Illustrations : Frank Drevon
Plans : Denis Gerfaud
Cette aventure est prévue pour 4 ou 5 personnages débutants ou
moyennement expérimentés. Elle peut être jouée telle quelle, ou bien,
amplifiée par le Gardien des Rêves, servir de base à une véritable
campagne.
INTRODUCTION
Les voyageurs sortent du gris rêve en même temps qu’ils se réveillent.
C’est le matin. Ils sont étendus sur des couches rudimentaires de
paille et de couvertures. Au dessus de leur tête, ils peuvent voir la
charpente d’un grenier. A l’extérieur, le toit est martelé d’un bruit
sourd : il pleut.
A mesure que se dissipent les brumes du gris rêve, ils peuvent se
souvenir d’être arrivés ici la veille au soir. La journée d’hier n’a
été qu’une succession d’orages violents. Ils ont marché sous ta pluie
toute la journée, dans un paysage de collines rocailleuses. Le soir,
débouchant dans une vallée, ils ont aperçu les lumières d’un village et
s’y sont dirigés. C’est ainsi qu’ils ont abouti à la maison des
voyageurs, harassés de fatigue. Le temps de se réchauffer près de
l’âtre, d’avaler une soupe chaude, ils sont montés dans le grenier
dortoir, et à peine étendus sur les couches, ont sombré dans un sommeil
réparateur.
Cette introduction permet que les voyageurs ne se connaissent pas
mutuellement au départ, ce. qui est idéal pour un début de campagne.
Ils ont pu cheminer séparément dans les collines pluvieuses et aboutir
l’un après l’autre à la maison des voyageurs, peu importe dans quel
ordre. Se réveillant ensemble, sous le même toit, dans la même pièce,
ils peuvent ce matin commencer par faire connaissance.
ISSYMIR
Venant du Nord à travers les collines semi-désertiques des Graveines,
les voyageurs ont abouti à Issymir, un village d’une quinzaine de
bâtiments, entouré de terres cultivées, traversé d’Est en Ouest par une
petite route.
La maison des voyageurs est un simple chalet de bois avec une pièce
unique au rez-de-chaussée et un grenier servant de dortoir. On
communique de l’un à l’autre par une trappe et une échelle. La pièce du
bas comporte un âtre de pierre et est meublée d’une table d’hôte
flanquée de bancs et de quelques étagères à vaisselle. A l'extérieur,
un grand auvent fait tout le tour de la maison. Quand les voyageurs
descendront, ils pourront voir par la fenêtre en dégoutter un épais
rideau de pluie. Apparemment le temps ne s’est pas amélioré depuis la
veille.
L’hôtesse est une villageoise du nom de Morilla, une femme de 40 ans,
aimable mais distante. Les voyageurs se souviendront naturellement de
l’avoir vue hier au soir, mais ne feront véritablement connaissance que
ce matin. Elle répondra à toutes leurs questions concernant la région,
comprenant fort bien qu’ils soient complètement perdus, et leur
proposera à déjeuner. La veille, les voyageurs auront pu dîner et
coucher gratuitement, comme le veut la coutume, mais le matin, ils
devront débourser chacun 1PB pour un petit déjeuner ou 2 PB pour un
repas plus plantureux. Pour ce qui est du gîte, s’ils veulent rester
plus longtemps, ils devront désormais « payer la paille »
soit une demi-pièce de bronze par nuit. Marilla couche elle-même dans
un appentis à l’extérieur de la maison.
C’est ainsi que les voyageurs apprendront qu’ils se trouvent à lssymir,
au pied des Graveines et non loin de la grande forêt d’Ekarna,çse : une
forêt sombre et dense, très giboyeuse (lapins, oiseaux, sangliers,
chevreuils) mais tout autant peuplée de fauves sans nombre. On y trouve
quasiment toutes les sortes de chats, des plus gros aux plus petits :
chats sauvages, lynx, pumas, panthères bleues, tigres verts... Les
chasseurs du village ne s’y risquent qu’en groupes bien armés.
Au Nord, les Graveines sont une région de collines accidentées,
regorgeant de ravins, de précipices et de cavernes; on peut très
facilement s’y perdre, et si c’est bien elles que les voyageurs ont
traversées la veille, ils ont eu de la chance de ne pas se briser les
os au fond d’un trou.
Quant à la route, actuellement détrempée et boueuse, elle mène à
Bledlost d’un côté, et à Gartafiol de l’autre.
