pas le nom de son acheteuse, puisque c'est d'une femme qu'il s'agit, et encore moins son adresse. Mais il peut la décrire : une femme de 40 ans, bien en chair, vêtue de façon plutôt bourgeoise, avec, détail important, un nez particulièrement disgracieux : tout grumelé de points rouges, comme une grosse fraise. Il ne se souvient sincèrement, de rien d'autre. Empathie/Survie en cité ou Commerce à 0 peut alors suggérer qu'une dizaine de deniers rafraîchirait sans doute sa mémoire défaillante.
« Maintenant que j'y repense, ajoute l'astucieux commerçant, la dame était accompagnée d'une adolescente. blonde, aux yeux violets, très mignonne, qui l'appelait « ma tante ». Cela dit, c'est vraiment tout ce dont il se souvient.

La piste brûle
Retrouver une bourgeoise d'âge mûr, dotée d'un nez en forme de fraise, et parente d'une adorable blondinette, telle devrait alors être la quête des voyageurs.
Dans cette partie informelle de l'aventure, au gardien des rêves d'improviser autant de fausses pistes qu'il le désire, jusqu'à enfin lâcher la bonne, prétexte à balader les voyageurs d'un bout à l'autre de la cité et en faire découvrir le pittoresque.
C'est ainsi que la dame peut être successive-ment « reconnue » comme une bouchère de la rue des Saignements, une drapière de la rue des Pantoufles, une modiste de la rue des Petites Impasses, etc., jusqu'à ce qu'un Biscornu finisse par déclarer en se grattant le nez : « Il doit s'agir de dame Risselle, la tenancière du Tabouret qui chante, une auberge située non loin de la Porte basse, à l'angle de la rue des Flaques et de la rue des Amourettes ».

Au tabouret qui chante


Le Tabouret qui chante est une auberge de dimensions modestes, ouvrant de plain pied sur la rue. C'est une maison de pierre constituée d'un rez-de-chaussée, d'un étage et d'un grenier. Elle ne possède aucune dépendance telle que hangar ou écurie, rien qu'une petite arrière-cour où donne l'escalier de la cave.
Située près de la Porte basse, c'est-à-dire à l'écart du grand axe commercial qui va de la Porte bovine à la Porte de Vermoude en passant par la place des Arènes, elle est peu fréquentée par les voyageurs, et sa clientèle est principalement constituée d'artisans ou de paysans venus boire un coup, sans être expressément pauvre, ce n'est pas une auberge de grand luxe.

L'accueil
Il est suggéré que les voyageurs ne tombent sur la piste de dame Risselle qu'en fin de journée, en sorte de n'arrivé au Tabouret qui chante que vers l'heure de la lyre, lorsque la nuit commence à tomber. Ils découvrent une salle de petites dimensions, meublée de quatre tables rondes, où sont installés une demi-douzaine de buveurs. L’ambiance est calme.
Une jeune fille vient s'enquérir de leurs désirs. Elle est petite, mince, blonde, dotée de ravissants yeux violets, et ne doit pas avoir plus de quinze ou seize ans, correspondant en cela à la description donnée par le brocanteur. Dévisagée par les voyageurs, elle se met à rougir. Elle semble timide, voire timorée. Les voyageurs peuvent entendre un des clients la nommer Aubénia
C'est ici à nouveau un moment de pur jeu de rôle que le gardien des rêves doit être prêt à jouer au mieux de sa forme.
Deux éléments vont s'entrecroiser pour aboutir à la révélation finale. Le premier est le chandelier dont on peut supposer que les voyageurs vont aussitôt s'enquérir, le second est qu'il n'y a plus, en cette heure tardive, ni vin ni bière dans les cruches. Interrogée sur le chandelier, Aubénia répond affirmativement et ajoute qu'elle va appeler sa tante.
A la demande de boisson, elle se trouble et dit qu'il faudrait aller en chercher à la cave, ce qui, visiblement, la plonge dans l'angoisse. Dame Risselle correspond elle aussi à la description d'Iruld Noki, quadragénaire, boulotte, avec un nez particulièrement bourgeonnant. Oui, répond-elle, elle a effectivement acheté un chandelier comme cela, destiné à meubler sa chambre. Elle est toutefois aussi commerçante que rusée. Devant l'intérêt que les voyageurs portent à l'objet, elle s'imagine qu'il a une grande valeur, et plus ces derniers haussent leur prix, plus elle pense qu'il vaut encore davantage et est rétive à le revendre. Parallèlement, Aubénia renâcle à descendre à la cave, et bizarrement, sa tante ne l'y oblige pas.
L'affaire peut se dénouer de deux façons. Soit les voyageurs finissent par s'étonner de cette peur de descendre à la cave, auquel cas dame Risselle finira par avouer, mal à l'aise, que depuis quelque temps, sa cave est nui-tamment hantée par un fantôme - un fantôme qui vient lui voler son brandevin ! (Coup de théâtre et stupéfaction des voyageurs !) Soit ils avouent eux-mêmes la raison pour laquelle ils désirent le chandelier, à savoir l'exorcisme de leur fantôme, et c'est au tour de l'aubergiste d'être stupéfaite. Dans les deux cas, on sera enfin dans le coeur du sujet.
Pour peu que les voyageurs se présentent comme des spécialistes, des chasseurs de fantômes, dame Risselle leur proposera alors le marché suivant: qu'ils la libèrent de son propre fantôme et elle leur offrira le chande-lier en échange.