Bledlost est à plus (l’une journée de marche vers l’Ouest. C’est
surtout un village de chasseurs, enclavé dans la forêt. des gens à
moitié sauvages. vêtus de peaux de bêtes. Au-delà, il n’y a rien.
Gartafiol, lui, est situé à l’Est, à environ une journée, dans la
grande plaine fertile. Là-bas, ils font deux récoltes de blé par an et
ils commercent avec les Grandes Cités Lointaines. Situées encore plus à
l’Est à ce qu’il parait. Mais ça ne les empêche pas d’être des gens
ignorants et stupides !
Lors, si les voyageurs sont un peu plus curieux et demandent des
précisions. ils pourront apprendre qu’à Gartafiol. on n’aime pas les
haut-rêvants.
« Ils disent que c’est à cause des haut-rêvants qu’on ne fait plus
que deux récoltes au lieu de trois et que les cités sont devenues
lointaines.
Alors, dès qu’ils attrapent un haut-rêvant, ils le passent à la
casserole ! à la marmite, comme ils disent. Et, voyez-vous. c’est là
qu’ils sont stupides. Certes, ce sont les haut-rêvants qui sont
responsables de la misère actuelle, mais les haut-rêvants du Second
Age, pas ceux de maintenant ! Ceux de maintenant n’y sont pour rien,
ils n’ont pas encore eu le temps. Là dessus, Sirgonz était formel !...
Vous trouvez ça juste, vous, de condamner quelqu’un pour un crime qu’il
n’a pas encore commis ? On ne peut pas savoir à l’avance. Si ça se
trouve, le crime sera encore plus horrible qu’on ne peut t’imaginer. Et
dans ce cas, la punition est sans doute bien trop douce! Non, il faut
attendre et voir . Sirgonz était catégorique à ce sujet. Et il savait
de quoi il parlait, Sirgonz. puisqu’il était lui-même haut-rêvant
!... »
En substance, les voyageurs pourront alors apprendre les faits suivants
: Sirgonz était un haut-rêvant qui vivait à l’écart du village, dans
une des nombreuses grottes dont regorgent les Gravcines. Il y vivait
depuis longtemps, nul ne se souvient exactement depuis quand. Il ne se
mêlait pas à la vie du village, mais on allait parfois le voir quand on
avait besoin de lui. Il savait enchanter tes tisanes d’herbes de soin
pour qu’elles vous cicatrisent en un clin d’œil, et il pouvait vous
guérir de la fièvre rien qu’en vous touchant du bout des doigts. En
échange, on lui apportait des provisions ou des herbes. Et puis, il y a
maintenant quatre ans de cela, il a disparu.
Au centre de sa caverne, entre deux piliers de roc, pendait une cloche
au bout d’une chaine.
Quand on allait le voir. on tirait sur la c loche, et au bout d’un
temps plus ou moins long. il apparaissait comme ça, semblant sortir de
la paroi...
Or ce jour-là. on eut beau sonner et re sonner de la cloche, Sirgonz
n’apparut pas, ni le lendemain, ni aucun des jours suivants. On en
conclut qu’il était- mort, ou parti, et l’on n’insista plus.
Aujourd’hui, quatre ans plus tard, seuls quelques jeunes vont encore se
balader jusqu’à son antre, en guise de promenade. Mais il n’y a plus
rien à voir. En vérité, il n’y a jamais rien eu. Rien qu’une caverne
basse avec une cloche entre deux piliers.
Si les voyageurs demandent aux villageois si aucun fait inusuel n’a
précédé la disparition du haut-rêvant, ou toute autre question du même
genre, on pourra leur répondre, que, maintenant qu’on y repense, sa
disparition a été constatée trois ou quatre jours après la grande
fumée. Pendant une journée entière, une noire colonne de fumée est
montée des Graveines, visible du village. La direction correspondait
approximativement à la grotte de Sirgonz. On se promettait de lui
demander s’il en avait une explication; mais comme, précisément, on ne
l’a pas revu, on n’a jamais eu de réponse...
Les voyageurs voudront probablement aller jeter un coup d’œil à l’antre
du haut-rêvant. Si cela ne les intéresse pas et s’ils reprennent leur
voyage sans s’en soucier, ils passeront complètement à côté du
scénario.
KIF
Il cessera de pleuvoir vers la fin de l’heure de la Couronne. Personne
au village ne pourra « expliquer » comment aller à la grotte,
ni encore moins tracer un plan; mais moyennant 1 PB, un adolescent
nommé Kif, Poil de carotte aux yeux verts, acceptera de les guider.
« Il faut compter une bonne demi-heure (draconique) de marche,
dira-t-il. Mais n’ayez crainte, je connais bien la route. J’allais
souvent chercher des herbes pour Sirgonz quand j’étais plus petit; et
en échange, il m’enseignait à lire. Je connais les trois principales
runes ! Et je sais aussi un peu de haut-rêve... » ajoutera-t- il
d’un air mystérieux.
En réalité, Kif est le seul au village à avoir découvert la zone
permanente de Miroirs et à comprendre son usage. Il faut dire que les
autres villageois, intimidés par tout ce qui avait, de près ou de loin,
rapport au haut-rêvant, ne ce sont pas montrés plus curieux. Depuis Kif
adore frimer avec la zone, faisant croire qu’il possède un miroir.
Durant la balade, les personnages pourront jouer chacun un jet de
VUE/Srv en Collines à -2. S’ils réussissent, ils pourront
ultérieurement , retourner à la grotte par leurs propres moyens. Si
tous échouent, ils ne pourront retrouver le chemin qu’en réussissant
VUE/Srv en Collines à -2. De ce fait, l’itinéraire choisi par Kif n’est
qu’une succession de sentiers zigzagants, de combes et de ravines,
parmi des éboulements tous semblables en apparence.
L’ANTRE DE SIRGONZ
1. La caverne d’accès donne au fond
d’un ravin envahi de ronces et de fougères. C’est une cavité naturelle,
aux parois irrégulières de roc gris, basse de plafond, à peine 2
mètres. Au centre entre deux piliers naturels, une petite cloche de
bronze pend toujours du plafond au bout d’une chaîne. Il n’y a rien
d’autre, ni aucune trace de quoi que ce soit.
2. Délimitée en pointillé sur le plan, une zone de Miroirs permanente
masque l’entrée du boyau Nord-Ouest et fait croire à la continuité de
la grotte. Quand Sirgonz percevait la cloche, il débouchait du reste du
complexe en traversant la zone, semblant ainsi jaillir de la paroi. Un
tour innocent, mais propre à intimider les esprits simples. Est-ce lui
qui accomplit la permanence ? Et si oui, avait-il un autre but que
celui, futile, d’impressionner les villageois ? C’est malheureusement
ce qu’on ne saura jamais. En l’occurrence, Kif profitera de l’occasion
pour frimer tant qu’il pourra, demandant aux voyageurs de n’entrer qu’à
son signal, puis de sonner la cloche, lui-même apparaissant enfin,
mystérieusement surgi. Selon les propres réactions des voyageurs, c’est
au Gardien des Rêves d’improviser les détails de l’incident, sans
craindre d’en exagérer le côté théâtral. Kif rie fait rien d’autre que
du jeu de rôle grandeur nature”.
3. Le mystère fera sans doute long feu. Hélas, l’étroit boyau se
termine par une solide porte entièrement métallique, verrouillée de
surcroît. Les voyageurs peuvent soit crocheter la serrure, difficulté
-4, soit transmuer le métal de la porte, soit transmuer la pierre du
pourtour, mais défoncer directement la porte est impossible. Si aucune
des alternatives indiquées ne leur est possible, ils ne pourront
entrer. « Y a pas moyen ! dira Kif. Vous pensez bien que j’ai
déjà essayé !... » Mais devant la déception des voyageurs, il
ajoutera « ou alors, par la cheminée... » Et il expliquera
qu’aux lendemains de la grande fumée, inspectant les environs de la
caverne, il a découvert un trou dans le sol, tout noirci de cendre et
de suie. Il fut alors intimement persuadé que le trou devait
communiquer avec l’antre du haut-rêvant.
Aujourd'hui, masqué par les herbes, le trou est virtuellement
invisible. Mais Kif en indiquera l’emplacement, parmi les rochers
au-dessus du ravin de la caverne d’entrée. C’est un orifice vaguement
circulaire, d’à peine 40 centimètres de diamètre. Dedans, il fait tout
noir. Une torche ne révélera qu’une cavité noire, et un caillou jeté ne
renverra qu’un faible « toc » au bout de 6 ou 7 mètres.
De fait, la cheminée communique effectivement avec l’âtre de la
première salle (N04). Un personnage peut s’y glisser en réussissant
DEROBEE/Escalade à -4, et à condition de n’avoir que 6 ou 7 en taille.