Un fantôme alcoolique
Il y à environ un mois que l'aubergiste a commencé à noter que le niveau de son ton-neau de brandevin baissait spontanément.
Il n'y avait pourtant aucune fuite.
Puis, voilà deux semaines, un soir à l'heure du serpent, Aubénia est descendue à la cave remplir une croche de vin, éclairée d'une bougie, et s'est retrouvée nez à nez avec une tête toute blanche flottant dans l'air. La mal-heureuse a laissé tomber cruche et bougie et est remontée en hurlant.
Dame Risselle a d'abord cru que sa nièce avait été le jouet de son imagination; mais, tandis que le niveau de brandevin continuait à baisser, elle-même a été témoin de la même apparition une semaine plus tard, une horreur bouleversante. Depuis, aucune des deux femmes n'ose descendre à la cave la nuit tombée.
Pareillement, elles n'ont osé en parler à personne (mauvais pour le commerce), sauf à leur voisin. C'est ce dernier, messire Baheut, sabotier de son état, dont les fenêtres de l'atelier donnent d'ailleurs dans leur arrière-cour, qui leur a révélé qu'il ne pouvait s'agir que d'un fantôme.
Lui-même avait déjà entendu parler de ce genre de manifestation. Par ailleurs, il leur a expressément conseillé de n'en parler à per-sonne et surtout pas aux gardes de la cité, ce qui aurait pour effet de décupler la fureur du fantôme. Au lieu de s'en tenir à la cave, il pourrait alors hanter le reste de la maison et venir tirer les pieds des deux femmes dans leur lit. Le mieux, a ajouté Baheut, est d'attendre qu'il se lasse : les fantômes finissent toujours par se lasser. « En attendant, soupire la pauvre femme, il me coûte une fortune en brandevin ! »
Si les voyageurs sont prêts à agir, dame Risselle leur fait alors visiter les lieux.

Messire Baheut; Né à l’heure du serpent, 40 ans, 1m 70, 70 kg.
Taille 10
Constitution 12
Force 12
Agilité 11
Vue 10
Ouïe 10
Volonté 12
Empathie 11
Rêve 11
Chance 6
Vie 11
Endurance 23
Mêlée 11
Dérobée 11
+dom 0
Protection 0
Corps à corps niv 0 init 5 +dom (0)
Esquive niv 0
Vigilance, Discrétion +3


L'auberge
Le rez-de-chaussée comprend la salle commune (1), avec une porte donnant sur la cuisine (2), et une autre sur le couloir (3). Le couloir dessert la chambre de dame Risselle (4), celle d'Aubénia (5), et au fond à gauche l'escalier du premier (6), l'étage, dont le plan précis importe peu, comporte six chambres à deux lits.
Au pied de l'escalier, une porte donne sur l'arrière-cour. C'est là, contre le mur de la maison, qu'un escalier de pierre à ciel ouvert (8) mène à la porte de la cave désormais verrouillée en permanence (difficulté –3). La cour n'a d'autre accès que la porte de derrière de l'auberge. Elle est fermée par deux murets hauts de 2 m à gauche et à droite, et tout au fond, par le mur mitoyen de la maison du sabotier.
On peut y voir, au rez-de-chaussée, deux fenêtres fermées de volets. La cave (9) est une crypte de pierre maçonnée, voûtée, avec une hauteur maximale de 2,50 m, au sol tout de terre battue.
Des tonneaux en forment le seul mobilier, pour le vin (A) et la bière (B).
Tout au fond de la partie étroite, à gauche de la porte, repose sur ses cales un énorme foudre (C), un tonneau gigantesque long de 2,50 m et haut de 1,75 m. C'est tout à côté que se trouve le petit tonneau de brandevin (D).
Dame Risselle explique que le grand foudre n'est plus utilisé depuis longtemps.
Elle ne sait même pas comment il est arrivé dans la cave (il ne passe pas dans l'escalier); il était déjà là quand elle a repris l'auberge, témoin de l'abondance d'autrefois. La visite s'effectue à la lueur d'une bougie, et l'aubergiste, nerveuse, a visiblement hâte de remonter à l’air libre.