Il est impossible d’emporter avec soi aucun paquet, ni sac, ni arme
plus encombrante qu’une dague. En cas d’échec, recommencer avec un
malus de –1 cumulatif de round en round jusqu’à la réussite ou l’échec
total. Si celui-ci survient, le personnage est coincé; et la seule
chose qu’on puisse faire, en espérant qu’il se soit encordé, est de le
hisser à grand peine à l’extérieur. Dans tous les cas, le personnage se
retrouvera englué de suie des pieds à la tête. En cas de succès, noter
que la porte métallique, verrouillée, ne s’ouvrira pas mieux de
l’intérieur. La clé qui l’ouvre, avec le reste du trousseau se trouve
parmi les ossements (N0 6).
4. De cette salle qui fut le laboratoire d’alchimie de Sirgonz, il ne
subsiste plus que suie, cendres et charbons. Le long des murs, on
devine les traces charbonneuses de ce qui fut des étagères, de même que
les restes carbonisés d’une grande table au centre. Parmi les cendres,
on découvre des débris métalliques déformés par la chaleur: lames,
ciseaux, pincettes; et une multitude de tessons : débris de fioles et
autres récipients de terre ou de verre. Quiconque maîtrise la
compétence Alchimie peut se rendre compte qu’il s agissait d’un
laboratoire et qu’une formidable catastrophe a dû se produire; mais
rien ne peut permettre aucune autre déduction. Au fond de la pièce,
défendu par une grille munie d’une serrure, un escalier en colimaçon
d’un mètre de large descend vers un niveau inférieur. Comme le reste,
la grille est engluée de suie, mais la serrure n’est pas verrouillée.
5. C’est le même spectacle qui attend les voyageurs dans cette seconde
crypte : suie, cendres et charbons. Pour causer un tel ravage,
l’incendie a du être d’une violence inimaginable ! seul rescapé. dans
l’angle N-E, un coffret de bronze avec une serrure verrouillée -4. Dans
ce coffre difficilement transportable (il pèse à lui tout seul dans les
50 kilos, 25 ENC), on trouvera un manteau de laine bleu foncé, une
paire de bottes noires, un ceinturon de cuir noir, une bourse, un livre
relié et un rouleau de parchemins desséchés.
Le manteau s’effilochera dès qu’on le saisira, la laine étant
complètement cuite. Les bottes (Taille 11 ou 12) et le ceinturon
pourront encore servir à condition de les graisser et cirer
soigneusement (DEXTERITE/Maroquinerie à 0). La bourse est inutilisable,
complètement crevassée, et contient 20 pièces d’argent et une petite
clé. Le livre est très endommagé. C’est un grand in quarto avec des
coins et un fermoir de fer muni d’une serrure, difficulté -3. La clé
s’en trouve dans la bourse.
Il s’agit d’un précis de zoologie : A CROCS ET A GRIFFES par Zirkus de
Médraneau. Difficulté de lecture -2 / Temps de lecture : 4 heures +1
heure F.T.INT. (Un INT de 15 mettra donc un minimum de 6 heures, et un
INT de 13 ou 14 en mettra 7.) Gain : 20 xp en Zoologie, niveau maximum
+6 / Savoir relatif: 9 niv +2. Le livre a un ENC de 2 points. Il
comprend un article sur le Félorn. Outre la description complète de
l’animal (voir les Règles), on peut y apprendre qu’à l’état sauvage, il
vit de préférence dans les collines ensoleillées, et, contrairement à
d’autres fauves, déteste les forêts.
Le rouleau de parchemins comprend deux feuilles, dans un état de telle
fragilité qu’il faudra réussir DEXTERITE/ Lire & Ecrire à -3 pour
les dérouler et les manipuler. En cas d’échec, soit le personnage se
rend compte qu’il est incapable de manipuler les feuilles sans les
endommager, et il abandonne; soit il insiste et recommence avec un
malus cumulatif de -l jusqu’à la réussite ou l’échec total. Si celui-ci
survient, le parchemin est définitivement perdu.
Les parchemins sont couverts de symboles draconiques et sont tous les
deux des parchemins de recherche inaboutis, respectivement par Hypnos
et Thanatos. Bien qu’inaboutis, on peut deviner les buts de l’auteur en
les lisant par la bonne voie et en supposant une difficulté de lecture
de -5. Les deux visaient à trouver l’invocation d’une entité de feu,
quelque chose capable de produire une intense chaleur... Si un même
haut-rêvant déchiffre les deux recherches, il pourra se rendre compte
que celle par Thanatos est postérieure à celle par Hypnos et peut-être
plus proche de la réussite que la précédente. Il n’y a aucun moyen de
reprendre et poursuivre ces recherches.
6. Dans le passage entre les deux pièces se trouvent les restes
carbonisés d’une porte, de même qu’entre 5 et 7. Comme ailleurs, ce
n’est que cendre et débris charbonneux de meubles à peine
identifiables. Au fond. Cependant, on peut distinguer un amas
d’ossements noirâtres. S’agit-il des restes calcinés de l’ancien maitre
des lieux ? Oui et non.
Pour effectuer une certaine chauffe alchimique, Sirgonz avait besoin
d’une immense chaleur. Peu importe ce qu’il voulait faire, cela dépasse
le cadre de ce scénario. Pour l’obtenir, il rechercha l’invocation
d’une Entité de Feu. Après de nombreuses recherches inabouties et être
passé d’Hypnos, la voie usuelle des invocations, à celle de Thanatos,
il crut avoir trouvé.
L’état dans lequel on retrouve aujourd’hui les cavernes montre que le
résultat a dû dépasser ses espérances. Mais il n’y a rien qui ne se
paie deux fois avec la voie de Thanatos. Le cauchemar inhérent à cette
voie stagne toujours autour des restes brûlés du haut-rêvant. Et si un
personnage s’en approche à moins de trois mètres, les ossements se
rassembleront et s’animeront pour former une Entité de Cauchemar
Pleinement Incarnée.
Note. Bien qu’elle y ressemble, l’entité n’est pas un squelette.
Appliquer normalement toutes les règles concernant les E.C.P.I., entre
autre, réussir ici un jet de points actuels (le rêve à -3 pour réussir
à lui infliger des dommages. A zéro point d’Endurance, les ossements
qui la constitue tomberont en cendres.
7. Dans la pièce du fond, émergeant des cendres et des scories, se
dresse un monumental trône de pierre. Le haut dossier est sculpté de
façon à représenter une grande paire d’ailes à demi déployées: et la
partie frontale des accoudoirs, descendant jusqu'au sol, représente un
couple de chats, minces, le museau allongé, à la fois gracieux et
hautains. Le trône est noir de suie; mais sous la couche gluante, on
peut découvrir un magnifique marbre gris. Les voyageurs se demanderont
sans doute comment un tel meuble a pu atterrir dans la crypte, car il
doit peser dans les deux tonnes, et, vu son ampleur, ne passe surement
pas dans l’escalier. Mais la présence du trône n’est pas le moindre
mystère. Une investigation plus poussée n’apportera rien : il n’y a pus
d’autres salles, ni passages, visibles ou secrets, Lors c’est
probablement assez déçus que les voyageurs ressortiront à l’air libre.
LE REVE
Durant la nuit suivante, tous les personnages ayant vu le trône feront
le même rêve. Séparément, dans ce rêve, ils se trouvaient dans le vaste
hall d’un château, une pièce colossale avec une voute à plus de trente
mètres de haut, des balcons ornés d’étendards multicolores où des
hérauts en livrées sonnaient dans de longues trompettes. et tout autour
deux, une foule nombreuse d’hommes et de femmes bien mis. Le rêveur
lui-même est vêtu élégamment et, comme les autres, il suit la foule qui
s’écoule lentement vers le fond de la salle. Il sait qu’il se trouve
dans le palais royal de la cité d’Oriphande où la jeune reine Odalis
donne actuellement audience. Et voici que la foule s’écarte et
qu’arrive son tour de s’approcher. La reine Odalis est assise sur son
trône de marbre gris dont le dossier représente deux grandes ailes à
demi déployées et les accoudoirs un couple de chats minces et altiers.
La reine est une jeune femme très belle, brune, aux yeux clairs et
bleus comme le ciel, vêtue d’une longue robe bleue. Sur ses genoux,
elle caresse nonchalamment un petit chat ailé à la fourrure beige et
aux yeux aussi bleus que les siens. Le rêveur met un genou en terre,
accomplit une révérence; il va pour ouvrir la bouche et demander une
requête; et c’est alors qu’il se réveille...