La vérité
La vérité, que les joueurs ont sûrement déjà subodorée, est que le fantôme est un imposteur, Il n'est autre que messire Baheut lui-même, qui a trouvé ces stratagème pour s'approvisionner gratuitement aux dépens de sa bonne voisine. Il est néanmoins visible que les voyageurs ne le découvrent que tardivement, encore secoués par la précédente affaire, et y voient un rapport avec le chandelier. Dans tous les cas, à eux d'agir comme ils l'entendent.

Des indices
Le sol en terre battue présente des traces de passage entre les tonneaux, mais il est im-possible d'identifier s'il s'agit ou non de celles des deux femmes. En revanche, VUE à -2 peut faire remarquer une légère marque blanche près du tonneau de brandevin. Il s'agit d'une trace de farine.
Le grand foudre sonne creux, ce qui est nor-mal. Les voyageurs peuvent noter que sa partie postérieure est étroitement collée au mur du fond, sans le moindre interstice entre le bois et la pierre. Enfin, un examen plus approfondi de sa partie antérieure révèle que tout le devant (le couvercle) pivote sur des charnières et s'ouvre (vers l'intérieur) comme une porte.
Pour le découvrir, utiliser charpenterie ou Bricolage à 0, ou à défaut un jet de Chance.
A l'intérieur du tonneau, des empreintes de pas se laissent distinguer, marquées de farine; et tout au fond, là où le tonneau rejoint le mur, non seulement manque le fond de planches, mais des pierres de la maçonnerie ont été descellées, révélant un trou assez grand pour livrer passage à un homme. De l'autre côté du trou commence la cave du sabotier.
Ces indices sont assez parlants. Aux voyageurs de choisir leur stratégie.

L'action
Mise au courant de la trouvaille des voyageurs, dame Risselle refuse de croire à la culpabilité de son voisin. « C’est un pauvre homme, explique-t-elle, que son métier suffit à peine à nourrir, et qui vient de connaître un grand malheur : sa femme est morte il y a trois mois. J'ai cru au début qu'il allait succomber de désespoir, mais depuis quelques semaines, il semble avoir trouvé au fond de lui la force nécessaire pour refaire surface. Ce serait une indignité de l'accabler maintenant ! » Les voyageurs peuvent arguer que c'est peut-être davantage au fond du tonneau de brandevin que de lui-même qu'il a trouvé la force en question, l'aubergiste n'en démord pas. De fait, il devient bientôt évident, à la façon dont elle en parle, que dame Risselle, veuve elle-même, trouve le nouveau veuf tout à fait à son goût.
Le mieux que les voyageurs aient à faire pour la convaincre est de tendre une embuscade au fantôme. Dame Risselle refusera d'alerter les gardes; et si les voyageurs en prennent l'initiative, elle ne trouvera rien de mieux à faire que de prévenir son voisin, lequel s'empressera de masquer le trou avec des planches. Si celui-ci est néanmoins révélé, il dira qu'il y a longtemps que cet éboulement s'est produit et que, faute de mieux, il a tenté de le réparer avec des planches. Bref, même si le doute subsiste, il n'y aura aucune preuve de flagrant délit. Noter qu'au lieu de prévenir les gardes, les voyageurs peuvent tenter eux-mêmes une visite chez le sabotier, aboutissant au même résultat.
Dans les deux cas, le sieur Baheut renoncera à ses visites, du moins jusqu'à ce que les voyageurs aient foutu le camp et que l'affaire soit un peu retombée. Dans l'immédiat, il n'y aura aucune preuve que le fantôme ait réellement disparu, et faute de cette preuve, dame Risselle ne lâchera pas son chandelier.
Les visites du fantôme sont fréquentes, mais il n'y en aura pas forcément une le soir même. Au gardien des rêves de décider du moment du prochain raid. Dans tous les cas, cela a lieu à l'heure du serpent, le Sabotier désirant avoir le reste de sa nuit pour dormir et cuver tranquillement.