Et au réveil, une certitude profonde naîtra en chacun des rêveurs, que
ce rêve était en fait un souvenir, l’écho d’une « vie »
antérieure. Et chacun pourra se demander « Mais qui étais-je, dans
ce rêve antérieur ? Etais-je alors un bourgeois. un courtisan, moi qui
présentement n’ai guère connu que le voyage ?... » Et une autre
certitude naîtra alors dans le cœur de chacun, que s’il pouvait
maintenant, dans ce rêve-ci, réellement se retrouver devant le trône de
la reine Odalis, occupé par une jeune femme brune aux yeux bleus, vêtue
d’une Longue robe bleue, et caressant sur ses genoux un petit chat
ailé, il pourrait reprendre son rêve interrompu et se souvenir de cette
incarnation passée. Nul doute alors qu’il pourrait re-bénéficier d’une
ancienne expérience. Et chacun se sentira empli dc l’importance de
cette quête personnelle.
En termes pratiques, les éléments suivants devront être réunis :
- Le trône ailé de marbre gris.
- Une jeune femme brune aux yeux bleus.
- Une longue robe bleue pour en revêtir la jeune femme.
- Et un félorn, qu’elle puisse tenir sur ses genoux et caresser.
Le trône qui croupit au fond des cavernes ressemble comme un jumeau au
trône de la reine Odalis du rêve, ce qui semble normal, puisque c’est
sa vue qui a tout déclenché. Est-ce réellement te trône authentique, et
si oui, comment est-il parvenu en ces lieux ? Encore une fois, c’est
une question secondaire pour la quête des voyageurs. L’important est
qu’il fasse l’affaire. Il devra toutefois être propre, c’est-à-dire
débarrassé de sa couche de suie. Moyennant seaux d’eau, brosses et
chiffons, il y a du travail pour 6 heures à deux personnes.
L’environnement précis du rêve n’a pas besoin d’être recréé, seul
compte le sujet principal. De ce fait, peu importe où aura lieu la
reconstitution: en plein air, dans un bois, ou, ce qui semble le plus
probable, au fond des cavernes de Sirgonz.
Il sera naturellement impossible de trouver le sosie parfait de la
reine Odalis, et de fait, ce n’est pas nécessaire. La seule exigence
est que la « figurante » ait entre 20 et 30 amis et qu’elle
soit brune aux yeux bleus avec une APPARENCE minimum de 12. En ce qui
concerne sa robe, peu importe sa forme exacte du moment qu’elle est
bleue, longue, propre et sans accroc.
Le plus difficile à trouver sera le chat ailé. Si les voyageurs n’ont
encore jamais rencontré de félorn, ils peuvent avoir connaissance de
cette singulière race de chat en réussissant INTELLECT/Zoologie à -2.
Dans tous les cas, la lecture du livre de Zirkus de Médraneau fournira
tous les renseignements nécessaires.
Noter que toute tentative de maquiller la réalité avec des illusions
(Humanoïde en Humanoïde pour obtenir une brune aux yeux bleus, ou
Animal en Animal pour obtenir un félorn à partir d’un chat de
gouttière) n’aboutira à rien. Le subconscient ne sera pas trompé par
les illusions, et dès lors, ne pourra pas re-déclencher le rêve
d’archétype. Si le groupe comprend une voyageuse correspondant à la
définition, elle peut par contre faire l’affaire en prenant place sur
le trône; mais il est évident qu’elle ne pourra se voir elle-même (un
miroir sera insatisfaisant) et sera donc frustrée de sa quête.
LA QUETE
Une quête de ce genre peut être sujette à des rebondissements
multiples, et. au choix du Gardien des Rêves, une rencontre aussi
banale qu’une brune aux yeux bleus peut devenir problématique. Alors
que dire d’un chat ailé ? On trouvera ci-après une façon relativement
simple de parvenir au but mais le Gardien des Rêves demeure entièrement
libre de ramifier la quête et de la compliquer à sa convenance.
La forêt d’Ekarnasse est réputée abriter toutes les races de chats, des
plus petits aux plus grands. Il est indispensable, au début, que
Marilla donne ce renseignement aux voyageurs, car c’est une entière
fausse piste. Les félorns aiment peu les forêts et il n’y en a aucun en
Ekarnasse. C’est l’utilité du Livre de Zirkus de Médraneau de donner ce
précieux renseignement. Il est malheureusement probable que les
voyageurs se rendront dans la forêt avant d’en avoir terminé la
lecture. Au Gardien d’improviser la partie de chasse; le Tigre Vert et
le Chat Sauvage des règles peuvent servir de modèles à quantité
d’autres fauves en variant légèrement les caractéristiques.
En réalité, c’est à Gartafiol, l’ennemi des haut-rêvants, que les
voyageurs pourront trouver une solution.
Mais auront-ils envie de s’y arrêter ?
GARTAFIOL
Il y a une journée de marche entre Issymir et Gartafiol, et les
voyageurs y arriveront probablement en fin de journée. C'est un village
plus grand que le précédent, presque un petit bourg, comprenant une
cinquantaine de maisons, fermes et dépendances. La roule le traverse et
continue vers le Nord-est à travers la plaine.
Le centre du village est constitué d’une grande place: la place de la
Marmite. Tout autour donnent les demeures des plus riches villageois.
ainsi qu’une maison de bois et de briques, à l’enseigne du Bâton Ferré.
Cet établissement tient lieu de magasin général, de buvette et de
dortoir pour les voyageurs. Une consommation courante (vin, bière) y
revient à 3 PE; un repas moyen à 3 PB et une nuit dans le dortoir à 1
PB.
Le Bâton Ferré est tenu par maître Houspik, un homme grand, sec et
taciturne, qui garde toujours à portée de main un gourdin de chêne
aussi solidement ferré que celui qui sert d’enseigne à sa maison.
Quand les voyageurs déboucheront sur la place, ils y trouveront une
animation inusuelle. La moitié de la population semble s’y être
rassemblée, et le lieu résonne d’appels, de cris et d’invectives. Ils
découvriront alors un spectacle insolite.
Le centre de la place est occupé par un grand fourneau de briques sur
lequel est posée une énorme marmite, un chaudron d’un bon mètre de
diamètre, Une étroite cage de fer pend juste au-dessus, suspendue par
une corde à une potence au moyen d’une poulie. La corde s’enroule
ensuite au tambour d’une espèce de treuil, la cage de fer descend droit
dans la marmite, qui est juste assez grande pour la recevoir en entier.
Mais ce qui est encore plus insolite. c’est que la cage n’est pas vide,
elle contient une jeune femme. Recroquevillée en position fœtale,
l’occupante est entièrement nue, hormis une sorte de toile blanche qui
lui enveloppe entièrement la tête. Ses mains sont liées dans son dos,
et ses chevilles sont également entravées.
Les voyageurs n’auront aucun mal à obtenir des détails, on ne parle que
de ça. « C’est une haut-rêvante ! leur expliquera-t-on. Une
fieffée coquine! A peine arrivée au Bâton Ferré, où elle a fait mine
d’être une voyageuse fatiguée, elle a commencé à lancer des sortilèges
pour nous abuser. Mais on a l’habitude ici, et on a eu tôt fait de lui
tomber dessus à plusieurs. Maintenant, le danger est écarté. On lui a
lié les mains avec une soie rouge, les chevilles avec une cordelette
bleue, et enfilé un sac de toile blanche sur la tête. Car il est bien
connu qu’un haut rêvant qui porte du rouge aux poignets, du bleu aux
chevilles, ou du blanc sur la tête, ne peut plus pratiquer ses
maléfices !... » (En réalité, un haut-rêvant ne peut monter dans
les TMR que s’il est libre de ses mouvements. De même, il doit pouvoir
voir le centre d’effet de son sort, personne, objet ou zone. Dès lors,
peu importe la couleur des liens du moment qu’il est entravé, ni ce
qu’il a sur la tête du montent que ça l’aveugle).
« Elle avait un petit chat, dissimulé dans les plis de son
manteau. Rien que ça, ça nous a paru bizarre c’est pas courant de
voyager avec un chat Là-dessus, maître Houspik s’approche pour lui
demander ce qu’elle veut boire. Elle murmure un enchantement, et voilà
le chat qui répond à sa place: une écuelle de lait, s.v.p.… Eh bien, si
elle comptait nous tourner la tête avec ses prodiges, ça a plutôt
foiré! Maître Houspik lui décroche aussitôt une grande baffe, histoire
de l’assommer proprement avant que ça ne dégénère, et voilà l’horrible
petite bête qui lui laboure le bras avec ses griffes. Sauve toi !
s’écrie la fille. Et nouvelle magie sur lui : voilà qu’il lui pousse
une paire d’ailes et qu’il s’envole par la fenêtre. Après ce coup là,
ça n’a pas fait un pli : on y est tombé dessus à quatre, et on a eu tôt
fait de la trousser, de lui appliquer les couleurs, et de l’encager...