Flagrant délit
Attendre la visite du fantôme avec une lanterne masquée semble donc le meilleur plan. Les chasseurs entendent finalement un faible bruit provenir du foudre (Ouïe à 0), puis aperçoivent une pale lueur. Il s'agit d'une bougie que le sabotier a laissée près du trou du mur. Alors, se dessine une vague silhouette, la lanterne étant démasquée, apparait effectivement un visage tout blanc, qui semble flotter dans l'air... Vu de plus près, toutefois, le subterfuge ne fait pas long feu : il s'agit d'un homme vêtu d'un justaucorps noir, chaussé et ganté de noir, dont le visage est passé il la farine.
Pris sur le fait, le sabotier tentera de s'enfuir par où il est venu, jouant des poings si nécessaire. Cerné et acculé, il se rendra néan-moins, surtout s'il est menacé par des épées, lui-même n'est pas armé.
Pour sa défense, il prétendra être venu faire la même chose que les voyageurs, à savoir tenter de surprendre le fantôme pour rendre service à cette bonne dame Risselle. Un mensonge qui ne tiendra pas longtemps la route.

Epilogue
Passé l'incrédulité, dame Risselle est prompte à réagir; mais au lieu d'appeler immédiatement la garde, elle propose à son voisin le marché suivant : soit il l'accompagne dès demain au bureau des mariages, avec les voyageurs pour témoins, soit elle le livre à la justice. Devant le choix qui lui est laissé, les arènes ou le nez en forme de fraise, le sabotier devient plus pâle qu'un véritable fantôme, puis se résout au moins terrible des châtiments...
Les voyageurs reçoivent quant à eux; le fameux chandelier. Il correspond parfaitement à la description d'Osnar Maragua.
Plus encore, l'aubergiste n'ayant pas encore eu le temps de le nettoyer, on peut y distinguer comme une ancienne et vilaine tache sombre. Enfin, pour supplément de gratitude, dame Risselle déclare aux voyageurs qu'ils ne lui doivent pas un sou pour leur séjour et qu'ils peuvent continuer à séjourner chez elle aussi longtemps qu'ils resteront à Biscorne.

Le retour
Le retour à Muset devrait s'effectuer sans plus de complication que l'aller. Les villageois seront surpris de voir revenir les voyageurs, n'ayant jamais réellement cru à cette histoire de chan-delier, et plus encore de les voir rapporter l'objet dont personne, hormis l'Ancien, n'avait conservé le souvenir. Nul doute que les voyageurs ne le replacent aussitôt sur la table du bureau, puis attendent la venue de la nuit... et le résultat.
Vers le milieu de l'heure du Serpent, une nouvelle manifestation de terreur se produit, annonçant l'arrivé du fantôme, mais une seule. Puis, d'un seul coup, l'ectoplasme apparaît complètement.
« Je suis Osnar Maragua, dit-il, et Osnar Maragua le puis être à nouveau ! Voici la porte qui s'entrouvre... voici la lumière... » Sur ces mots l'ectoplasme se remet à pâlir, à se déformer, tant et si bien qu'une minute plus tard il n'en reste plus la moindre trace. Le reste de la nuit est calme, comme le sera la nuit du lendemain, et toutes les nuits qui suivront. La maison des voyageurs de Muset est libérée.



La récompense
Il faudra un certain temps aux villageois pour admettre que la maison n'est plus hantée, et toute la force de persuasion des voyageurs pour décider l'un d'entre eux il y séjourner de nuit afin de vérifier.
Eris, le petit-fils de l'hôtesse, se décidera finalement; et c'est ainsi que se dissiperont les derniers doutes, dans l'allégresse générale. les villageois ne sont pas riches. Aussi n'ont-ils qu'une récompense symbolique à offrir : chaque voyageur pourra donner son nom ç l'une des pièces de la maison, et ainsi seront-elles désormais désignées à tous les voyageurs futurs, immortalisant le nom des glorieux chasseurs de fantômes. On dira ainsi, par exemple : après être monté au petit salon Eïdé et avoir emprunté le grand balcon Artighel, vous avez le choix de dormir dans la chambre Brucelin ou dans la chambre Nitouche, plus coquette; et si vous avez des écritures à faire, n'hésitez pas à profiter du bureau Mélimnod et de la lumière de son chandelier.
Enfin, réalisant rétrospectivement tout le stress de cette histoire, chaque personnage bénéficiera de 50 points d'expérience à répartir directement, sans jet de dés, dans les compétences de son Choix, comme un souvenir de son archétype.
Si le gardien des rêves désire enchainer sur une campagne de son cru, dont le présent scénario ne serait que le prélude, Osnar Maragua aura pu, avant de disparaitre, révéler un indice important sur la destinée de la bague thanataire, en sorte de lancer maintenant les voyageurs sur sa piste. De quel indice s’agit-il et où tout cela peut-il mener ? La décision incombe à chaque gardien des rêves.