Demain à l’aube, elle sera marmitée. »
Ce supplice est des plus simples. On allume du feu sous la marmite
remplie d’eau, et quant l’eau boue à grosses huiles, on y descend
progressivement. très progressivement, la cage. Une fois le condamné
bien cuit, chaque villageois a droit à un petit bol de bouillon; car il
est bien connu que « qui a bu du haut-rêvant, peut ensuite les
reconnaitre à l’odeur. »
FLEMORA
La prisonnière se nomme Flémora. Ce n’est pas une haut-rêvante, mais
une infortunée voyageuse, compagne d’un petit félorn. Les voyageurs
feront sans doute ces déductions eux-mêmes et pourront se dire que, non
seulement ce pourrait être une bonne action de délivrer la pauvre
fille, mais que cela pourrait encore être fort profitable à leur quête.
S’ils interrogent les villageois sur la couleur d’yeux et de cheveux de
la « haut-rêvante », ils ne recevront que des réponses
contradictoires blonde, châtain, yeux noirs, yeux bruns, etc... A la
vérité, ils lui sont tombés dessus si vite qu’ils n’ont pas eu le temps
de la détailler. Si le Gardien des Rêves est pressé de conclure le
scénario, il peut la faire brune aux yeux bleus : sinon, la figurante
devra être cherchée ailleurs, Flémora ne fournissant que le Félorn.
Il est naturellement impossible de prévoir de quelle façon vont tourner
les évènements ni comment les voyageurs s’y prendront pour libérer la
jeune femme. Elle ne sera exécutée qu’à l’aube prochaine, ce qui laisse
une nuit pour agir. La porte de la cage n’est pas fermée à clé, mais
par un verrou extérieur. Durant la nuit, les villageois regagneront
leur demeure, à l’exception d’une garde de 6 villageois armés qui
resteront sur le lieu du supplice, éclairés par une grosse lanterne
accrochée au bout de la potence, comme un fanal. Ces gardes seront
relayés trois par trois toutes les deux heures. Fin Château Dormant, le
feu sera bouté aux fagots disposés dans le fourneau, de façon que l’eau
commence à frémir au lever du jour.
Par ailleurs, il est évident que les voyageurs ont intérêt à bien
donner le change jusqu’au moment de l’action. Au moindre soupçon qu’il
puisse y avoir des haut-rêvants parmi eux, tout le village se tournera
contre eux; et comme on l’a vu, il ne faut pas grand chose à Gartafiol
pour motiver de tels soupçons.
CONCLUSION
Il est évident qu’une fois Flémora hors de la cage, il ne faudra pas
moisir plus longtemps à Gartafiol, ou risquer d’affronter un renfort de
villageois armés. La jeune femme est nue, toutes ses affaires sont
demeurées au Bâton Ferré. Aux voyageurs de voir s’ils prennent le
risque d’aller les récupérer. A défaut, la robe bleue qu’il faudra se
procurer (ou qu’ils se sont peut-être déjà procurée) ne sera pas
entièrement inutile. La voyageuse ne demandera qu’à aider les voyageurs
en retour. Les villageois borneront leurs poursuites aux limites des
terres cultivées, soit un rayon de 3 kilomètres autour du village.
Aucun n’osera s’aventurer plus loin. Le félorn se nomme Simbad. Après
sa fuite du village, il est allé se nicher dans une crevasse de la
falaise qui borde le plateau à l’Ouest.
Il a l’ouïe fine, et si le groupe quadrille les environs en appelant
son nom, il finira par se manifester. Lors, si tous les détails sont
réglés, brune aux yeux bleus, robe bleue, il ne restera plus qu’à
revenir à lssymir accomplir la reconstitution onirique.
La nuit suivante, tous rêveront à nouveau d’un épisode d’une vie
antérieure, avec comme bénéfice un apport direct (sans jet de dés) de
35 points d’expérience. Ces points pourront être répartis dans les
compétences de leur choix, à condition de ne pas dépasser l’archétype
ni d’augmenter de plus d’un niveau une compétence au dessus de zéro. La
teneur du second rêve est laissée à la discrétion du Gardien des
Rêves.
Ce peut n’être que des séquences sans importance, s’il désire conclure
définitivement ou ce peut être la relance du scenario s’il désire
l’entraîner dans une véritable campagne. Les voyageurs peuvent alors
rêver un détail particulier au sujet du trône, de la reine ou de la
cité d’Oriphande, et se retrouver embarqués dans une nouvelle quête, ou
enquête, qui leur fournira éventuellement les réponses aux questions
non résolues que recherchait Sirgonz ? que faisait chez lui le trône
d’Odalis ? La cité d’Oriphande existe-t-elle toujours ? Pourquoi Odalis
aimait-elle tant les chats ?... Ainsi que d’autres questions qui ne
manqueront pas de naître sous la conduite d’un Gardien des Rêves
inventif...